Autant j’aime les K-dramas, autant je préfère consommer ceux qui deviennent des K-traumas – vous aimez le jeu de mots ? Tant mieux, mais j’avoue l’avoir vu quelque part sur TikTok, il n’est pas de moi. Il n’empêche : les fictions plus romantiques, candides et destinées à un public plus adolescent, honnêtement, très peu pour moi. Mais ça, c’était avant de visionner True Beauty, fraîchement débarqué sur Netflix mi-décembre. On me l’avait vendu depuis des années comme un phénomène, et à juste titre.
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Il faut dire que la série n’est pas si récente. En réalité, elle a été diffusée en Corée du Sud il y a déjà trois ans. Le programme est adapté d’un webtoon (format de bande dessinée en ligne très populaire au pays du Matin calme) au titre éponyme et signé de l’autrice Yaongyi. Le pitch ? Lim Ju-kyung, sourcils épais, lunettes un peu disgracieuses et acné rugissante, se fait bully au lycée. Quand elle ose demander à ses bourreaux pourquoi de tels supplices, la réponse est limpide : “Parce que tu es moche.” Par “chance”, son père met la famille dans une fâcheuse position financière, si bien qu’ils sont obligés de déménager.
L’ado, mutée dans un autre établissement, voit alors une opportunité de tout recommencer à zéro et de se construire une solide popularité grâce à une nouvelle apparence créée de toutes pièces par… la force du maquillage et des full faces. Évidemment, elle ne manquera pas d’y faire des rencontres amicales et plus si affinités, puisque cela va sans dire, K-drama oblige, l’école ne manque pas de jeunes hommes tout à fait polis et charmants, eux aussi fragiles face au charme de l’écolière.
Commence alors un cercle vicieux à base de fond de teint et de blush : ses amis et ses flirts l’aimeraient-ils toujours sans maquillage ?
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Entre le bonbon et le doudou
Vous soufflez possiblement un peu à la lecture de ce rapide résumé, et à vrai dire, comme je vous comprends. Il s’agit peu ou prou du pitch de base de nombreux K-dramas, où une jeune femme au physique “différent” victime de harcèlement se découvrira une force et beauté (artificielle ou intérieure, voire les deux) pour survivre dans un monde d’artifice.
Le truc, c’est qu’ici, le scénario rempli de twists soapesques n’est qu’un prétexte et n’a pas la prétention d’égaler un The Glory. True Beauty est léger mais gourmand. Un bonbon qui file le diabète mais ô combien régressif et satisfaisant. La sensation qu’il procure est indescriptible, comme un doudou épais et réconfortant après une dure journée de taf ou de cours. On pourrait continuer les métaphores comme ça à l’infini mais le résultat demeure le même : c’est feel good à souhait. Tous les personnages sont une safe place à bien des égards, même les plus dangereux et les plus toxiques, car tous ouverts à la rédemption. C’est trop beau pour être vrai, mais qu’importe, c’est aussi pour ces lycéens qui relèvent de l’utopie qu’on a le binge watching facile.
Si tous sont aussi drôles qu’attachants, Lim Hee-kyung (Im Se-mi), aka la grande sœur un chouia alcoolique, est de loin notre préférée. Amoureuse d’un des profs de Lim Ju-kyung, elle bouleverse les codes de genre et drague de manière très frontale l’intéressé en changeant son pneu ou en l’attendant à sa fenêtre (mais pas de manière creepy, hein). Elle n’est pas la seule à créer des comiques de situation. En réalité, chaque protagoniste en est capable. On pourrait d’ailleurs légitimement se demander comment une série sur fond de harcèlement peut être aussi fun et réconfortante, et c’est là toute la force de l’écriture.
Par exemple, quand Lim Ju-kyung est au plus mal, il lui arrive toujours un petit accident mineur qui dédramatise. Comme quand sa full face est intégralement transférée sur la veste d’un de ses camarades, ou qu’elle se prend un gâteau en pleine tronche. Elle ne peut se débarbouiller la tête devant les autres, sous peine qu’ils aperçoivent “son vrai visage” et donc sa réelle “laideur”. Une sorte de Hannah Montana, puisque la lycéenne a deux visages et donc deux identités entre lesquelles elle jongle quand elle est chez elle ou en cours.
C’est évidemment et volontairement grotesque. Au-delà qu’on nous répète (mais pas trop souvent non plus, il ne faudrait pas être trop hypocrite) que la beauté est liée à la personnalité, il n’y a pas tant de différences que ça sur le visage de Lim Ju-kyung une fois qu’elle est maquillée. Que certains personnages ne puissent même pas la reconnaître une fois que cette dernière a les cheveux en arrière et ses lunettes sur le nez est même carrément absurde. Un comique de situation qui renvoie presque à du théâtre.
Allergique au cringe ? Passez votre chemin
Enfin, car il s’agit aussi là d’un teen drama, on ne peut pas ne pas citer ceux qui font les beaux jours des edits TikTok depuis des années. Que ce soient le très pudique et timoré Lee Su-ho, incarné par Cha Eun-woo (oui, oui, celui du groupe de K-pop ASTRO) ou Han Seo-jun (Hwang In-yeop), caricature du bad boy au grand cœur. Les deux bg se battront pour les beaux yeux fardés de Lim Ju-kyung. Et si, habituellement, les triangles amoureux me désespèrent – d’autant plus qu’on connaît souvent la fin avant même le début –, celui-ci ne manque pas de créer des situations WTF qui prêtent sincèrement à sourire. Car oui, j’aurais sans doute dû vous le dire plus tôt : pour commencer True Beauty, vaut mieux pas être allergique au cringe !
Peu subtile – et c’est un euphémisme –, l’adaptation reprend tous les vieux codes stéréotypés de mise en scène des K-dramas. Des ralentis par-ci, des regards insistants par-là, des réactions totalement exagérées à d’autres moments, des personnages qui parlent solo dans la rue et à voix haute tout le temps… sans oublier la timidité de nos héros, qui mettent des lustres à échanger un simple smack ou à s’enlacer. Mais honnêtement, après avoir regardé Élite, cette élégante retenue est presque salvatrice. Tout est une question de point de vue !
La première saison de True Beauty est disponible sur Netflix.
