Depuis 50 ans, Boris Mikhaïlov documente avec provocation l’histoire de l’Ukraine

Depuis 50 ans, Boris Mikhaïlov documente avec provocation l’histoire de l’Ukraine

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© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris

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Par Konbini avec AFP

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Échec du communisme, misère du peuple ukrainien et autres bouleversements : Boris Mikhaïlov pose un regard provocateur sur l’Histoire.

En pleine guerre en Ukraine, une exposition à Paris se penche pour la première fois sur l’œuvre du photographe Boris Mikhaïlov, qui pose depuis cinquante ans un œil provocateur sur l’histoire de son pays. Échec du communisme, misère de la population à la chute de l’URSS et résilience du peuple ukrainien face aux bouleversements de l’histoire… Pour illustrer ces sujets, l’artiste de 84 ans multiplie les expérimentations, passant de la photographie de rue à des autoportraits mis en scène et décalés.

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“Ce n’est pas de la photographie documentaire”, prévient Simon Baker, le directeur de la Maison européenne de la photographie. “Son travail est engagé, très personnel et subjectif”, explique-t-il. L’artiste est d’ailleurs exposé dans les musées d’art moderne, comme la Tate à Londres et le MoMA à New York.

Salt Lake, 1986. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

Baptisée “Journal ukrainien”, l’exposition parisienne présente plus de 800 œuvres provenant d’une vingtaine de séries, réalisées entre la fin des années 1960 et aujourd’hui. Aucun cliché ne montre la guerre actuelle en Ukraine, mais de nombreuses images de Kharkiv, sa ville natale, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe, ont été ajoutées pour cette rétrospective retardée en raison de la crise sanitaire.

“Chaque étape de son travail montre des temps très durs pour l’Ukraine. C’est une succession de traumatismes”, souligne Simon Baker. Sous le régime communiste, Boris Mikhaïlov prend des photographies à la volée des habitant·e·s de Kharkiv, un acte interdit. “Je ne m’intéresse pas aux exploits mais plutôt à la ‘moyenne’, à la vie quotidienne”, écrit-il dans le catalogue d’exposition. Un quotidien marqué par la misère sous l’URSS mais aussi après sa chute.

Red, 1968-75. Tate : acquis avec l’aide du Art Fund, avec la contribution de la Wolfson Foundation et Konstantin Grigorishin en 2011. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn)

Dans la série At Dusk, il arpente les rues au lendemain de l’effondrement du régime soviétique, il peint ses clichés en bleu, symbole, pour lui, de famine et de guerre. “L’espace était détruit, les gens tombaient par terre”, raconte Mikhaïlov. Dans Luriki, il se moque de l’esthétique de la propagande soviétique en colorisant des portraits et dans Yesterday’s Sandwich, il joue avec ses pellicules en juxtaposant des images.

Dance présente des moments d’allégresse et de légèreté du peuple ukrainien tandis que Red se concentre sur la fréquence de la couleur rouge, du communisme, au cœur du paysage urbain et humain. Pour I am not I, l’artiste présente des autoportraits dans lesquels il tient un gode et défie la masculinité. Projet plus controversé : Case History. En 1997-1998, il demande à des sans-abri de poser, parfois nus, contre rétribution pour montrer la misère après la chute du communisme.

Dernier traumatisme photographié par Boris Mikhaïlov, The Theater of War, les manifestations pro-européennes de la révolte du Maïdan. Ces clichés en grand format résonnent avec la situation actuelle. Boris Mikhaïlov et sa femme Vita ont dédié l’exposition à l’Ukraine et “à tous ceux qui souffrent de cette attaque […] incompréhensible contre [leur] patrie”.

Luriki, (Colored Soviet Portrait), 1971-85. (© Boris Mikhaïlov/Collection Pinault/Courtesy of Guido Costa Projects, Orlando Photo)

Yesterday’s Sandwich, 1966-68. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

Dance, 1978. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

National Hero, 1991. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

At Dusk, 1993. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

I am not I, 1992. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

Crimean Snobbism, 1982. Tate : acquis grâce au financement du Russia and Eastern Europe Acquisitions Committee et du Photography Acquisitions Committee 2016. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn)

The Theater of War, Second Act, Time Out, 2013. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)

Case History, 1997-98. (© Boris Mikhaïlov/VG Bild-Kunst, Bonn/Courtesy of Galerie Suzanne Tarasiève, Paris)