Pourquoi Ai Weiwei a-t-il installé 2 000 gilets de sauvetage le long de remparts québécois ?

Pourquoi Ai Weiwei a-t-il installé 2 000 gilets de sauvetage le long de remparts québécois ?

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© Kay Nietfeld/Picture Alliance via Getty Images

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Une œuvre forte et politique, dans la droite lignée du travail de l’artiste chinois.

À première vue, on croit voir installée une immense fresque colorée, composée de faïences teintes peut-être, ou bien d’une multitude de fleurs qui embaumeraient l’air de la ville de Québec. À y regarder de plus près, ce sont en fait 2 000 vestes de sauvetage agrégées les unes aux autres qui se dressent contre les remparts de la vieille ville, formant un imposant mur signé Ai Weiwei.

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Pendant dix jours, accompagné d’une quinzaine de personnes de son équipe, l’artiste militant a installé ces vestes de survie récupérées à Lesbos en 2016. L’île grecque est tristement connue pour être un point de passage entre le Moyen-Orient, le continent africain et l’Europe. Le festival d’art urbain Passages insolites, qui présente l’installation, souligne que “les équipements de flottaison ont servi à des milliers de réfugiés syriens en fuite vers l’Europe”.

Depuis une dizaine d’années, avec l’arrivée de plus en plus de personnes forcées de quitter leurs terres natales et le durcissement des lois migratoires, le lieu est devenu synonyme de drames, qu’il s’agisse des terribles conditions de vie de ces personnes exilées ou du nombre de leurs décès.

Selon l’Agence des Nations unies pour les réfugié·e·s“3 231 personnes ont été déclarées décédées ou portées disparues en mer en Méditerranée et dans le nord-ouest de l’Atlantique” en 2021. Un nombre en hausse (“1 881 en 2020, 1 510 en 2019 et plus de 2 277 en 2018”), mis en exergue par Ai Weiwei, lui-même exilé, dans son installation Life Jackets.

L’œuvre, visible dans le Vieux-Québec jusqu’au 10 octobre prochain, foule pour la première fois le sol nord-américain après avoir été “présentée à Berlin, Vienne et Copenhague”, rappelle le Journal de QuébecLe nombre de gilets de sauvetage exposé cette fois-ci est plus important que lors des occurrences précédentes, une référence à la hausse du nombre de décès en mer.

Passages insolites note la pertinence du lieu sélectionné par l’artiste. Un choix qui “résonne avec l’histoire locale puisqu’elle fait écho aux racines migratoires de la Nouvelle-France”. “La Batterie royale est un ouvrage de défense militaire construit par les Français en 1691 pour contrecarrer les tentatives d’invasion anglaises. En évoquant les délimitations frontalières qui régissent toujours la mobilité humaine, la structure architecturale renforce le propos de l’œuvre qui la recouvre.” Ainsi, l’œuvre met également en lumière l’héritage post-colonial de l’Occident.

L’installation Life Jackets est présentée à Québec jusqu’au 10 octobre 2022 dans le cadre du festival Passages insolites.