C’est quoi cette histoire du “préfet du 95” qui ferme les fast-foods à la chaîne ?

C’est quoi cette histoire du “préfet du 95” qui ferme les fast-foods à la chaîne ?

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© Arthur N. Orchard/Hans Lucas / Hans Lucas via AFP/Montage Konbini

Le "Batman de la restauration" a décidé de s’attaquer aux restaurants qui ne respecteraient pas les règles d’hygiène. Et ça ne laisse pas les gens indifférents.

Si vous traînez sur X/Twitter, l’affaire ne vous a certainement pas échappé. Dans le département Val-d’Oise, un préfet sévit depuis quelque temps en fermant régulièrement, et presque mécaniquement, des fast-foods et autres snacks en série. Les raisons d’un tel déferlement de fermetures administratives ? Des conditions hygiéniques présumées qui ne respecteraient pas les standards réglementaires. “Denrées conservées dans des conditions inadéquates”, “matériels et équipements sales”, “pratiques d’hygiène non respectées”, “traçabilité des denrées non assurée” : toutes les raisons sont bonnes pour exiger des fermetures temporaires, en attendant “la mise en vigueur” desdits établissements. En quelques mois, Philippe Court, préfet du Val-d’Oise, est devenu malgré lui un “influenceur” de la sécurité alimentaire.

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La méthode est simple : un tweet, accompagné de photos de l’établissement visé illustrant sa présumée insalubrité, et des raisons qui poussent la préfecture à demander la fermeture temporaire du restaurant. Pas d’effusion, juste des faits. Il faut dire que dès son arrivée dans le département du nord de la couronne parisienne, en 2021, Philippe Court a fait du contrôle sanitaire “un enjeu de santé publique” et une de ses priorités de représentant de l’État.

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En 2023, les équipes de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ont visité 546 établissements et prononcé 83 fermetures administratives. Parmi les lieux réprimandés, on retrouve 53 restaurants, 11 boulangeries, deux Ehpad et un abattoir. Au 13 décembre, selon La Gazette du Val-d’Oise, plus de 80 commerces avaient dû cesser leur activité temporairement. Parmi les restaurants concernés, 90 % étaient “des établissements de street food”, précisait la direction départementale de la protection des populations. De quoi éveiller les soupçons sur la nature des établissements visés — certain·e·s ont effectivement reproché à la préfecture “de cibler les kebabs”, notait l’AFP.

Alors, faut-il y voir un acharnement ou une reprise en main d’un laxisme de certains établissements qui inonderait le département ? Philippe Court, préfet du Val-d’Oise, tempère. “Aujourd’hui, la vitrine des commerces, ce sont les réseaux sociaux et c’est la raison pour laquelle nous indiquons les fermetures sur les réseaux sociaux et les raisons de la fermeture”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse en novembre dernier. C’est justement cette mise en avant en ligne, à intervalle régulier, qui interpelle de nombreux·ses utilisateur·rice·s, qui n’hésitent pas à ironiser sur les mesures drastiques entreprises par la préfecture.

“Nous nous refusons aucun lieu”, rétorque le préfet, qui précise avoir contrôlé des crèches, des collèges mais aussi “les deux [restaurants] étoilés” du département. Il reconnaît toutefois que la restauration rapide représente “80 %” de l’offre dans les zones urbaines du Val-d’Oise “où vit une population jeune”. Ces contrôles d’hygiène se font pour la plupart sur un signalement de l’Agence régionale de la santé ou d’une personne malade. Comme l’indique la DDPP 95, une boulangerie avait, à ce titre, été fermée après l’hospitalisation d’un client qui a eu de “graves séquelles”.

Pour ceux qui sont coupables des infractions les plus graves et font l’objet d’une fermeture administrative, le préfet “pratique la politique du name and shame [nommer et couvrir de honte]. Le nom de l’enseigne visée est publié sur les réseaux sociaux (X, Instagram, Facebook), accompagné de photos guère appétissantes de cuisines truffées de déjections de rat et de denrées alimentaires périmées, ou l’intérieur de frigos à l’hygiène louche.

Les messages postés permettent d’informer un large éventail de consommateur·rice·s et remplacent l’affichage de l’arrêté administratif, obligatoire mais généralement peu respecté, sur la devanture d’un restaurant. La sécurité alimentaire a désormais pris une “ampleur au niveau national”, se réjouit pour sa part le préfet Court, qui va pouvoir s’appuyer sur “des bureaux de contrôle”.

Surnommé le “Batman de la restauration” ou “l’influenceur” dans les couloirs de la préfecture, il ambitionne de tripler les inspections en 2024, soit 1 600 établissements. Sa feuille de route va se concentrer sur l’est du département “où il y a du passage” et cibler les chaînes états-uniennes de burgers et de poulet frit ou les restaurants indiens et italiens. D’ailleurs, ces opérations coup de poing qui font grand bruit ont pour objectif de créer “un cercle vertueux”, selon Philippe Court, dans la restauration et réduire le nombre de fermetures. Sa stratégie a déjà fait des émules : le préfet de Seine-Saint-Denis Jacques Witkowski s’est à son tour lancé dans une campagne contre les gargotes douteuses.