Gomorra, saison 5 : Ciro ou Savastano, c’est l’heure de choisir votre camp

Gomorra, saison 5 : Ciro ou Savastano, c’est l’heure de choisir votre camp

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Par Adrien Delage

Publié le

L’ultime saison de la série italienne repousse les limites de la violence pour nous plonger dans la terreur de la Camorra.

C’est la dernière fois que nous entendrons résonner les notes lancinantes de “Nuje Vulimme ‘na Speranza”, le titre emblématique de NTO’ & Lucariello qui vient conclure chaque épisode de Gomorra. Après quatre saisons de haute volée et un film consacré à Ciro, la série de Roberto Saviano se conclut cette année au terme d’un cinquième chapitre très attendu. La fiction italienne, qui a largement dépassé ses frontières et mis en lumière le crime organisé mené par la Camorra napolitaine, devra enfin déterminer le seul et unique leader de Secondigliano.

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La surprise est grande pour celles et ceux qui n’ont pas regardé le film L’Immortale, mais Ciro est bel et bien vivant. Il avait pourtant été abattu par son ancien élève et ami, devenu son rival entre-temps, Gennaro Savastano. En réalité, le personnage incarné par Marco D’Amore a survécu à ses blessures et fui en Lettonie pour récupérer et préparer sa vengeance. Dans le même temps, l’escalade de la violence à Naples atteint un point de non-retour avec le meurtre de Gerlando et Benedetta Levante. Genni est désormais traqué par la police et la famille endeuillée qui cherche un coupable et veut profiter du chaos pour prendre le pouvoir sur la ville des péchés.

Règlement de comptes à l’italienne

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La recette de Gomorra n’a pas changé depuis sa première saison diffusée en 2014. La série de Roberto Saviano a su trouver son public à travers une forme de réalisme poussée à l’extrême, qui se ressent jusque dans le grain froid et verdâtre de l’image. À la croisée du documentaire et de la fiction, pour nous conter avec authenticité le système à la fois chaotique et structuré de la Camorra, Gomorra n’a jamais fait dans la dentelle. C’est une série violente, crue, puissante, où les personnages se prennent pour des dieux revenus à l’époque de la Grèce antique : ils vivent dans l’opulence à outrance, sont téméraires, calculateurs et agissent la plupart du temps dans leur propre intérêt.

Mais la force de Gomorra repose aussi sur les failles de ce système mafieux. Un problème dans l’engrenage du crime organisé qui commence avec la relation complexe et tumultueuse entre Ciro et Gennaro, et qui se conclura avec cette dernière. Désormais, fini la multiplication des intrigues et le concept de série chorale, la guerre entre les deux rivaux atteint un point culminant qui déterminera le règne à long terme de l’un des deux sur Naples. La saison 5 monte crescendo, avec la recette traditionnelle du slow burner, même si un événement explosif dans l’épisode 2 marquera définitivement l’histoire de la série.

Après une saison 4 en demi-teinte, où on perdait quelque peu l’intérêt de suivre des personnages qui tournaient en rond, cet ultime chapitre revient à son essence : une forme de violence viscérale, où nos antihéros s’abandonnent complètement à leurs démons. Passages à tabac, assassinats en public, corruption mais aussi retour à une forme de Goulag moderne ponctuent ce début de saison d’une brutalité exacerbée. Roberto Saviano entend ici critiquer une nouvelle fois les dérives de la pègre et tenter de briser la fascination des jeunes, parfois à l’origine de baby gangs, pour un univers qu’ils identifient comme leur unique porte de sortie.

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Gomorra n’a jamais dépoussiéré la série de mafieux mais elle enfonce le clou avec une efficacité à couper le souffle. La forme de vérité criante sur le déterminisme social, la stigmatisation des banlieues et la banalisation de la méritocratie dans le monde du travail touche un public au-delà des frontières italiennes, dont certains artistes s’en sont emparés dans la culture rap. La musicalité dans Gomorra est d’ailleurs une force depuis ses débuts, avec les sons acides et mélancoliques de Mokadelic qui, comme les trois coups au théâtre, annoncent toujours en fin d’épisode une révélation, un twist renversant. Une preuve supplémentaire que tout est biblique dans la série italienne.

Il n’y a jamais eu de fin heureuse dans Gomorra et on doute franchement que cette saison 5 changera la donne. Mais la série se terminera sur un chapitre d’anthologie, repoussant aux limites les comportements machistes de Ciro et Gennaro, au bord de l’implosion (ou peut-être d’une rédemption voire réconciliation inespérée ?). Les deux hommes ont littéralement massacré femmes et enfants pour se hisser jusqu’au sommet de Naples sans toutefois parvenir à trouver la réponse à leur tourment existentiel : est-ce que la fin justifie les moyens ? C’est à cette question que répondra la saison 5 qui débute sur deux épisodes solides et bouleversants, alors qu’à la manière de leurs allégories mythologiques, Sodome et Gomorrhe, les deux rivaux vont abattre une pluie de feu sur la ville qu’il tenait tant à défendre et vénérer.

En France, la saison 5 de Gomorra est diffusée sur MyCanal, à raison de deux épisodes par semaine.