On a vécu la Kings World Cup et c’est vraiment le divertissement du football… sous toutes ses formes

On a vécu la Kings World Cup et c’est vraiment le divertissement du football… sous toutes ses formes

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© Kings World Cup France

Retour sur une compétition vraiment pas comme les autres et qui fera date. Forcément.

Conclue dans le stade des Rayados de Monterrey il y a moins d’une semaine, la Kings World Cup a déchaîné les passions, autant pour ses règles que pour son format, le scénario de ses matches, son arbitrage, ses stars et ses polémiques, comme l’élimination douloureuse de Foot2Rue, l’équipe de France emmenée par le streamer Amine et les internationaux français Samir Nasri et Jérémy Ménez. Retour sur une compétition vraiment pas comme les autres et qui fera date. Forcément.

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Il est samedi soir et ce samedi-là ressemble finalement à n’importe quelle soirée de grande compétition. Un président qui exulte. Des joueurs qui pleurent à chaudes larmes, de joie ou de tristesse. Un spectacle de lumières pyrotechniques et au bout une pelouse qui ne ressemble plus à grand-chose, si ce n’est à une marée humaine, entre photographes, joueurs, invités, journalistes. Tout le monde traîne, tout le monde prend la pose, tout le monde y va de son petit souvenir. La scène ne se passe pas à Wembley, ce n’est pas la finale de la dernière Ligue des champions. La scène se passe au stade du club mexicain des Rayados, à Monterrey, et il s’agit de la finale de la Kings World Cup.

Présentée comme “une compétition à part”, de l’aveu même de son cofondateur, la légende barcelonaise Gerard Piqué, la Kings World Cup a donc eu la même conclusion qu’un grand tournoi de football traditionnel. Rien de plus normal quand celle-ci a lieu dans un stade, me direz-vous. Mais après deux semaines sur place à la vivre en totale immersion, il y a bel et bien un fait marquant à retenir de cette expérience : la Kings World Cup, c’était bien plus que du football.

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Rappel pour ceux qui auraient déserté les réseaux sociaux et la plateforme Twitch pendant ces deux dernières semaines (un mois même en prenant en compte le processus de sélection des équipes, les annonces, la révélation du format…), la Kings World Cup, c’est la toute première Coupe du monde de la Kings League, une nouvelle compétition lancée fin 2022, rendue effective en Espagne d’abord en janvier 2023, avant d’avoir très vite un pendant féminin, la Queens League, et un écho en Amérique latine avec l’Américas Kings League.

Pour cette première édition, huit équipes venant d’Espagne et huit autres du continent sud-américain (plus deux repêchées des deux ligues, soit quatre formations supplémentaires) allaient croiser 12 équipes invitées, avec pour but de représenter le maximum de pays du globe. Brésil, Argentine, Belgique, Allemagne, Italie, Arabie saoudite, Japon, Turquie, Ukraine, Angleterre, Colombie et… la France, donc, représentée par le streamer Amine et le créateur de contenu et entraîneur de foot Saïd “Pieds Carrés”, constituée de joueurs amateurs ou passés très tôt par le circuit professionnel et articulée autour de deux stars, Samir Nasri et Jérémy Ménez.

La galère des équipes invitées

De quoi offrir une véritable fête du football dans les locaux du Quarry Studios, complexe audiovisuel rompu aux grosses productions, à l’image de ce bateau grandeur nature et de cet avion présent dès lors qu’on descend l’immense pente (immense surtout après les matches en fin de journée), situé en plein cœur de Mexico City. Là, sous nos yeux, la magie a rapidement pris forme. Si le lieu est immense, visuellement il ne paie pas forcément de mine, mais une fois les effets sonores et lumineux mis en place, les tribunes et les gradins posés, les set-ups des présidents, des streamers comme le veut la tradition de la Kings League, installés, la zone supporters, la boutique et les drapeaux des 32 équipes plantés à l’entrée, on y est. On y est même encore plus lorsque les gros 4×4 débarquent et qu’un parterre de stars vient en ordre dispersé lors de la première semaine de compétition.

La Kings World Cup se déroule sous la forme d’un système suisse, et si la compétition reine, la Kings League, semble taillée comme un pur divertissement pour Twitch et la retransmission et le react en stream – rien d’étonnant lorsqu’on se souvient que l’Espagnol Ibai Llanos est fondateur de ce projet aux côtés de Piqué –, cette Coupe du monde a tout l’air d’un sacré jeu vidéo. Comme dans l’e-sport, les équipes se retrouvent avec un arbre à double élimination, histoire de se donner une chance en cas de faux pas. Bien utile pour les équipes européennes, toutes, il faut le dire, larguées lors de leurs premiers matches.

Sur les bancs, les interrogations fusent lors du premier round. “Pourquoi ils sifflent ça ? et pas ça ?” Malgré des directives envoyées à l’avance sur les règles, les formations invitées tâtonnent, galèrent sec même. Comme quoi, des pages de règlement ne remplacent pas l’expérience du terrain. Elle ne sera pas suffisante pour les Belges, balayés en deux matches, insuffisante pour les Anglais, terrassés par des problèmes de santé au niveau de l’estomac, les mêmes qui auront touché les délégations françaises, espagnoles et une bonne partie du public sur place, qu’ils soient engagés contractuellement ou non dans la compétition.

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Revenons-en au jeu vidéo. Avec des règles qui transforment chaque fin de mi-temps en scénario improvisé, on comprend très vite que le perdant est maintenu dans la course dans le seul but de provoquer des retournements de situation aussi spectaculaires pour les uns que douloureux pour les autres. Si on a cité plein de sports collectifs différents pour inspirer la Kings League, comme le hockey, le water-polo ou encore le handball, on se croirait dans Mario Kart, avec une carapace bleue qui s’apparente ici à un but en or, à un but qui compte double ou à une lampe qui dévie un ballon alors que les lumières du stade étaient rouges. Vous voyez de quoi je parle, hein ? Bougez pas, on va y revenir.

Du foot façon gaming

Combien de fois une équipe devant au score s’est fait renverser dans les derniers instants d’une rencontre ? Il suffit d’un match pour capter l’ambiance, deux pour commencer à assimiler les règles, trois pour être complètement happé par le truc. On comprend vite les armes secrètes, la mécanique du penalty du président, et comme dans un jeu vidéo, toujours, on commence à comprendre la “méta”, cette méthodologie qui consiste pour un joueur à assimiler les mécanismes offerts par le jeu et à utiliser à bon escient les plus avancés afin d’optimiser et garantir ses chances de succès.

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La carte joueur star ? Trop facilement isolable. L’exclusion d’un joueur pendant quatre minutes ? Pas mal pour sortir un joueur chaud. Le but x2, utile, à condition de l’activer bien avant les dernières minutes d’une partie. Très souvent, ce sont les cartes penalty (penalty classique et penalty MLS) qui sortent, offrant des fins de match endiablées, car rarement utilisées avant la 37e-38e minute de jeu. Juste avant le buzzer, quoi. Quant à la carte joker, la plus “cheatée” car permettant de choisir son bonus ou de voler celui de son adversaire, en plus d’une cinquantaine de matches joués en tout et pour tout au Mexique, elle n’est pas sortie autant que cela aurait pu être redouté.

Il y a les cartes et les joueurs. Certains sont des visages rompus de la Liga, que le connaisseur assidu de foot a vus mais n’a pas forcément imprimés dans son esprit, surtout s’il ne vit pas en Espagne, comme Marc Torrejón, Carles Planas, Joan Verdú… D’autres sont en coulisses, comme Gerard Piqué, abordable malgré deux-trois soucis pendant la compétition (dont une accusation de corruption lors de l’attribution de la Supercoupe d’Espagne à l’Arabie saoudite), l’ancien joueur de Porto et de Villarreal Miguel Layún, pendant de Piqué pour la partie Amérique latine, et même l’ancien Barcelonais Marc Crosas, champion de France avec l’Olympique lyonnais aux côtés de Juninho lors de sa seule et unique demi-saison (janvier-juin 2008) dans l’Hexagone…

Et puis il y a les autres joueurs. Ceux qu’on ne croise pas dans les travées discrètes du Quarry Studios, mais dans les allées principales. Ceux qui viennent en zone mixte, dans l’espace média, pratiquement à chaque fois à l’entrée ou vers les barrières de sécurité, lieu privilégié des fans désireux d’avoir un autographe ou un selfie. Et à chaque fois ou presque, le jeu de la disponibilité est respecté. Javier “Chicharito” Hernández, Eden Hazard, Radja Nainggolan, la légende du futsal Falcao, Sergio Agüero… Le listing est impressionnant. Mais pas complet.

Des stars, des absents et le citron d’Agüero

Entre l’affiche à l’entrée, celle qui est dupliquée à qui veut la voir aux quatre coins de la ville et les noms annoncés, il y a un petit différentiel. Il y a ceux qui devaient venir, comme Zlatan Ibrahimović, roi des rois, la personnalité idoine selon Piqué pour représenter l’esprit de la Kings World Cup, censé apporter le trophée au vainqueur à Monterrey. Retenu par un match amical en son hommage en Suède, l’ancien joueur du PSG n’a pas pu être présent. Comme Neymar, promis à une présence au stade des Rayados seulement si son équipe, le Furia FC, atteignait la finale. Condition non tenue. James Rodríguez, Rio Ferdinand, Iker Casillas ou encore Andreï Shevchenko, tous associés à la compétition comme coprésidents d’une équipe, ont fait partie des absents également.

Et puis il y a ceux qui sont venus et que l’on n’a pas vraiment eu le temps de voir, comme Francesco Totti. La légende italienne avait autant de coéquipiers sur le terrain que de service de sécurité autour de lui. Compliqué d’aller quémander un cliché dans ces conditions. Il était déjà plus simple d’avoir Eden Hazard, ultra-disponible, un Samir Nasri ou un Jérémy Ménez, quand ces derniers n’étaient évidemment pas en stream avec Amine, bien que le deuxième ait accepté une dédicace inédite en plein live avec un supporter de son ancien club, le Club América.

Car c’est ça, la Kings League, un esprit de proximité avec les stars du stream et les stars du ballon rond. Il suffit de voir comment ces joueurs de foot, tous réunis autour du projet commun d’un titre mondial et d’un million de dollars à partager, ont vibré à chaque fois que leurs présidents sont allés tirer leur penalty. Certains avec réussite, d’autres avec beaucoup de chances. Croisé sur place, le freestyler Séan Garnier nous glissait qu’il n’y a rien de pire pour un gardien que de se retrouver en face d’un joueur qui ne joue pas forcément au foot.

@kingsleague_fr Quand un fan mexicain accomplit son rêve… 🤩 #kingsleague #kingsworldcup ♬ son original - Kings League France

Le challenge est là : faire de ces stars de Twitch l’équivalent de vrais footeux, poussant le mimétisme pour certains jusqu’à arborer les crampons et le short, avec les autres joueurs du terrain. Le moment est unique. Il l’est encore plus quand ledit président n’est autre qu’une star du football. C’est ainsi que l’on a assisté à l’un des grands moments, top 5 même de la compétition, de la Kings World Cup : voir Sergio Agüero et son équipe, Kunisports, affronter les Turcs du Limon FC.

L’ancien joueur de Manchester City a coupé un citron, l’a mis dans sa bouche, l’a mangé, a demandé au caméraman qui le suivait de le tenir, a mis son peno et est reparti. Le chambrage est au max et c’est clairement l’esprit de la Kings League : créer des histoires et des anecdotes, comme le penalty du président tenté par TheGrefg face au club brésilien de G3X, avec le maillot d’Ultimate Móstoles sur le dos, offert quelques secondes avant par DjMaRiiO, éliminé de manière litigieuse dans le temps additionnel par ces mêmes Brésiliens. Tenté et raté, d’ailleurs.

La sortie de route, l’élimination de Foot2Rue

Et dans ce registre, il y en a eu plein. Des histoires, hein, pas des ratés. Des belles, comme ces trois penaltys tentés par le MVP du tournoi, Kelvin Oliveira, en demi-finale. Tout proche de vivre une “Martín Palermo”, qui avait raté trois penos dans le même match, lui, après deux échecs, a su trouver la ressource pour inscrire son troisième et qualifier son équipe en finale. Les parades incroyables du Français Christian Nsapu lors du premier match de Foot2Rue. Quelques buts d’exception. La master class de Totti, joueur en chaussons au milieu d’athlètes courant dans tous les sens, capable de poser la balle n’importe où, n’importe quand, malgré quelques kilos en trop visibles sous le maillot. Mais il y a eu aussi les moments moins beaux.

Comme la sortie sans gloire de l’équipe de DjMaRiiO, furieux d’avoir pris un but doublé trente secondes après la fin du temps additionnel, alors que l’arbitre semble dans le cas présent avoir rajouté du temps suite à des pertes de temps volontaires de la part des joueurs espagnols. Et puis il y a LE drame de la Kings World Cup, celui qui a obligé Gerard Piqué à publier une vidéo et à présenter en public, après l’avoir fait en privé, ses excuses au peuple français : l’élimination de Foot2Rue sur un penalty. Ou plutôt sur un tir venu de l’espace. Vécu, par un pur hasard, du côté argentin, ce penalty repoussé par le gardien français a littéralement suscité autant de surprises chez les adversaires des Français que chez les Français eux-mêmes.

En quelques secondes, ces derniers sont passés des larmes au rire, d’abord dépités par la tentative qu’ils pensaient manquée de leur coéquipier, Edwin Cardenas, puis incrédules lors du coup de sifflet victorieux de la part de l’arbitre, avant d’exploser de joie. Si le ballon n’a pas touché le plafond, il semble bien avoir heurté un des projecteurs du stade et changé de direction. Le comportement de l’arbitre, les nombreuses autres fautes non sifflées pendant le match, notamment deux penaltys côté français, la lumière rouge annonçant l’échec du penalty… Autant de facteurs aggravant d’un côté, solides de l’autre, pour argumenter la thèse de l’injustice.

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Si le tollé est général et profond sur les réseaux sociaux, il est majuscule sur place. Amine et Piqué parlent pendant de longues minutes, avec les joueurs, sans les joueurs, en privé, après le match. Ces derniers refusent de repartir à l’hôtel, vont livrer leur ressenti avec les supporters, ou sur le stream d’Amine, sans cacher leurs larmes et leurs émotions. Ils mettront beaucoup, beaucoup de temps avant de rallier leur bus et de tourner le dos à la compétition.

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Une finale à la hauteur, une marge de progression certaine

Sur place, le tournoi suit son cours mais l’ambiance en prend un coup. Forcément compréhensible quand l’un des plus gros streamers (500 000 personnes à lui tout seul) s’apprête à quitter la compétition dans des conditions ubuesques. Tout le monde est sonné, KO debout. Les explications vidéo de Piqué le lendemain entérinent l’injustice. Les appels au boycott, d’abord passés inaperçus, sont pris au sérieux. Il faudra attendre le Final Four et le déplacement des joueurs, staffs, employés et supporters à Monterrey, à 1 heure et 30 minutes en avion de Mexico City, pour véritablement changer d’ambiance. Au stade des Rayados, on assiste à l’apothéose d’un projet. Si le Camp Nou en 2023 lors des finales de la Kings League avait accueilli plus de 90 000 spectateurs, l’enceinte de Monterrey, avec pourtant une capacité moindre (52 000 places), se montre à la hauteur.

Le combat de catch en ouverture tient toutes ses promesses, avec la plupart des streamers présents dans l’arbre final du tournoi. On voit ainsi le streamer FIFA Castro s’essayer sur le ring, réussir quelques prises, sous les yeux de gamins ébahis, avant de goûter à la loi martiale imposée par les vrais catcheurs et de se voir éjecté du terrain. Le concert de Maluma, entre les deux demi-finales, est digne de la mi-temps du Super Bowl et la finale tient son rang côté dramaturgie, avec des Brésiliens entamés par leur demi et incapables de retrouver, après un moment de pause, leur deuxième souffle pour résister aux Porcinos d’Ibai. Encore une fois, le dogme est respecté : raconter une histoire.

On retiendra quoi, finalement, de cette première Kings World Cup ? Qu’elle aura marqué les esprits le temps de deux semaines, et rafraîchi le visage du football, avec un concept appelé à évoluer (la ligue italienne démarre en octobre, la France et le Brésil font partie des prochains pays voués à l’accueillir). Que côté français, elle aura connu les montagnes russes, avec un début tonitruant et un engagement phénoménal sur les réseaux sociaux et un désamour instantané, nourri par le ressentiment d’une élimination douloureuse et injuste pour le camp tricolore. Qu’elle a su tenir sa promesse de proposer une autre vision du football, sans pour autant vouloir remplacer ce dernier. Que ses chiffres sont excellents : répartie dans plus de 40 pays en diffusion TV et plusieurs chaînes Twitch, la Kings League était en tête des vues foot au mois de mai (en ne comptant que les ligues majeures) sur TikTok avec 155 millions de vues, loin devant la Premier League, le championnat de référence (76 M), ou encore la Liga (70,2 M).

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Qu’elle peut aider à réaliser des carrières, avec quelques signatures par-ci, par-là, et surtout de l’exposition pour des joueurs totalement méconnus du grand public et qui auront tout intérêt à capitaliser dessus dans les prochains jours et les prochaines semaines. Qu’elle a une formidable marge de progression, avec des pays invités qui devraient mieux assimiler ces règles à l’avenir, un arbitrage scruté en mondovision et qui va devoir step up, car beaucoup trop critiqué pendant cette quinzaine, sans jeter l’opprobre au corps arbitral, pourtant volontaire dans son entreprise. Et qu’elle devra vite offrir un terrain d’expression au reste de l’Europe. Avec une finale à Paris l’an prochain ? Cela pourrait y aider, certainement.

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