Pourquoi les œuvres de Yayoi Kusama reflètent si bien le Lion

Pourquoi les œuvres de Yayoi Kusama reflètent si bien le Lion

Image :

© Alain Nogues/Sygma/Sygma via Getty Images

photo de profil

Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

Des œuvres colorées, exubérantes et clinquantes : quoi de mieux pour représenter le Lion que les œuvres généreuses de Yayoi Kusama ?

Chaque mois, notre rubrique “Artstrology” vous fait (re)découvrir des œuvres et artistes à la lumière d’un signe astrologique. Ce mois-ci, c’est au tour du Lion de passer sous notre loupe.

À voir aussi sur Konbini

Un signe de feu

Avec le Sagittaire et le Bélier, le Lion est un signe de feu, royal, sanguin, puissant, charismatique, qui laisse une grande place à son ego. Gouverné par le Soleil, le Lion veut qu’on le voie, veut montrer la voie, veut affirmer son identité, sa présence, sa noblesse, et qu’on le respecte.

C’est à peu de chose près ce qu’on ressent face aux œuvres grandioses, flamboyantes de Yayoi Kusama. Si l’artiste japonaise a aujourd’hui choisi de vivre en ermite dans un hôpital psychiatrique à Tokyo, ses sculptures et installations monumentales, elles, se donnent au monde sans réserve, avec vitalité.

Yayoi Kusama, Yellow Pumpkin, Naoshima, Japan. (© Education Images/Universal Images Group via Getty Images)

On ne peut pas passer à côté d’une œuvre de Kusama sans la voir, sans la remarquer. Prenons ses Pumpkin, des énormes citrouilles jaunes à pois noirs. Notons que le jaune est une couleur dominante dans ses travaux artistiques et qu’elle reflète bien le Lion.

La sculptrice avant-gardiste place également son corps, son être et son image comme un outil artistique. À titre d’exemple, il y a ses nombreuses performances libres, provocantes et exubérantes des années 1960. Au cours de ses “naked performances”, ses “anatomic explosions”, ses “naked demonstrations” et ses “body festivals”, l’artiste et son public se foutaient à poil et peignaient des pois sur leur corps.

“La nudité est la seule chose qui ne coûte rien”, dit-elle dans son autobiographie Infinity Net: The Autobiography of Yayoi Kusama. Ponctuellement, ses performances excentriques avaient une dimension plus politique et étaient arrêtées par les forces de l’ordre suite au grabuge causé dans des lieux très publics, très touristiques. Et oui, le Lion ne va pas s’exhiber dans l’intimité et le calme d’une petite galerie d’art privée.

Une des “naked performances” de Yayoi Kusama, 1968. (© Keystone Features/Getty Images)

À l’image du Lion, Kusama aime se sentir libre, sans limite dans son travail, et s’est toujours démarquée des conventions artistiques. Dans son autobiographie, elle raconte ce que lui faisait subir sa mère, qui projetait sa soif de vengeance des infidélités de son mari sur sa fille. Sa mère s’opposait également à son art. Très tôt, la performeuse a ressenti un besoin d’indépendance, de rébellion, d’émancipation, et s’est détachée des traditions patriarcales de la société nippone.

“Au beau milieu d’une famille aussi toxique que celle-ci, la seule chose pour laquelle je vivais était mon art. Et comme je manquais de sens commun dans mon rapport aux gens et à la société, les conflits avec mon entourage se sont aggravés plus encore. La pression mentale et mon anxiété naturelle se faisaient de plus en plus présentes à mesure que les critiques me visaient, et l’avenir commença à me paraître sombre et répugnant”, peut-on lire dans son autobiographie.

Concernant l’élan de vitalité et de liberté du Lion, nous pouvons également citer les Happenings de la plasticienne, qui s’allongeait dans la rue, sur un matelas présentant des formes phalliques en relief, recouvertes de pois.

Yayoi Kusama, Narcissus Garden. (© Holger Hollemann/picture alliance via Getty Images)

Et comment ne pas évoquer sa présence à la biennale de Venise de 1966, à laquelle elle n’était pas invitée mais s’est imposée, méprisant les cancans. Elle a profité de cet événement pour déverser dans les canaux de la ville italienne 1 500 boules-miroirs, rien que ça. C’est ainsi que son œuvre Narcissus Garden est née. Et j’insiste ici sur le terme “narcissus”. Plus Lion, tu meurs. Des décennies plus tard, en 1993, elle sera officiellement invitée pour investir le pavillon japonais.

Un signe fixe

Aux côtés du Taureau, du Scorpion et du Verseau, le Lion est un signe fixe. Placés au milieu d’une saison, les signes fixes sont connus pour leur droiture, leur entêtement, leur patience et leur rigueur. Ils sont là pour stabiliser la saison et ce qu’ont enclenché avant eux les signes cardinaux.

Cette stabilité se lit dans la récurrence des œuvres de Yayoi Kusama, qu’elle appelle des “obsessions” de pois ou de fleurs : depuis toujours, elle réalise les mêmes séries, les mêmes motifs, explorent les mêmes thèmes, sans trop déborder, bien que son travail soit riche. Et il y a une cause à cette itération : l’artiste japonaise est restée marquée par les champs de fleurs de sa famille et à l’âge de 10 ans, elle a expérimenté des hallucinations qui pesaient sur sa vie.

Yayoi Kusama, “Dots Obsession New Century”. (© Alain Nogues/Sygma via Getty Images)

“Un jour, après avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j’ai porté mon regard vers le plafond. Là, partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s’étendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la pièce, tout mon corps, tout l’univers en étaient pleins”, exprime l’artiste dans Le Journal des arts.

Ses hallucinations visuelles chroniques, qui prenaient la forme de pois et de taches, se retrouveront dans tous ses projets, que ce soit ses Pumpkins, ses Infinity Mirror Rooms composées de points scintillants à profusion ou ses Self Obliteration Rooms qui la mènent à coller des pois sur des corps ou des murs.

Ces images mentales sont omniprésentes dans ses créations, car la seule manière d’échapper à ses obsessions visuelles et à ses angoisses de disparition de l’individualité est de les dessiner. “Ma vie est un pois perdu parmi des milliers d’autres pois”, écrit-elle dans son Manifeste de l’oblitération.

Yayoi Kusama dans une de ses Infinity Mirror Rooms. (© Alain Nogues/Sygma via Getty Images)

Un signe représenté par… le cœur et la colonne vertébrale

Chaque signe du Zodiaque est représenté par une partie de notre anatomie. Pour les Lions, il s’agit du cœur et de la colonne vertébrale. Et on peut dire que Yayoi Kusama a la main sur le cœur et ne se limite pas, ni en taille ni en quantité. Et parce que le Lion est too much, Yayoi Kusama a même développé une marque de fringues aux designs assez criards. On l’a bien compris : tout doit être parfait, grandiose, clinquant, tout doit être vu.

Ses souvenirs d’enfance forment la colonne vertébrale de ses œuvres et chacun de ses travaux demande un investissement colossal. Ses structures sont grandes, épaisses, solides et s’inscrivent dans une architecture précise, un horizon pensé même si le but recherché est souvent la perte de repères, la désorientation.

Yayoi Kusama, Obliteration Room. (© Matt McClain/The Washington Post via Getty Images)

Un signe solaire et généreux

Malgré sa posture royale et égocentrique, le Lion est un être très généreux ; il donne beaucoup à celles et ceux qu’il aime. L’affection et la séduction sont capitales pour lui, il veut plaire aux personnes qu’il estime. C’est le cas des œuvres immersives et des performances interactives de Yayoi Kusama qui invitent le public à participer à leur création.

Dans les Obliteration Rooms ou ses performances nues, le public joue avec l’œuvre, la bâtit en partie, ou incarne l’œuvre même. L’artiste japonaise ne voudrait jamais au grand jamais laisser pantois·es celles et ceux qui visitent une de ses expositions.

Un des “body festivals” organisés par Yayoi Kusama, à New York, 1967. (© Weegee/International Center of Photography/Getty Images)

Elle ne supporterait pas d’observer une réaction passive face à son travail et veut transmettre des émotions : que ce soit de l’amusement enfantin quand il s’agit de coller des pois dans une salle immaculée et peindre sur son corps des ronds, ou un sentiment de perte de repères dans ses Infinity Mirror Rooms.

Le Lion, cinquième signe du Zodiaque, est en lien avec la maison 5, celle qui gouverne “les amours, les plaisirs, les jeux, les enfants, les créations”, “tout ce qui est agréable dans la vie du sujet”, nous souffle le site Astrothème. Les œuvres dynamiques de Yayoi Kusama figurent ces notions : elles sont faites de partage, d’émotions et de transmission.