Voilà pourquoi j’ai fait une crise d’angoisse en matant le docu Irrespirable : des villes au bord de l’asphyxie

On tousse

Voilà pourquoi j’ai fait une crise d’angoisse en matant le docu Irrespirable : des villes au bord de l’asphyxie

Moins médiatisée que la crise climatique, la pollution atmosphérique est une "tueuse de masse", responsable d'au moins 7 millions de décès prématurés par an.

C’est une hécatombe invisible, causée par le simple fait de… respirer. Partout sur le globe, des centaines de milliers d’individus meurent les poumons infectés par les particules fines, et d’autres miasmes toxiques. Au rang des coupables ? Les pots d’échappement de nos voitures. Mais aussi le chauffage au bois, et les panaches de fumée qu’exhalent nos usines. Des émanations nocives, qui ont précipité ce que certains scientifiques n’hésitent plus à appeler “l’airpocalypse”. Irrespirable : des villes au bord de l’asphyxie mesure l’étendue de la catastrophe, en allant au chevet de cette Terre à l’air vicié. De New Delhi à Paris, en passant par Pékin – la “capitale mondiale du smog”, ce documentaire réalisé par Delphine Prunault dresse le constat alarmant d’une urgence sanitaire encore trop souvent ignorée des pouvoirs publics. Tout en présentant plusieurs pistes prometteuses, pour désamorcer le désastre – et rendre notre planète respirable, à nouveau ? Focus.

Une espérance de vie en chute libre

À Paris, la mauvaise qualité de l’air fait perdre en moyenne 6 mois d’espérance de vie. La faute à la densité du trafic routier, et au renouvellement du parc automobile diesel, notamment. Aux croisées de boulevards à forte circulation dans la capitale, le taux de concentration de particules que les piétons inhalent outrepasse jusqu’à x10 le seuil limite fixé par l’Union Européenne. Un véritable fléau.

Certaines de ces poussières délétères sont bloquées par nos fosses nasales (les poils, le mucus…), mais d’autres se frayent un chemin jusqu’à nos alvéoles pulmonaires. On suspecte même les nanoparticules de pouvoir traverser les membranes des vaisseaux sanguins pour accéder au cœur – voire au cerveau. “Quand nos cellules sont exposées à ces particules”, explique la biologiste cellulaire Barbara Rothen-Rutishauser, “elles sont capables d’entraîner des réactions inflammatoires qui divisent les cellules”. Ce qui, à long terme, “peut provoquer un cancer”. Raison pour laquelle l’OMS avait classé, en 2012, les gaz d’échappement des moteurs diesel parmi les cancérogènes, aux côtés du tabac ou de l’amiante, par exemple.

D’autres études étudient l’impact de l’exposition à la pollution atmosphérique sur les femmes enceintes. Résultat : les scientifiques observent une restriction de la croissance du foetus, une hausse du risque de mortalité, et des troubles respiratoires chez les nouveaux-nés. Ailleurs, le documentaire met en lumière d’autres conséquences néfastes chez l’adulte. Bond du risque d’asthme, de tuberculose, d’accidents cardio-vasculaires… Des périls auxquels sont particulièrement exposés les hôtes des “villes-reines” de la pollution. À New Delhi, un cocktail mortel de pollution arrache à ses résidents 3 ans de vie, en moyenne, tandis que du côté de Pékin, où la qualité de l’air rythme le quotidien des habitants, les cancers du poumon ont bondi de 50 % en 10 ans.

Pistes cyclables, espaces verts, énergies renouvelables… L’arsenal des pouvoirs publics

Doit-on désespérer de cette tendance à l’encrassement de l’air, alors que la pollution atmosphérique est si difficile à circonscrire que le “smog” (mélange de brouillard et de pollution) chinois ne connaît pas les frontières, et traverse le Pacifique pour infecter les côtes américaines ? “Heureusement, nous avons affaire à un problème soluble, qui n’est question que de volonté politique”, veut rassurer l’un des intervenants du documentaire.

Et au jeu du bon élève “green“, certaines villes entendent montrer la voie. Il y a par exemple Mexico, qui a multiplié les mesures : délocaliser les usines en dehors de la ville, interdire un jour de circulation motorisé par semaine, ou encore contraindre les automobilistes à des contrôles techniques pouvant conduire à des amendes, en cas de taux d’émissions polluantes trop élevées. Plus proche de chez nous, Berlin s’est hissée au rang de “capitale verte de l’Europe” grâce à son réseau de pistes cyclables, son réseau de transport public et ses investissements dans les énergies renouvelables. Des mesures qui s’inscrivent dans un combat de longue haleine contre “l’airpocalypse”, fait de pas en avant – et de rétropédalages.

Alors même que sa capitale fait figure de modèle en matière de propreté atmosphérique, l’Allemagne – aux positions anti-nucléaires – avait choqué l’opinion en autorisant, en 2022, la réactivation de 15 centrales à charbon. L’objectif ? Juguler la flambée du prix du gaz, entraîné par l’interruption des exportations russes, sur fond de guerre en Ukraine. De quoi mettre en péril le plan de sortie du charbon fixé à 2030 par le pays. Et pousser notre globe, un peu plus encore, aux portes de l’asphyxie.