Nouveau rebondissement de taille dans le dossier des fréquences télé : le groupe Canal+, filiale de Vivendi, veut retirer à partir de juin 2025 de la TNT ses quatre chaînes payantes (Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Planète), en réaction notamment au non-renouvellement de la fréquence de C8.
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“Tirant les conséquences du retrait de la chaîne C8, première chaîne de la TNT, par l’Arcom et d’un environnement fiscal et réglementaire de plus en plus contraignant pour le groupe en France, Canal+ annonce le retrait de ses chaînes payantes de la TNT”, selon un communiqué du groupe publié jeudi. “Seuls les abonnés de Canal+ qui sont encore sur la TNT seront concernés”, est-il précisé. Ils étaient quelque 70 000 fin septembre en France, selon un document de Canal+.
L’impact pour eux sera réduit : le groupe “leur proposera les équipements nécessaires afin qu’ils puissent continuer à profiter de l’ensemble des programmes de leurs chaînes sur d’autres modes de diffusion (satellite, ADSL et fibre via les opérateurs télécoms, Internet/OTT depuis l’application Canal+ sur l’ensemble des écrans connectés)”.
Filiale de Vivendi, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, le poids lourd de l’audiovisuel conservera toutefois deux chaînes en clair sur la TNT après la disparition annoncée de C8 le 28 février : la chaîne d’info CNews et CStar, mêlant musiques et magazine. Ne plus avoir à émettre nationalement sur la TNT entraînera une économie de 10 à 15 millions d’euros par fréquence.
Canal+, qui avait déjà menacé à plusieurs reprises de quitter la TNT, conteste notamment l’“augmentation de sa taxe versée au CNC” (Centre national du cinéma) et les “menaces sur son taux de TVA pourtant directement lié à son statut de premier financeur du cinéma français“. Ses obligations de financement ne devraient cependant pas évoluer.
La TVA est passée en 2022 de 10 à 20 % pour certaines de ses offres, un taux que le groupe conteste. Le litige avec le fisc porte sur 655 millions d’euros. “La réglementation nationale est devenue un frein à l’expansion et à la rentabilité des acteurs français, bien plus régulés que leurs concurrents internationaux”, avait déploré le président de Canal+ Maxime Saada, en février devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les fréquences TNT.
“Inéluctable”
Selon un observateur du secteur audiovisuel, cette sortie de la TNT est “la chronique d’une fin annoncée”. Canal+ en parlait depuis quatre ans, et le mouvement paraissait “inéluctable”, alors que le groupe a évolué vers une plateforme numérique. En 2020, Canal+ avait renouvelé sa fréquence sur le canal 4 pour un temps réduit volontairement de trois ans, puis dix-huit mois, jusqu’en juin 2025.
Pour justifier son retrait, le groupe met également en avant la décision de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, de ne pas renouveler la fréquence de C8, qui “vient profondément déséquilibrer l’activité de ses chaînes payantes sur la TNT”. La décision de l’Arcom en juillet avait provoqué une déflagration dans l’audiovisuel, certains y voyant une forme de censure, d’autres manifestant leur satisfaction.
En évinçant C8, qui cumule 7,6 millions d’euros d’amende en raison des dérapages de l’animateur Cyril Hanouna, le régulateur avait envoyé un signal aux chaînes sur la nécessité de respecter leurs obligations, en matière de maîtrise de l’antenne notamment.
Le rebondissement de jeudi survient alors que l’Arcom doit finaliser dans les prochains jours le processus de réattribution de 15 fréquences TNT en 2025, dont C8 a été exclu. Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète avaient été retenues. L’autorité devra ensuite statuer sur la numérotation des chaînes, un enjeu possiblement renouvelé avec ce retrait de Canal+.
La décision du groupe intervient aussi quatre jours avant une assemblée générale décisive pour le projet de scission de Vivendi en quatre entités indépendantes, dont la société Canal+. En cas de feu vert des actionnaires, Canal+ sera coté à la Bourse de Londres à partir du 16 décembre.
La télévision numérique terrestre (TNT) reste l’unique mode de réception de la télévision pour près de 20 % des foyers équipés d’un poste. Trente chaînes nationales sont actuellement diffusées sur la TNT. Paris Première (groupe M6) va être la seule à demeurer payante.