À leur vernissage, les étudiants des Beaux-Arts de Paris ont rendu hommage au peuple palestinien

À leur vernissage, les étudiants des Beaux-Arts de Paris ont rendu hommage au peuple palestinien

Image :

© Félicité Bucchianeri

Par Donnia Ghezlane-Lala Donnia Ghezlane-Lala,Lise Lanot

Publié le , modifié le

Lors du vernissage de leur nouvelle exposition "autohistorias", des étudiant·e·s des Beaux-Arts de Paris ont pris la parole sur les atrocités commises par l’armée israélienne.

Alors que les campus états-uniens, sous tension, sont investis par des étudiant·e·s qui dénoncent l’implication militaire des États-Unis dans l’armée israélienne, les étudiant·e·s des Beaux-Arts de Paris ont inauguré leur nouvelle exposition “autohistorias” en rendant hommage “aux victimes de la politique coloniale et génocidaire d’Israël”. Dans un communiqué de presse, le groupe s’est dit “révolté” et a déclaré “ne pas pouvoir garder le silence plus longtemps”.

À voir aussi sur Konbini

Le génocide en cours en Palestine est présent en nous à chaque instant. L’air est irrespirable, la vie, invivable. […] Nous refusons d’être complices du silence coupable et écrasant des institutions occidentales sur la question palestinienne.” Plus loin dans le communiqué de presse, les étudiant·e·s ont rappelé leur soutien à “à tous les peuples opprimés par des puissances impérialistes et fascistes : Palestine, Arménie, Soudan, Congo, Ukraine”.

© Félicité Bucchianeri

Lors de ce vernissage, le groupe a également appelé à “un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la fin du blocus humanitaire, à la fin de la colonisation illégale de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, au droit au retour des millions de réfugié·e·s palestinien·ne·s de par le monde” et “les instances internationales des droits de l’homme à acter la responsabilité” d’Israël “dont les crimes bafouent depuis 75 ans toutes les lois internationales et toutes les lois morales”.

Sur place, les étudiant·e·s portaient des T-shirts mêlant parfois deux citations. La première est celle d’une mère gazaouie disant : “Tous mes êtres chers sont partis”. La seconde sont les mots d’une médecin militaire ukrainienne : “D’abord, ils ont tué mes enfants, ensuite mon mari et mes parents”. Sur une petite scène placée, 21 élèves ont clamé leurs dénonciations, leurs hommages et leurs revendications devant une grande assemblée composée du corps enseignant, étudiant et du public présent pour le vernissage.

© DR

Sur leurs flyers, on pouvait lire au verso un poème de Refaat Alareer, auteur palestinien tué, à l’âge de 44 ans, par une frappe de l’armée israélienne le 6 décembre 2023, qui a aussi emporté sa famille. Dans une vidéo qu’un étudiant des Beaux-Arts nous a envoyée, nous pouvons voir que la foule présente au vernissage s’est mise à scander et à répéter, à la fin de la prise de parole : “Cease fire now!” (“cessez le feu !”).

“‘autohistorias’, c’est ‘se raconter soi'”

L’exposition “autohistorias” a débuté le 24 avril et se poursuit jusqu’au 30 juin 2024. Le titre est un hommage aux écrits de Gloria Anzaldúa, une “théoricienne américano-chicana lesbienne, militante humaniste, dont l’œuvre n’a cessé d’interroger les questions des représentations, d’agentivité, de construction des identités et des mémoires des groupes minorisés”.

Le poème de Refaat Alareer. (© DR)

L’événement réunit les travaux des étudiant·e·s mais aussi des œuvres des collections patrimoniales des Beaux-Arts de Paris et d’artistes invité·e·s à exposer spécialement pour cet événement. Ces œuvres reflètent les histoires intimes de chaque artiste à travers des collages, des autoportraits, des récits et des “mondes parallèles”, détaille le communiqué de presse de l’école.

“‘autohistorias’, c’est ‘se raconter soi’, c’est aussi partir du ‘soi’ comme point d’ancrage d’une parole sur l’histoire. ‘autohistorias’, c’est aussi refuser en tant qu’individus et en tant qu’artistes, d’entériner des récits hégémoniques sur l’histoire, sous-tendus et déformés par des intérêts impérialistes. Aujourd’hui, six mois après le début du génocide, ces théories résonnent très fort avec la situation en Palestine”, a précisé le groupe d’étudiant·e·s dans son communiqué de presse.

Le texte des étudiant·e·s. (© DR)

Édit du 1er juillet 2024 : Plus de deux mois après ce vernissage, les étudiant·e·s des Beaux-Arts de Paris poursuivent leur engagement pour la Palestine. Ils et elles nous rapportent avoir reçu l’autorisation d’“occuper l’école de nuit à condition de rester dans un périmètre de sécurité” de la part de l’administration après une réunion. “Pendant une nuit d’occupation, nous avons créé une fresque sur les escaliers qui relie l’école des Beaux-Arts à l’école d’architecture Malaquais. Cet escalier est un lieu de passage connu pour ses tags imposants jamais recouverts ni nettoyés par l’école depuis une dizaine d’années.”

© Feryel Kaabeche

Après la réalisation de l’œuvre, les élèves se sont “fait convoquer plusieurs fois sans qu’aucune mesure ne soit réellement prise même s’ils ont tenté à plusieurs reprises de le nettoyer” : “Nous nous y sommes opposés fermement”, détaille une des étudiantes. Ce vendredi 28 juin 2024, l’école ouvrait ses portes au public à l’occasion d’une “journée des ateliers ouverts” : “Nous nous réjouissions de pouvoir montrer notre engagement au public par cette fresque. Cet après-midi, la direction a totalement fermé les accès à cet escalier, entravant gravement à notre liberté d’expression.”

“Lorsque nous avons demandé aux personnes responsables de la logistique la raison de la clôture de l’espace, on nous a répondu que le BDE avait entreposé leurs consos en bas des escaliers et que que c’était la raison pour laquelle il était autant sécurisé. Bien évidemment, l’espace est actuellement inoccupé et n’est absolument pas un lieu de stockage.

J’ai insisté, les informant que l’espace n’était pas utilisé comme ils l’avaient entendu, et que de ce fait, demain, nous pourrions éventuellement rouvrir l’escalier Melpomene, comme il l’a toujours été les années précédentes. On m’a répondu immédiatement que l’inoccupation des lieux ne changerait rien à sa clôture, l’un des deux m’a même répondu avec un sourire narquois : ‘On n’ouvrira pas’.”

© Feryel Kaabeche

Le groupe d’élèves déplore un “manque de respect inadmissible”, “une direction complice et hypocrite”, et une institution qui [les] censure” :

“Il nous semble nécessaire de ne pas taire les événements qui sont en train de se dérouler au sein d’un établissement qui prône la liberté d’expression et qui valorise, supposément, l’individualité, la pensée, et les valeurs de chacun de ses étudiants. Il est donc outrant de conclure que notre voix, nos productions, et nos efforts ne sont exprimés et mis en valeur que lorsque cela leur est opportun.”