Voilà pourquoi j’ai freiné mon binge scrolling après avoir maté le docu Génération écrans : génération malade

Voilà pourquoi j’ai freiné mon binge scrolling après avoir maté le docu Génération écrans : génération malade

La surexposition au numérique, ennemi n°1 de nos neurones ?

Surprise, surprise. “Félicitations ! La semaine passée, vous avez réduit votre temps d’écran de 14 %, pour une moyenne de 4h 12 minutes par jour”, m’annonce en fanfare mon smartphone. Mais pas sûr qu’il y ai de quoi sauter au plafond. Je veux dire, 4h on est déjà sur de l’abus. Ajoutez à ça les piles d’heures écoulées devant l’ordi, mes pauses geekage sur console et vous obtenez… Une vie en tête-à-tête tout sauf romantique avec le numérique. De quoi ronger d’inquiétude l’aïeule qui, du temps de mon enfance, déjà, martelait gravement que ma Game Boy me “bousillait le cerveau”. Et vous savez le pire ? La science pourrait bien lui donner raison. 

C’est tout l’objet de l’enquête menée par Raphaël Hitier, avec Génération écrans : génération malade. Un documentaire qui nous entraîne du côté des États-Unis, de la Chine ou encore de la Suède à la découverte des dernières trouvailles en matière d’impact du digital sur nos matières grises. Notamment auprès des enfants et adolescents, dont le métabolisme serait particulièrement vulnérable aux ravages des écrans. Déficit de l’attention, perturbations de l’humeur… La liste est longue. Assez pour pousser le cyberaddict que je suis à freiner des quatre fers sa e-consommation. Promis, juré.

SOS, notre attention dégringole

C’est l’une des grandes batailles pédagogiques de notre époque. De plus en plus de psychiatres et neuro-scientifiques font front commun pour dénoncer les effets négatifs d’une exposition précoce, et intensive, aux écrans. À Rachel Barr, professeure de psychologie, d’égréner : “perturbation du sommeil, troubles de l’attention…”. Et même des “difficultés d’apprentissage”, comme le démontre cette étude menée en Suède, suggérant que plus les écrans sont présents au foyer, plus les enfants tardent à maîtriser le langage. 

Le danger semble réel. Mais pour bien en saisir la portée, une piqûre de rappel s’impose. Back in the 70’s, la télé faisait son entrée dans le quotidien des enfants vers 4 ans. Aujourd’hui, elle débute dès 4 mois. La faute à la création de chaîne dédiées aux bambins. Mais aussi à la déferlante des tablettes, appareils connectés et tutti quanti – on n’arrête pas le progrès. Le résultat de cet avènement du digital ? Alors que la communauté scientifique préconise d’éviter toute exposition avant 3 ans, et de la limiter à une heure par jour avant la 6e bougie, un nombre galopant d’enfants passe un tiers de son temps d’éveil face aux écrans.

Une surexposition dont il est délicat d’évaluer avec précision la portée. Pour s’y atteler, des chercheurs américains de Seattle ont étudié le comportement de souris confrontées peu après leur naissance à un déchaînement de musiques, voix et lumières. Une manière de reproduire, grosso modo, les stimulis provoqués par l’écran. Comparativement aux rongeurs digital free, ces spécimens développent des réflexes compulsifs. Ainsi que des troubles cognitifs, et un déficit de la mémoire. Des symptômes qui rappellent vachement, mais alors vachement, le trouble de l’attention (TDAH) chez l’humain. Aïe.

“Le cerveau d’un nourrisson ne digère pas l’écran”

Pour expliquer ces symptômes, plusieurs explications possibles. Dimitri Christakis, un des pédiatres ayant piloté l’expérience sus-citée, évoque l’hypothèse selon laquelle “une exposition prolongée à des vidéos rapides et saccadées conditionnerait le cerveau à une surstimulation”. En gros : nos méninges seraient si habituées au défilé frénétique d’images, et de sons, qu’elles seraient incapable de s’occuper de tâches nécessitant une concentration de longue durée. Lire, par exemple.

Le psychiatre Serge Tisseron aborde le problème d’un autre angle, en soulignant qu’on “ne sait pas ce que provoque le bombardement d’effets visuels chez le nourrisson, en terme d’anxiété et de détresse”. Après tout, les petiots “ne savent pas” déchiffrer les signaux qui leur sont envoyés via le numérique. “De la même manière que l’estomac d’un bambin ne digère pas le steak, son cerveau ne digère pas l’écran“, image l’expert. En raison d’un “défaut de transfert”, ce qui est perçu sur plateforme digitale par un enfant de moins de 2 ans n’est pas transposable dans la réalité. La preuve : dans cette fourchette d’âge, les interactions par écrans interposés ne stimulent pas le cerveau de la même façon qu’un échange en direct.

Face au numérique, tous junkies ?

Après s’être attardé sur la petite enfance, le documentaire aborde les rivages de l’adolescence à l’appui d’enquêtes menées à grande échelle. Mais dont les résultats ne seront révélés que d’ici une poignée d’années. Un bilan qu’une foule de scientifiques attend avec anxiété, à l’heure où la population ado, dont le cerveau se reconfigure durant la puberté, fait partie des plus exposées au numérique. Jeux vidéos, séries, télévision, réseaux sociaux… Autant de supports qui stimulent notre système de récompense cérébral à coup d’images bigarrées, sonorités suaves et like overfriendly. Jusqu’à provoquer des comportements compulsifs – voire déclencher d’authentiques addictions.

L’écran serait-il une drogue comme une autre ? C’est en tout cas ce que suggère la reconnaissance par l’OMS, en 2018, du “trouble du jeu vidéo“. Une forme de toxicomanie similaire à celle impliquant les jeux d’argent ou la cocaïne, qui concerne 2,5 % des gamers en Europe . “À force de jouer, je perdais la notion du temps. Je voyais flou, j’avais mal au crâne et j’étais incapable de rester longtemps debout”, témoigne un adolescent chinois placé en centre de réeducation. 

De là à penser que les jeux vidéo sont systématiquement vecteurs de troubles ? Ce serait aller un peu vite, car toute exposition à ce type de contenu n’est pas néfaste. En fait, à bonne dose, elle serait même bénéfique ! Des études ont démontré que les gamers avaient une meilleure capacité d’attention que les autres – sans que l’on sache encore bien pourquoi. La preuve, quand même, que la GameBoy de mon enfance n’était pas vouée à me lobotomiser. Et toc, mère-grand.