Saurez-vous trouver pourquoi ce site mégachelou met tout le monde (très) mal à l’aise ?

Saurez-vous trouver pourquoi ce site mégachelou met tout le monde (très) mal à l’aise ?

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© dscott/Getty

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Par Julie Morvan

Publié le

Il y a une raison toute simple.

C’est un site d’information comme il en existe déjà des milliers. The Enlightened Mindset (L’esprit éclairé) affiche une page d’accueil classique : carrousel d’articles mis en avant, hashtags en top tendance, bandeau défilant digne de célèbres médias d’actualité en continu… On est clairement au cœur de l’information brûlante.

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Côté thématiques, il y en a pour tous les goûts : business, technologie, lifestyle, voyage, santé, savoir, culture, développement personnel… Au total, le site abrite plus de 174 000 articles. Mais plus on en lit, plus on se sent dérangé par quelque chose, sans vraiment parvenir à mettre le doigt dessus.

IA un truc qui cloche

Est-ce leur ton extrêmement neutre, voire scolaire ? Les sujets parfois très aléatoires – combien de planètes Terre peuvent tenir dans le Soleil ? – ou carrément dignes de wikiHow ? La même structure introduction/développement/conclusion ? Ou encore les illustrations et diagrammes franchement bizarres en tête d’article ?

Eh bien, un peu tout ça à la fois. En fait, le vrai problème de ce site, c’est qu’il est totalement faux. Plus précisément, il est le fruit d’une intelligence artificielle, révèle Futurism.

Le compte Twitter @generalslug avait déjà repéré l’anguille sous roche le 14 juin dernier. C’est en se renseignant sur la longueur idéale qu’un poil doit avoir pour être épilé que l’utilisateur est tombé sur un article du site. À l’appui, des schémas – littéralement – tirés par les cheveux et sobrement intitulés “Haxty Grron” ou “Thain of wax a whaly” – ça n’a aucun sens même en français, rassurez-vous.

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Texte incohérent, dessins douteux et déformés, schémas sans queue ni tête… Toutes ces images semblent être générées grâce à une intelligence artificielle. Notre préférée : cette pose de yoga révolutionnaire que seul·e·s les heureux·euses yogis doté·e·s de trois jambes peuvent effectuer avec brio. Et encore, on ne vous parle même pas des photographies : clairement, on est loin du niveau d’un Midjourney. Cet horrifiant papa Noël vaut mille mots. On vous laisse avec ce qui semble être la reproduction d’un poster du film Naruto – “Thhe Last on the Liastin”, une pépite.

On n’y lit que du feu

Mais si ces illustrations surprenantes mettent la puce à l’oreille, il faut en revanche creuser un peu plus pour déceler les erreurs textuelles présentes sur le site. Bon, déjà, sur la home – pardonnez le jargon konbiniesque –, ou page d’accueil, certaines fonctionnalités ne servent à rien. En témoigne la petite sélection de quelques titres, rangés dans trois catégories : “Récents”, “Populaires” et “En tendance”. En réalité, seule la catégorie “Populaires” semble fonctionner, les deux autres affichant les mêmes quatre titres d’article quand on clique dessus.

Idem quand on visite les pages de chaque thématique : si le texte général fait sens, on remarque la mention quasi systématique d’un certain “Lihpao”. Une étrange coquille… Idem quand on inspecte le texte même des articles : on retrouve toujours la même structure. “Introduction”, plusieurs titres de développement, sans oublier une belle “Conclusion”. Vous vous en doutez, le fond est aussi vide que la dissert’ qu’on nous forçait à rédiger au lycée. Le sophisme numérique dans toute sa splendeur.

Une fausse contributrice et un propriétaire chinois

Bon, c’est marrant, mais qui se cache derrière un tel projet ? Côté rédaction, on retrouve systématiquement la même contributrice pour tous les articles : une certaine “Happy Sharer” (Joyeuse contributrice). Sa description est aussi plate qu’un trottoir de rue flaubertien : “J’adore partager un savoir intéressant et utile avec les autres. J’ai une passion d’apprendre et j’aime expliquer des concepts complexes de façon simple.” Difficile de croire que cette joyeuse rédactrice ait rédigé ces centaines de milliers d’articles seule sur seulement six mois.

Car si on en croit les archives du site et la date indiquée en haut de chacun des articles, tout ce contenu a été publié entre janvier et juin 2023. Mais quand on se renseigne sur l’historique de création du site sur Whois, la vérité est tout autre.

Whois s’avère être un formidable outil dans ce genre d’enquête. Si Futurism indique qu’aucun espace “Qui sommes-nous” ou “Contact” n’est proposé sur le site, il est en réalité possible de creuser un poil plus loin. Quand on entre le nom de domaine “tffn.net”, on apprend plusieurs choses. Déjà, il a été enregistré le 8 février 2023, soit un mois après la prétendue date de publication du tout premier article du site – le 9 janvier 2023.

Ensuite, en guise de contact, on trouve un certain Cui Ying Zheng basé à Lu’an, une ville située dans le sud-ouest de la Chine. Le code postal indiqué correspond avec la localisation et l’indicatif +86 confirme qu’il s’agit d’une personne localisée en Chine. Nous l’avons contactée via l’adresse email fournie, mais n’avons pas reçu de réponse pour l’instant. L’esprit éclairé est encore bien rempli de zones d’ombre…