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L’angoissante et fascinante Chambers racontée par Uma Thurman

L’angoissante et fascinante Chambers racontée par Uma Thurman

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©Netflix

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Par Marion Olité

Publié le

Avis aux amateurs de thrillers psychologiques.

Présentée en avant-première au festival Séries Mania, l’inclassable Chambers a fait forte impression. Et pas seulement car elle compte dans ses rangs une certaine Uma Thurman. Créée par Leah Rachel, elle raconte la trajectoire d’une jeune femme, Sasha, dont la vie est sauvée in extremis après une greffe de cœur. Elle va se rapprocher de la famille de la défunte, dont la mort dans des circonstances étranges commence à l’obséder.

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Les premiers épisodes de Chambers posent une ambiance étrange, fascinante et angoissante. Il faut dire que l’action se déroule au beau milieu d’une communauté new-age privilégiée de l’Arizona, où menacent régulièrement les tempêtes de sable désertiques. Sasha vit-elle dans une ville attenante, plus pauvre, et appartient à la communauté des Dineh, peuple amérindien d’Amérique du Nord. La série joue sur cette rencontre entre deux classes sociales qui ne se côtoient guère habituellement. “L’idée était de montrer que la diversité fait partie de nos vies, qu’elle n’est pas séparée ou enfermée quelque part”, explique la showrunneuse.

Si Leah Rachel n’aime pas trop le terme de white privilege (venu des États-Unis et utilisé pour désigner la position sociale supérieure des classes blanches aisées et la manière dont elles se soutiennent économiquement, par rapport aux classes racisées), Chambers s’en fait clairement le reflet en propulsant son héroïne, Sasha, dans un milieu blanc et riche. Uma Thurman incarne Nancy, mère en deuil en pleine dépression dans sa grande villa aux multiples pièces. Elle commente :

“La thématique est là, il y a une forme d’ignorance désinvolte. Mon personnage se fait le reflet de la façon dont nous nous comportons, souvent inconscients ou insensibles aux différentes conditions sociales ou expériences des gens. Il y a des tas d’injustices légitimes, partout. Cela fait partie de l’histoire.”

Mais la série amorce aussi un début de réconciliation, qui passe par la visibilité de l’autre, et l’empathie, tout simplement. “Pour qu’une personne se rende compte de son ignorance, il en faut une autre pour bousculer sa vision de la vie. On ressemble souvent beaucoup à l’univers dans lequel on a été éduqué. C’est ce que montre la série, et le fait de mélanger les gens permet de les faire changer”.

Nancy pourrait être insupportable dans Chambers. Le rôle de la mère éplorée n’a pas été inventé hier. Mais Uma Thurman lui apporte une mélancolie et en même temps une combativité qui émeuvent. Impossible de tricher pour l’actrice, décidément excellente, filmée parfois en très gros plan, comme lors de cette scène de repas malaisante où elle rencontre Sasha pour la première fois.

Dans le rôle principal, Sivan Alyra, qui effectue ses premiers pas devant la caméra, fait forte impression sur une partition pas évidente, celle d’une ado qui subit une attaque cardiaque puis doit vivre avec un nouveau cœur, ce qui revient pour elle à s’adapter à un nouveau corps qui fait des siennes. Elle entretient une relation touchante avec son oncle, la seule famille qu’il lui reste, et sa meilleure amie, qui tente tant bien que mal de l’accompagner à travers ces changements.

À ses côtés, Tony Goldwyn et Uma Thurman incarnent les parents endeuillés, qui vont tenter de trouver du réconfort en s’attachant – un peu trop – à Sasha. Ce rôle, certes secondaire mais intense et complexe, a tapé dans l’œil de l’actrice, tout comme la tonalité particulière de la série : “Je me suis dit que la façon dont était écrite Chambers était audacieuse. J’aime les choses contemporaines qui se demandent qui nous sommes maintenant. C’est un peu le fil rouge de ma carrière, le genre dramatique et la modernité. Il y a quelque chose d’étrange, d’original et de frais dans cette série.”

Le corps et l’esprit

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Thriller psychologique perché, avec une touche d’horreur et de teen drama (une bonne partie de l’histoire voit Sasha enquêter sur la mort de celle qui lui a donné son cœur, une ado blanche et aimée de la communauté, une nouvelle Laura Palmer en somme), Chambers est effectivement un objet sériel des plus étonnants. Les épisodes réservent quelques “jump scares” pas piqués des vers, tandis que s’instaure une atmosphère toujours plus pesante, teintée d’éléments surnaturels.

Parfois, nul besoin d’hallucinations. Il suffit de filmer Tony Goldwyn en pleine “respiration du feu” (pratique qui accompagne une posture de yoga et est censée libérer les mauvaises ondes infiltrées dans nos corps et nos esprits) pour ressentir l’angoisse qui agite ce père, tentant de gérer le traumatisme psychique de la mort de sa fille par un transfert vers une douleur physique (la séance, très physique, se termine par une autoflagellation qui n’a plus rien à voir avec le yoga).

Au-delà d’une exploration des traumatismes et de la façon dont chacun·e tente de s’en sortir, Chambers pense la relation entre le corps et l’esprit, détaille Leah Rachel, surtout quand on est une femme.

“Il y a cette chanson des Smith au début de l’épisode pilote [“Still Ill”, ndlr] qui résume bien cette question centrale. Elle traverse en particulier les personnages de Nancy et Sasha. Elles possèdent un instinct féminin qui fait qu’elles ressentent un changement dans leurs corps. Ne pas comprendre de quoi il s’agit mais en ressentir les effets physiques joue sur leurs émotions. En tant que femme, on connaît bien ce sentiment : tout le monde leur dit que ce qu’elles ressentent est faux et n’existe pas.”

Une métaphore de la période des menstruations peut-être, toujours assez invisibilisée de nos jours ? Mais aussi à toutes ces fois où la médecine a dit aux femmes “vous n’avez pas mal, il ne se passe rien en vous”. Uma Thurman abonde dans le même sens : “Ce n’est pas une série qui parle de perfection féminine, au contraire, elle met en scène des personnages féminins en prise avec leurs failles, qui font face à des esprits joueurs et étranges.”

Si la série perd un peu de sa créativité visuelle à partir de l’épisode 3 – les deux premiers, saisissants, ont été réalisés par Alfonso Gomez-Rejon qui a ensuite passé la main –, les personnages sont assez bien dessinés et le scénario assez intrigant pour donner envie de comprendre ce qui se trame dans la psyché de Sasha, qui va gagner dans son combat pour retrouver son identité et reconnecter son corps à son esprit.

La première saison de Chambers est disponible depuis le 26 avril sur Netflix