“Si on n’est pas débrouillard pendant le concours, on ne le sera jamais” : entretien avec Léo de Top Chef

“Si on n’est pas débrouillard pendant le concours, on ne le sera jamais” : entretien avec Léo de Top Chef

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© M6/Top Chef

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Par Flavio Sillitti

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"Un bon cuisinier doit savoir cuisiner autant du dessert que du plat."

Au terme du septième épisode de cette nouvelle saison de Top Chef, c’est Léo Renusson qui a quitté l’aventure, face à l’indétrônable Danny qui continue d’enchaîner les victoires dans la brigade cachée d’Hélène Darroze. Né à Tours en Indre-et-Loire, Léo Renusson a su redéfinir la “cuisine créative” selon ses propres codes, avec des idées toujours plus folles et incongrues, qui ont donné lieu à de belles expérimentations culinaires tout au long de la saison.

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Éliminé sur l’épreuve de la chartreuse (qu’il a tout de même réussi à exécuter, sa toute première !), Léo s’est notamment fait remarquer sur l’épreuve inédite de la boîte blanche, avec un dessert au chocolat qui a réussi à stimuler les cinq sens du chef pâtissier Yann Couvreur, pour lui faire décrocher la première place. Au lendemain de son élimination, on revient avec lui sur l’importance de revaloriser le dessert en cuisine, sur la place du doute dans la vie d’un cuisinier et sur sa fameuse tarte au munster… sans munster.

Konbini | Comment es-tu arrivé dans Top Chef ?

Léo | C’était assez inattendu. Je dis toujours que, de moi-même, je n’aurais jamais osé m’inscrire à Top Chef. Je n’avais d’ailleurs jamais fait de concours de cuisine auparavant. Mais quand l’équipe de Top Chef m’a contacté à l’automne dernier, je me suis dit que je n’avais rien à perdre, et surtout tout à y gagner.

Tu as eu la chance d’intégrer la brigade violette de Paul Pairet. Au vu de vos deux créativités débordantes, c’était presque une évidence que vous vous retrouviez ensemble.

Pas directement, étonnamment ! Parce qu’il a fallu un peu de temps pour qu’on fasse matcher nos idées, mais une fois qu’on s’est compris, effectivement, il n’y avait plus de limites créatives. Et surtout, on s’est très bien entendu lui et moi. Ma plus grande frustration au moment de mon élimination, c’était de ne pas pouvoir poursuivre ce partage d’idées avec lui.

Ta créativité, c’est ta force, mais on l’a parfois vue dépassée par le stress ou la technique. Tu avais conscience de ces faiblesses avant Top Chef ?

Malgré le fait que je n’aie pas fait d’autres concours avant, je connaissais bien ces traits de moi-même. Je savais que certaines notions techniques manquantes ainsi que la pression que je me mets allaient forcément marquer mon aventure. Mais une compétition comme celle-ci, qui pousse aux prises de risques et à la spontanéité, c’était la meilleure occasion de tester ces limites et ces faiblesses, en les palliant par la créativité notamment.

Malgré ton stress et la pression, tu es l’un des candidats qu’on a le plus vus se taper des barres ou avoir le mot pour rire. C’était important de contrebalancer le côté sérieux de la compétition avec le second degré ?

Dans la vie, je passe le plus clair de mon temps à déconner. Donc, effectivement, parfois c’était compliqué de combiner la pression du concours et ma nature plus légère. Et ça a surpris pas mal de mes proches de me voir aussi sérieux et stressé sur certaines épreuves, parce qu’on me voit plutôt comme un rigolo.

Ton parcours culinaire t’a fait parcourir la France mais aussi l’Angleterre, où tu as fait tes armes en pâtisserie. Aujourd’hui, comment cette expérience en pâtisserie influence ta cuisine et comment ça t’a aidé sur Top Chef ?

Mes années en pâtisserie m’ont fait découvrir une façon très différente de travailler. Les préparations en amont, par exemple, pour certaines recettes qui demandent plusieurs jours de préparation, ce qui est rarement le cas en cuisine. La pâtisserie te pousse aussi à retenir beaucoup de recettes et de proportions par cœur, ce qui n’est pas forcément le cas en cuisine.

De la rigueur et de la discipline, c’est ça ?

Exactement, même si ça ne se voyait jamais vraiment sur mon plan de travail. [Il rit]

Par rapport aux autres saisons, on retrouve d’ailleurs beaucoup d’épreuves “desserts”. Travailler le sucré, ça t’a mis à l’aise ?

Oui, c’est certain. Même si, aujourd’hui, je fais autant de sucré que de salé. Mais ça permet de se rappeler qu’un bon cuisinier doit savoir cuisiner autant du dessert que du plat. Surtout que le monde culinaire d’aujourd’hui s’éloigne de cette différenciation stricte entre entrée/plat/dessert. Il faut savoir toucher à tout.

Dans le monde gastronomique, justement, tu dirais qu’on sous-estime encore la cuisine du dessert sucré, exclue de “la vraie cuisine” salée ?

De moins en moins. Aujourd’hui, on peut vraiment être un cuisinier dessert sans forcément être pâtissier, et inversement, certains pâtissiers proposent des créations salées incroyables. Des chefs pâtissiers comme François Perret et Yann Couvreur permettent de dépasser cette frontière, et Sébastien Vauxion a même ouvert le seul restaurant gastronomique de desserts au monde à Courchevel. Donc les choses évoluent, et c’est tant mieux.

On le voit à l’écran, le doute a l’air assez présent chez toi, et tu te remets souvent en question. Ce rapport au doute, il est positif ?

Ce doute, ce n’est pas tant une négation de mes capacités, mais surtout une conscience que je peux toujours faire mieux. Et c’est un sentiment assez constant. Mais, mine de rien, sans ce doute au quotidien, je ne créerais rien. Mes doutes justifient mon audace, et inversement, de façon vertueuse. Sans le doute, je n’aurais pas pris le risque de faire une opaline pour Yann Couvreur, je n’aurais pas fait un Wellington pour les MOF.

Avec la tarte au munster sans munster ou l’oignon soufflé, on peut dire que tu étais le candidat de la débrouillardise ?

Exactement ! [Il rit] C’est une facette de moi que je découvre depuis peu. Si on n’est pas débrouillard pendant le concours, on ne le sera jamais. Il ne faut pas avoir peur d’emprunter quelques chemins de travers pour arriver là où on veut arriver, et les concours sont des occasions parfaites de l’appliquer. Alors, effectivement, ça n’a pas fonctionné pour l’oignon soufflé, mais à cinq minutes de la fin, il fallait que je sorte quelque chose, c’était non négligeable pour moi. Et derrière, les commentaires sur la condimentation du plat étaient positifs, donc ça prouve qu’on peut quand même faire des choses convenables quand on se débrouille.

Tu es finalement éliminé face à Danny en brigade cachée sur l’épreuve de la chartreuse. Malgré la défaite, tu as l’air tellement heureux d’avoir réussi ta toute première chartreuse. Top Chef, ça va au-delà de la compétition ?

Exactement, tout à fait. Bien avant cette notion de “battre les autres”, il y a cette volonté de passer un bon moment en cuisine, avec d’autres superbes cuisiniers à mes côtés. Et, en effet, sur l’épreuve de la chartreuse je ne pouvais pas être déçu, parce que je venais de réussir ma toute première chartreuse, et ça compensait largement la défaite.

Ton plat de la compétition qui te définit le mieux, c’est lequel ?

Bonne question ! Je pense qu’il faudrait composer un menu avec la tarte au boudin noir en entrée, le Wellington de chevreuil en plat, et le craquant chocolaté pour Yann Couvreur en dessert. Cuisiner des produits nobles et de saison, c’est ce qui m’anime.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Il y a tellement de projets qui bouillonnent depuis la diffusion de l’émission, donc je suis très stimulé. Mais j’ouvre un restaurant l’année prochaine, en Alsace, donc vous pouvez me souhaiter que tout fonctionne !

Pourquoi l’Alsace ?

Parce que là-bas je suis certain de pouvoir trouver du munster. [Il rit]