Je me suis payé un coach de jeux vidéo et je ne l’ai pas regretté

Je me suis payé un coach de jeux vidéo et je ne l’ai pas regretté

Ces trois heures de cours d’Apex Legends ont-elles servi à quelque chose ? Oui.

J’ai eu beau essayer, je suis toujours aussi mauvais aux jeux vidéo. Pas tous, cela dit. Si mon niveau sur les jeux de stratégie en temps réel (RTS) et autres jeux de stratégie est en général tout à fait correct, je suis une énorme quichasse en jeu de tirs à la première personne (FPS).

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J’ai la visée d’une mamie perchée et les mouvements d’un canard boiteux, c’est une catastrophe. Mes potes ont même arrêté de me prévenir quand ils jouaient à Valorant ensemble. Alors j’ai pris un coach, un vrai, un cador de l’e-sport, payé en bonne et due forme via une plateforme nommée Snowball pour entraîner mes congénères casu à devenir des as de l’headshot.

Voici mon histoire.

La communauté des mecs mauvais

Mon jeu du moment, c’est Apex Legends – qui connaît au passage un regain de popularité incroyable. J’y ai joué sur PS4 peu après sa sortie, puis sur PC cette dernière année. J’ai grosso modo passé 250 heures sur le jeu. Et j’ai envie, depuis la fin du printemps, de devenir un peu bon. Je try hard, mais c’est pas la folie : me voilà désormais, quelques jours à peine avant mon premier cours avec mon nouveau coach, débarqué au rang de Platine IV. Le meilleur de la communauté des mecs mauvais – et inversement.

Bref, j’ai envie de progresser. Il existe en ligne énormément de sites proposant la même chose : mettre en relation des coachs, semi-professionnels ou professionnels, avec des joueurs cherchant à progresser sur un jeu. Le nombre de ces sites, côté anglophone en particulier, a explosé durant le confinement, affirme le Guardian dans un article. Mais le phénomène existe depuis longtemps : un confrère de Konbini nous a même parlé d’un cours de StarCraft 2 pris en novembre 2013 sur le site français eGG-one school.

Mon dévolu s’est jeté sur la plateforme Snowball, surtout par hasard, mais aussi parce que l’ergonomie du site semblait alléchante et que le site était français. De Fortnite à Rocket League en passant par League of Legends et Apex, 15 000 élèves se réunissent sur Snowball, lancée en 2018.

“C’est parti de ce constat : l’e-sport s’est structuré par le haut, la base amateur est laissée à l’abandon, ce qui crée désengagement et frustration du côté des joueurs qui essaient de progresser. De l’autre côté, des joueurs semi-pro ou anciens pro cherchant à vivre de leur jeu en parallèle du stream ou autre”, nous explique Luca, co-créateur de Snowball, par téléphone.

Ni lui ni ses deux associés ne vivent pleinement du site. Il m’explique le maintenir en vie à la fois par passion pour le jeu vidéo et sa communauté, mais aussi un peu parce qu’il pense que ce marché, “encore très très niche”, pourrait évoluer. Peu après notre conversation, j’ai rendez-vous sur Discord avec Eiwiin, l’un des 450 coachs de Snowball.

C’est ce mec-là :

Started from the bottom…

Snowball m’a offert deux heures de cours et Konbini a lâché un billet pour une troisième – boîte de radins. Quand on s’inscrit sur le site, on doit répondre à une série de questions assez longue permettant de mieux définir sa personnalité en tant que joueur, ses qualités, défauts et attentes, afin que le cours avec le coach se déroule au mieux.

Eiwiin, 25 ans, travaille comme réalisateur free-lance en parallèle de sa carrière e-sportive. Il a plus de 5 000 heures sur Apex Legends à son actif et un beau palmarès sur le jeu. Niveau coaching, c’est le sensei le plus populaire de Snowball sur Apex Legends.

16 h 30, le cours commence et franchement, je suis stressé. Je ne sais pas si on va jouer, mais je sens que je vais faire de la merde. En fait, c’est beaucoup, beaucoup plus professionnel que je ne l’imaginais : on reprend tout, pendant une heure. C’est un véritable bilan de compétences façon gaming : on parle de mon matériel (pourri), on parle de streamers et youtubeurs spécialisés dans Apex, des différentes facettes du jeu, on parle de Kovaak et Aimlab, logiciels pour s’entraîner au shoot sur les FPS. On reprend aussi tous les termes propres aux FPS et Apex : “ADS” pour “aim down the sight”, “hip-fire”, “strafe”, etc.

La deuxième heure de cours se déroule dans la salle d’entraînement d’Apex Legends. Là, on parle de la méta des armes de la saison actuelle et du recul de celle-ci. On shoote ensemble au R-301. “Chaque arme a un spray pattern différent et c’est super intéressant de les étudier”, m’explique Eiwiin, avant d’ajouter qu’il faut faire un léger mouvement de souris vers le bas et la droite tout en utilisant cette arme, pour éviter que les balles ne se perdent vers le haut.

Je pose des questions, il y répond posément. Par exemple, suite à mes interrogations, il m’enseigne les différentes manières de strafer – bouger de côté dans une direction ou une autre quand on est face à un adversaire – en fonction de l’arme que l’on possède, du niveau de bouclier qu’il reste, etc.

Now we are toujours aussi nul, mais ça va mieux

Pour la troisième heure, je devais envoyer à Eiwiin des vidéos de mes parties pour qu’on les analyse ensemble. Pris par un emploi du temps chargé, on a finalement joué ensemble.

C’était extrêmement fun – et probablement désespérant pour lui. Après une première game plus ou moins réussie de mon côté, je me suis fait salement éclater le reste du temps. Sans que mon coach ne perde de sa patience : tout en tirant sur l’adversaire, Eiwiin s’arrêtait quelques secondes pour commenter mon positionnement, me féliciter après que j’ai mis un type sur le carreau ou analyser les head glitchs dans Apex Legends.

À la fin de cette troisième heure, on se pose un peu pour discuter. Je suis étonné du professionnalisme d’Eiwiin, dans une pratique – le coaching de joueurs casu – que je croyais plus détente. Il était extrêmement dévoué à sa tâche et disponible face à toutes mes questions.

“Chaque personne est différente, a une façon d’apprendre différente. C’est pour ça qu’on fait la séquence introductive. J’adapte mes cours en fonction de l’élève […]. Durant les deux premières heures, on a vraiment concentré la discussion sur les choses générales, la théorie. Tu m’as dit que tu avais un souci d’aim, j’ai ouvert le sujet sur le Kovaak, la souris, etc.”, explique Eiwiin.

Cette expérience a été à la fois fun et bénéfique. Je ne dis pas que mon niveau a explosé en trois heures, loin de là, mais elle m’a fait m’interroger sur ma propre pratique, mes mauvaises habitudes et mes connaissances. J’essaie d’être plus calme en tirant pour mieux viser, à “penser” ma manière de jouer tout en disputant des parties. Je m’efforce de maintenir la souris dans un sens ou l’autre lors d’un fight – et je me flagelle quand j’oublie.

J’ai rejoint le serveur Discord privé du coach, pour échanger et partager des parties avec d’autres élèves. “Il y a de grosses marges de progression en fonction des joueurs, mais ils sont au final seuls maîtres de celle-ci”, conclut-il, véritable Yoda face à un Luke raté.

Pour nous écrire : hellokonbinitechno@konbini.com