Tibo InShape est le premier youtubeur sur la parité et c’est ça, le plus dérangeant

Tibo InShape est le premier youtubeur sur la parité et c’est ça, le plus dérangeant

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Par Pierre Bazin

Publié le

Au-delà de sa nouvelle place de numéro 1, le youtubeur devrait aussi interroger le reste de ses confrères sur la question de la représentation féminine.

C’est officiel, depuis quelques jours Tibo InShape est devenu le premier youtubeur de France, cumulant désormais 19,3 millions d’abonnés sur la plateforme. Il a ainsi dépassé le ténor Squeezie (actuellement à 18,9 millions d’abonnés) et ce en l’espace de quelques mois seulement. Tibo InShape qui avait commencé par faire des vidéos sur le fitness serait donc le nouveau roi du YouTube francophone ? Pas exactement.

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Un titre de “premier youtubeur” à relativiser ?

Pourtant lorsqu’on regarde plus précisément les vues de Tibo, on se rend compte que ses vidéos ne dépassent rarement le million de vues — quand Squeezie a fait 10 millions de vues en une dizaine de jours sur sa dernière vidéo.

En fait, Tibo InShape a radicalement changé son approche de YouTube en investissant massivement les Shorts, ces formats courts d’une minute maximum qui s’inspirent largement de TikTok. Sur les Shorts de Tibo, on voit ainsi les millions de vues et les dizaines de milliers de commentaires s’accumuler. D’autant qu’il publie ces mêmes vidéos sur ses réseaux : Instagram (Reels) et bien sûr sur TikTok où il accumule déjà 11,6 millions d’abonnés.

La performance de Tibo est aussi unique car il est un des rares youtubeurs français à avoir réussi à séduire une communauté internationale. Ses Shorts comprenant peu de dialogues (et des descriptions en anglais), leur exportation est facilitée. De l’humour simple et surtout énormément de reprise de trends, allant même jusqu’au plagiat d’autres vidéos populaires, dans tous les cas la recette semble fonctionner pour le vidéaste originaire de Toulouse.

Alors non, il n’a peut-être pas une communauté aussi importante et fidèle qu’un Squeezie ou un Inoxtag, mais les faits sont têtus : il est techniquement le premier youtubeur français. En parlant de chiffres, il y en a d’autres qui sont encore plus intéressants.

Premier sur la parité et pas dernier sur le bad buzz

En février dernier, on vous en parlait déjà, la youtubeuse Lapeint publiait une vidéo ainsi qu’une étude qu’elle avait menée sur l’état du YouTube français vis-à-vis de la représentation des femmes. Partant des dix youtubeurs français les plus regardés en 2023 (tous des hommes), la créatrice de contenu a dressé un bilan du nombre de femmes invitées (ou non) sur leurs chaînes. Car au-delà des youtubeuses qui peinent à gravir l’échelle de l’algorithme, il y a aussi un gros problème de représentation des femmes dans les featurings chez les youtubeurs les plus suivis.

Certains comme Amixem n’ont tout simplement jamais invité de femmes sur leur chaîne en 2023 mais le reste n’est pas très reluisant non plus. 3 % des invités féminins chez Inoxtag ou encore 20 % pour Squeezie, l’écart avec la réalité est astronomique puisque sur YouTube, il y a autant de femmes que d’hommes qui consomment des vidéos.

Mais force est de constater qu’il y a un youtubeur qui se démarque positivement dans ce classement : Tibo InShape qui a invité 39 % de femmes en 2023. En effet, depuis quelque temps, le vidéaste a opéré un changement éditorial sur sa chaîne, mettant de côté les vidéos sur le sport pour produire plus de vidéos type “interview” ou “rencontre”. Ce n’est pas vraiment du featuring mais une proportion de femmes beaucoup plus importante parmi l’ensemble de ses invité.e.s.

Tibo InShape n’est pourtant pas connu pour être un fervent féministe. Habitué des polémiques, le vidéaste a multiplié les bad buzz sur à peu près tous les sujets sociaux et sociétaux. Encore tout récemment, il a publié un Short qui évoque très maladroitement le sujet difficile du suicide. Assumant un patriotisme quelque peu mal placé, il est aussi bien connu pour entretenir fréquemment des partenariats avec des institutions comme l’Armée, la Gendarmerie ou plus généralement des institutions gouvernementales — invitant même des ministres.

À cela, on ajoute que certain·e·s des invité·e·s de Tibo, comme la sexologue controversée Thérèse Hargot, ne font pas forcément beaucoup de bien à l’égalité hommes-femmes. Des sujets racoleurs comme “J’ai survécu 60 jours sans film p*rno !” ne sont pas non plus des très bons exemples pour la jeunesse. Mais Tibo cultive également cette stratégie de passer pour un “idiot” quand les choses tournent mal et il slalome entre les polémiques en voyant son compteur d’abonnés monter.

Une concurrence pas à la hauteur

Néanmoins, au-delà des polémiques, il y a aussi des invitées qui viennent témoigner de choses graves et importantes comme les violences sexuelles et sexistes, les conséquences de la guerre ou encore parler de leurs handicaps. La vidéaste Lapeint le souligne : qu’on l’aime ou non, Tibo InShape leur donne la parole et reste même assez effacé lors de ces “interviews”.

Mais dans ce dérangeant constat que Tibo InShape serait la “grosse” chaîne YouTube qui donne le plus de visibilité aux femmes, le problème ce n’est pas Tibo, le problème ce sont surtout tous les autres. Dans une lettre ouverte publiée sur Causette, cinq militantes et créatrices féministes se sont adressées à Squeezie (alors encore premier youtubeur) pour lui demander de “sortir de ce cercle infini d’entre-soi masculin sur YouTube“. Elles y pointent notamment du doigt le dernier teaser publié par le vidéaste qui annonce plusieurs nouvelles vidéos à venir et qui ne contient aucune femme invitée.

Au final, Tibo InShape ne fait pas particulièrement bien les choses (il n’a d’ailleurs invité “que” 39 % de femmes sur sa chaîne) mais ce sont les autres qui sont encore pires et, au-delà du nombre d’abonnés et de vues, c’est la représentation qui devrait surtout interroger les gros youtubeurs.