Avec The Sex Lives of College Girls, Mindy Kaling réussit son entrée à l’université

Avec The Sex Lives of College Girls, Mindy Kaling réussit son entrée à l’université

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Par Marion Olité

Publié le

Enfin une bonne série sur les années fac !

Si les années lycée sont le lieu de prédilection des teen dramas depuis leur montée en puissance dans les années 1990, celles qui suivent à l’université ne sont pas si souvent explorées. On a bien quelques très belles exceptions en tête, comme la punchy et engagée Dear White People (2017-2021) ou la mélancolique Felicity (1998-2002), mais elles restent rares.

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Comme si cette période spécifique de la vie, bien souvent celle de l’émancipation du cocon familial, n’était pas aussi importante que celle des “premières fois” de l’adolescence. C’est pourtant souvent celle des nouvelles amitiés, des premiers amours “sérieux”, des expériences en tout genre, de l’accumulation de savoirs, des premières désillusions aussi, et de la perte de repères. Voilà peut-être pourquoi il est si difficile de créer une bonne série sur la vie à l’université.

Retranscrire à la fois l’excitation de la nouveauté, la nostalgie d’un temps révolu et les premières galères peut avoir quelque chose de presque déprimant. Mindy Kaling, co-créatrice de The Sex Lives of College Girls avec Justin Noble, a trouvé la parade parfaite pour ne pas nous faire broyer trop de noir et rendre sa série plus lumineuse : miser en partie sur la comédie. C’est toujours payant, surtout quand on dispose d’une plume aussi experte et brillante en matière de comédie que la sienne.

Dans cette série au titre évocateur, choisi de l’aveu de la showrunneuse pour attiser la curiosité, on suit la trajectoire de quatre étudiantes à l’Essex College qui ne se connaissent pas et se retrouvent colocataires dans cette université du Vermont aux vibes anglaises. Au-delà d’un sens du timing comique imparable, l’une des forces de l’écriture de Mindy Kaling réside dans la caractérisation de ses personnages, de plus en plus attachants au fil des dix épisodes que compte la première saison.

Faites la connaissance de Kimberly (Pauline Chalamet, oui, il s’agit de la sœur d’un certain Timothée), étudiante boursière et candide qui débarque de sa petite ville de l’Arizona, Bela (Amrit Kaur), une Indienne-Américaine du New-Jersey très sex-positive qui rêve de devenir autrice de comédie (l’alter ego de Mindy Kaling), Whitney (Alyah Chanelle Scott), fille d’une sénatrice noire et championne de foot, et Leighton (Reneé Rapp), une gosse de riche de New York et lesbienne au placard. Ces quatre-là vont se découvrir et apprendre à se serrer les coudes, dans la joie et la bonne humeur, mais aussi dans les malheurs.

De la comédie bien sentie (autant dans les situations avec cette soirée nudiste gênante que dans les répliques qui font mouche, et les clins d’œil récurrents à la pop culture), des personnages un peu awkward qui révèlent leur profondeur couche après couche, des seconds rôles bien troussés (les collègues de Kimberly ou le frère de Leighton), et un goût de plus en plus prononcé pour des sujets contemporains liés au sexisme, au racisme ou au classisme… Voilà la recette gagnante de The Sex Lives of College Girls.

À chaque nouvelle série, la showrunneuse affirme un peu plus son style, sans pour autant tourner en rond. Si l’on compare cette série avec Mes premières fois, sa série ado sur Netflix, on observe quelques traits communs, comme l’univers choral, le ton comique ou encore une inclusivité qui lui permet de bousculer les archétypes du teen drama.

Prenez le personnage de Leighton : elle a tout de la figure de la mean girl blanche, blonde, accro aux vestes Chanel et aux queues-de-cheval hautes bien strictes. Mais à la fin du premier épisode, on comprend qu’elle sera un peu plus intéressante que les “Heathers” superficielles habituelles, étant une lesbienne au placard, qui ne veut pas être définie par son orientation sexuelle. La showrunneuse renverse aussi les stéréotypes en proposant aussi un personnage blanc et pauvre en la personne de Kimberly quand Whitney, la golden girl fille de sénatrice, est, elle, noire.

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Sans éluder les sujets sensibles (le personnage de Kimberly se rend compte qu’elle fait preuve de préjugés racistes, tandis que Leighton met son amie dans une situation inconfortable et lui fait subir du classisme), la série ne résume pas ses personnages à leur couleur de peau, leur classe sociale ou leur orientation sexuelle. Chacune des protagonistes fait face à ses expériences (une liaison avec un prof marié), ses erreurs qui peuvent coûter cher (une tricherie sur un coup de tête), ses soirées arrosées… et ses conséquences parfois désastreuses !

Ces quatre héroïnes-là sont loin d’être parfaites, et c’est bien pour cela qu’on s’identifie à elles. On sent aussi qu’avec The Sex Lives of College Girls, Mindy Kaling se permet d’aborder des sujets plus matures, comme la sexualité bien sûr, mais aussi les violences sexuelles à travers le personnage de Bela, dont l’entrée tant rêvée dans le milieu de la comédie, à travers un club ultra-prisé de l’université géré par des hommes et qui a vu passer de futurs plumes du Saturday Night Live, se fait dans la désillusion la plus totale.

Dans une intrigue qui rappelle immanquablement le comportement de Louis C. K. (l’humoriste a reconnu s’être masturbé devant de jeunes femmes sans leur consentement), Bela est victime d’agression sexuelle de la part d’un des deux chefs de ce club. Cet arc narratif, très bien traité tout au long de la série, rappelle que le patriarcat et le sexisme, dans le milieu du stand-up ou ailleurs, peuvent briser des vocations et sont à l’œuvre dès les années de formation. Mais une série de Mindy Kaling sans solution ne serait pas une série de Mindy Kaling, qui choisit de toujours voir le verre à moitié plein. À la fin de la saison, Bela surmonte cette épreuve traumatisante et une nouvelle sororité se crée avec d’autres femmes inspirantes dans le milieu de la comédie.

Avec The Sex Lives of College Girls, Mindy Kaling nous offre un instantané de la jeunesse américaine des années 2020. Certes, parfois les ficelles sont grosses et les intrigues prévisibles – la scénariste a débuté sur les networks américains et ses shows répondent à une recette qu’elle n’est pas encore prête à abandonner –, mais cela ne nous empêche pas de passer un excellent moment devant notre écran et ne diminue pas nécessairement les enjeux dramatiques du show. Ajoutez à la pertinence sociétale de la série un peu de soap et de relations amoureuses sexy (les couples Kimberly et Nico ou Leighton et Alicia) et vous obtenez une série fun et sexy – mais pas que – qui se dévore en deux soirées de binge-watching, et dont on a hâte de découvrir la suite.

En France, la série n’a pas encore de diffuseur (mais cela ne saurait tarder !).