On a discuté avec celui qui goûte (et note) toutes les pâtes à la truffe

On a discuté avec celui qui goûte (et note) toutes les pâtes à la truffe

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Par Robin Panfili

Publié le

En sillonnant les restaurants, Rafael s’est donné une mission : chroniquer les meilleures pâtes à la truffe de Paris et d’ailleurs.

Parmi la grande famille des amateurs de pâtes, il est un dilemme et un nœud séculaire et difficile à résoudre, un plat, aussi capable de rassembler les foules que de les séparer : les pâtes à la truffe. Devenu en quelques années, en France, le symbole d’une cuisine italienne qui se voudrait plus raffinée, le plat est un classique de la gastronomie italienne dans les régions qui ont la chance de voir pousser ce précieux or noir mais également dans la plupart des restaurants italiens de l’Hexagone. En s’inspirant de la passion de Lorde pour les onion rings, Rafael, étudiant en lettres à Paris, a eu une idée : lancer un compte Instagram sur lequel il goûterait, chroniquerait et évaluerait les pâtes à la truffe qui croiseraient son chemin. Entretien.

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Konbini | Comment tu as eu l’idée de ce compte et de ces dégustations ?

Rafael | Une fois, j’ai découvert le compte @onionringsworldwide. C’est le compte de revues d’onion rings, tenu par la chanteuse Lorde. Je trouvais l’idée démente car, au début, personne ne savait que c’était elle. Elle écrivait des petits textes qu’elle concluait par une note sur 5, ce que j’ai clairement pompé. J’aimais le fait qu’elle avait un ton léger tout en restant très authentique à son expérience. Ça m’a parlé, car j’aime beaucoup la critique. À l’origine, j’aime bien critiquer la musique, mais sachant que j’aime beaucoup manger, je me suis dit que j’allais me lancer dans la bouffe.

Du coup, tu t’es lancé dans la critique de restos un peu par hasard.

J’avais envie de critiquer sérieusement les pâtes de façon développée, en étant à l’écoute de mes sensations et de ce qui se passe dans l’assiette, tout en gardant le second degré que j’avais vu dans le compte de Lorde. Je me permets d’aller à fond dans le style emphatique du critique culinaire hyper pédant. Vu que j’aime bien écrire, ça me plaît en réalité d’utiliser plein de mots et formules compliqués que je n’utilise pas dans d’autres contextes. Le compte me donne aussi une excuse pour m’essayer à ce style élevé. Globalement, je me sers de @pates_aux_truffes_review comme d’une plateforme pour expérimenter plein de choses et donner vie à toutes mes aspirations. Puis, concernant le compte de Lorde, il est inactif depuis octobre 2021, période exacte où j’ai commencé mon compte. Coïncidence ? Je ne pense pas. A-t-elle vu en moi un digne héritier de son travail ? Absolument.

Tu avais une appétence particulière pour les pâtes à la truffe ?

C’est mon plat préféré. J’ai découvert la truffe à Aups, dans le Var, la capitale de la truffe. Depuis, c’est une histoire qui n’en finit plus.

Pourquoi les pâtes à la truffe et pas un autre plat ?

Pour la raison précédente et aussi parce que je trouvais que c’était original. Je me suis dit que, pour un compte comme celui-ci, il fallait que je choisisse soit un plat hyper commun, qui parle à plein de gens et peut se détourner en plein de formes, soit un plat très original. Je ne pense pas que ce soit un plat très original aujourd’hui, avec tout l’engouement qui s’est créé autour du plat. En tout cas, cela l’était en 2021 à mes yeux. Je pense aussi que c’est un plat qui intrigue, parce qu’il “démocratise” (entre gros guillemets) le produit élitiste qu’est la truffe avec la pâte, le produit accessible par excellence.

C’est quoi tes critères pour noter un plat ?

J’ai trois gros critères : l’intensité du goût de la truffe, la consistance de la sauce, critère purement matériel, et la qualité de la pâte, sa texture et sa capacité à adhérer à la sauce. Et ces critères entrent dans une expérience globale, c’est-à-dire le contexte, le service, le cadre, etc.

C’est un plat difficile à évaluer ? Pourquoi ?

Pour moi, ce n’est pas vraiment difficile, car j’essaye avant tout d’être à l’écoute de mes sensations et émotions. Je mets des mots sur ce que je ressens globalement. Ensuite, avec le temps, j’ai appris à apprendre des choses sur la truffe, ses différentes variations, sa façon d’être cuisinée et d’être intégrée dans la sauce… Ce qui fait que, quand j’évalue, je prends en compte des choses plus complexes que mes émotions. Ça ne rend pas plus difficile l’évaluation car ça se fait naturellement avec le temps.

Tu chroniques autant les restos italiens que des snacks. C’était important pour toi d’avoir cette variété et ces différentes typologies de restaurants ?

Effectivement, je ne veux pas faire de snobisme. Les pâtes à la truffe restent des pâtes à la truffe. Je note le plat tel qu’il est intitulé, un point c’est tout. Quand c’est en snack, évidemment que je ne note pas pareil, je prends en considération le contexte de création et ce que veut dire le plat, c’est-à-dire son intérêt. Tous les plats de pâtes à la truffe n’ont pas vocation à absolument élever le goût de la truffe. Cela va encore une fois dans le sens de la démocratisation du plat. M’atteler à une variété de restos me permet aussi de porter un regard sur cette tendance et d’en prendre mieux conscience.

Comment tu vois l’engouement autour des pâtes à la truffe ?

Je n’ai pas forcément de jugement. Je le constate juste beaucoup sur les réseaux sociaux. Je trouve ça cool que les gens découvrent les pâtes à la truffe et trouvent ça bon. Je ne vais pas être soulé que les gens prennent du plaisir. [rires]

Comment tu expliques cet engouement ?

Je le considère dans un contexte plus global d’émergence d’influenceurs food. C’est devenu à la mode de montrer ce qu’on mange, de conseiller des restos et de se vanter d’avoir mangé et testé tel resto. On est un peu dans une société de l’expérimentation, du test. Et la nourriture s’y épanouit pleinement. C’est vrai qu’un plat qui n’était pas forcément un must have dans les restos italiens l’est devenu. Il est sur toutes les cartes de restos italiens aujourd’hui. Les influenceurs, en montrant ce qu’ils mangent, ont sûrement participé à ce que les gens veuillent tester les pâtes à la truffe. Dans cette envie de tester et en considérant qu’ils ont aussi accès à un produit de luxe, cela crée peut-être un sentiment de singularité, d’exception, qui peut être agréable chez le consommateur. Je ne suis pas du tout sociologue, mais c’est juste ce que je ressens. Après, c’est aussi peut-être parce que les gens réalisent qu’en fait, la truffe, c’est super bon !

Est-ce que la hype est finie selon toi ?

Je pense qu’elle est encore présente, peut-être un petit peu atténuée car j’ai l’impression que les plats à la mode changent très rapidement.

C’est quoi, pour toi, le secret de bonnes pâtes à la truffe ?

Le goût de la truffe est trop particulier et caractériel pour ne pas qu’il explose en bouche. Donc je veux avant tout du goût. Une sauce qui met bien en valeur le goût de la truffe. Pour les amateurs de truffe, la frustration peut vite arriver si le goût n’est pas fort. J’aime la truffe, donc fais-la-moi sentir. Ensuite vient la consistance, qui est complémentaire avec le goût. Il ne faut jamais une sensation de manque en bouche. La truffe est extravagante et le plat doit pouvoir l’assumer.

C’est quoi les meilleures pâtes pour des pâtes à la truffe ?

Le classique, ce sont les linguine et globalement tout ce qui est type pâtes longues. Ce sont généralement des pâtes à sauce et, pour une sauce à la crème de truffe, c’est parfait.

C’est où qu’on mange les meilleures pâtes à la truffe, à Paris et en dehors de Paris ?

Je n’ai malheureusement pas eu encore l’occasion de goûter de très bonnes pâtes à la truffe en dehors de Paris. Les meilleures que j’aie goûtées pour le moment sont celles de Nonno Nino dans le 17e. Je pense qu’elles ont ce truc régressif qui séduit beaucoup, mais en même temps culinairement très fin. Et un de mes restos favoris que j’aime beaucoup pour les pâtes à la truffe, c’est la Trattoria dell’Isola dans le 9e. Un délice pour les papilles. Il y en a tellement que je n’ai encore pas testé…

Pour suivre ses aventures, c’est par ici.