Retour sur la tendance “aesthetic” d’Instagram et ses évolutions

Retour sur la tendance “aesthetic” d’Instagram et ses évolutions

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© Gabrielle Henderson/Unsplash

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Par Emma Couffin

Publié le

Sobre et épuré, le feed Instagram se veut désormais minimaliste.

Utilisé plus de 98 millions de fois sur Instagram, le hashtag #Aesthetic envahit l’application. Le mot désigne tout ce qui est relatif à la beauté, ou à l’appréciation de la beauté. L’esthétique d’un compte Instagram correspond plus largement à ce qu’il inspire aux autres. La façon dont le feed va être harmonisé reflète donc un idéal de vie, un standard.

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Or les posts que l’on considérait “esthétiques” aux débuts d’Instagram, il y a une dizaine d’années, ne le sont plus aujourd’hui. Les tendances évoluent, les contenus aussi. La tendance est désormais au feed harmonieux, moderne, aux tons neutres. Les images sont soigneusement construites dans un minimalisme réfléchi.

L’exigence d’un feed harmonieux

Aujourd’hui, un post Instagram n’est plus une simple photographie prise à la volée et publiée instantanément. On pense davantage à l’esthétique du feed et moins à l’esthétique d’une publication isolée. Et ça, les marques l’ont bien compris.

Pour acquérir davantage de visibilité, une marque va devoir présenter un feed attractif pour attirer le follower, d’où l’intérêt d’avoir un feed “Insta-worthy” : un fil Instagram qui vaille le détour, qui attire notre attention.

Mais pas n’importe comment… La marque va choisir un thème visuel, une direction artistique particulière. Pour avoir une cohérence graphique, elle va opter pour des filtres similaires, des couleurs similaires en dégradé, créer une illusion d’espace en segmentant une seule photo en plusieurs posts, ou bien utiliser les mêmes retouches sur toutes les publications.

Bref, pour que l’ensemble du feed soit parfaitement harmonieux, on doit penser à tout. Certain·e·s vont même jusqu’à prévisualiser leur publication pour voir si elle reste cohérente avec les posts précédents (via des applications comme Preview). Instagram travaillerait d’ailleurs actuellement sur une mise à jour qui permettrait aux utilisateur·rice·s de modifier leur feed en repositionnant les publications comme bon leur semble.

Le mouvement de l’instagramisme

Qu’est-ce qui est instagramable et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Certains lieux en ont fait leur marque de fabrique. Des musées aux restaurants en passant par des sites touristiques, de plus en plus de lieux sont pensés pour être photogéniques et correspondre aux standards fluctuants du réseau social, jusque dans les moindres détails.

La culture visuelle d’Instagram présente donc certaines similarités avec l’esthétique de la publicité. À l’ère des influenceur·se·s et des contenus sponsorisés, la frontière est floue entre l’image commerciale et celle qui ne l’est pas.

Cependant, pour Lev Manovich, professeur à la City University of New York, la différence se trouve dans l’intention de l’image : si l’image commerciale souhaite vendre un objet, une photographie personnelle postée sur le réseau social ne propose qu’une intention. Selon le professeur, il existerait une culture visuelle d’Instagram : “l’instagramisme”, soit “l’esthétique poétique du réseau social”.

Il s’agit de mettre l’accent sur l’atmosphère que dégage une photo, son intention, plutôt que l’objet même ou le sujet photographié. Le pouvoir d’Instagram serait de transmettre des humeurs, des états d’âme, des modes de vie, à travers des scènes de la vie quotidienne.

Des contraintes du réseau social naît l’esthétique minimaliste d’Instagram. Notons que les confinements successifs ont eu pour effet d’interroger à nouveau cette conception du “beau feed” désormais restreint au quotidien.