Aventures sur le Net : on vous raconte la folle histoire de la VRAIE première téléréalité française que tout le monde a oubliée

Aventures sur le Net : on vous raconte la folle histoire de la VRAIE première téléréalité française que tout le monde a oubliée

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Capture d’écran Archives Youtube

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Par Kévin Pinto

Publié le

Eh non, contrairement à ce que vous pensez, Loft Story n’est pas la première téléréalité française… On vous raconte TOUT.

“11 célibataires coupés du monde, filmés dans un loft de 225 m², 24 h/24, par 26 caméras et 50 micros.” On se rappelle tous du générique mythique de Loft Story et de la folie autour de l’émission. Sauf que le Loft n’est pas la première téléréalité de France. Quelques mois avant, TF6 a lancé Aventures sur le net. On vous raconte l’histoire d’une émission dont pas grand monde ne se souvient.

Le 26 avril 2001, Loana, Jean-Édouard, Steevy et leurs copains rentraient dans le Loft et s’apprêtaient à bouleverser le paysage audiovisuel français. Ce premier Big Brother made in France va connaître un succès immense et a donné naissance à des dizaines et des dizaines de variantes depuis plus de 20 ans.

Normal, puisque Loft Story était le premier programme du genre en France. Non ? Eh bien non. Peu de monde s’en souvient mais la vraie première émission de téléréalité d’enfermement date en réalité de janvier 2001, et s’appelle Aventures sur le net. Mais ça sort d’où, ce truc ?

Pas de télé-poubelle en France ! Enfin…

Depuis 1999, un nouveau format venu des Pays-Bas commence à intriguer et à faire parler : Big Brother, du nom du personnage du roman de George Orwell, 1984 (on vit vraiment dans une société). Le principe : enfermer des gens dans une maison et les regarder vivre. C’est tout. À l’origine de tout ça, John de Mol, et sa société de production Endemol.

Dès 2000, le concept s’exporte à l’international. Belgique, Allemagne, Italie, Portugal, Espagne, Royaume-Uni et même États-Unis : tous succombent à l’appel de Big Brother, avec l’immense succès qui va avec. Et en France ?

En France, “pas de télé-poubelle” ! C’est le deal passé entre TF1 et M6, les deux seules chaînes susceptibles de diffuser un tel programme. On est le pays des Lumières. La France, c’est la Culture, on va pas commencer à regarder des inconnus sous la douche. Enfin… Pas de télé-poubelle sauf si on la produit ensemble !

Ça tombe bien, en décembre 2000, les deux groupes ont lancé une chaîne commune sur le bouquet satellite : TF6. Un mélange de TF1 et M6. C’est bien trouvé, non ? Cette chaîne destinée aux jeunes adultes doit diffuser des films, des séries, des divertissements, des magazines. Mais pour marquer son arrivée sur le câble, TF6 veut un programme fort. Ce sera Aventures sur le net.

Loft Story x Amazon

Le 8 janvier 2001, la France – ou plutôt les rares personnes qui regardent TF6 – fait connaissance avec sa toute première téléréalité d’enfermement. Le principe est simple : trois équipes – les bleus, les rouges et les violets – composées chacunes de trois personnes sont enfermées dans des appartements séparés.

Après trois semaines de jeu, la team qui remporte le plus de suffrages du public remporte 100 000 francs (environ 21 000 euros d’aujourd’hui, pour les plus jeunes). Jusque-là, c’est du classique.

Mais la différence avec nos amis néerlandais de Big Brother, c’est que les apparts sont vides. Les candidats disposent d’un budget de 15 000 francs (environ 3 000 euros) et… d’un ordinateur relié à Internet. C’est déjà fou, pour l’époque.

Nos trois équipes doivent remporter des épreuves pour gagner du temps de connexion et acheter de quoi se meubler et se nourrir avec leur cagnotte. En gros, c’est Loft Story mais sponsorisé par Amazon. Et si vous avez connu les modems Wanadoo 56k, vous savez qu’acheter un truc en ligne en 2001, c’est déjà une épreuve en soi.

Pour la présentation, KM Production, la société de Renaud Le Van Kim, fait le choix de Jérôme Bertin, alors journaliste sur LCI, et devenu depuis acteur dans Plus belle la vie. Un choix surprenant mais qui permet de vendre le programme comme une expérience sociologique. Loft Story fera pareil à ses débuts. Au moins jusqu’à l’épisode de la piscine, au bout de trois jours. Bref.

En 2011, Jérôme Bertin expliquait d’ailleurs au mensuel Première que Renaud Le Van Kim était “venu chercher [sa] caution de journaliste, j’étais la garantie qu’on n’allait pas chercher l’exhibitionnisme”. Et c’est vrai. Pas d’exhibitionnisme. Pas d’histoires d’amour, non plus. Pas grand-chose tout court, en fait.

Déguisements de phoques et parodies de Michael Jackson

Concrètement, ça ressemblait à quoi Aventures sur le net ? Seulement trois vidéos – de 23, 14 et 6 minutes – sont disponibles sur YouTube et Dailymotion. Mais c’est largement suffisant pour se faire une idée. Et comme j’ai le sens du sacrifice, j’ai tout regardé.

Verdict ? On va être clair : c’est chiant. Mais, étrangement, un peu intrigant. Je m’explique. Les candidats ne sont pas des personnages stéréotypés comme on pourra le retrouver dès la première saison de Loft Story. Et c’est bien ça le problème. On se retrouve à regarder des gens lambda qui s’ennuient. D’autant qu’Aventures sur le net n’a pas le même budget que sa future cousine de M6.

Pour passer le temps, les candidats font du limbo avec du papier toilettes ou comparent le nombre de fois où ils vont faire la grosse commission. Ça paraît drôle dit comme ça, mais les scènes sont assez longues. On assiste quand même à un clash chez les jaunes à cause d’une douche trop longue. Mais on est bien loin des problèmes de Julien Tanti.

Les rares moments qui valent le coup d’œil, ce sont les fameuses épreuves. En réalité, ce sont plutôt des défis un peu cons à réaliser avec les moyens du bord. Forcément, le résultat est assez gênant donc captivant.

Un exemple ? Les candidats doivent réaliser une fausse publicité et se retrouvent à imiter les phoques sur la moquette, déguisés avec des sacs plastiques. Vous pouvez regarder ça juste en dessous.

Pendant les trois semaines, les candidats vont, par exemple, devoir créer des chorégraphies sur “Like a Virgin” de Madonna, organiser des défilés de mode, réaliser un clip de “Thriller” de Michael Jackson ou faire une suite de dominos avec des sucres. Marrant, non ? Ben non.

Une page fan sur Facebook

Mais au fait, ça a marché Aventures sur le net ? Malheureusement, les audiences ne sont pas disponibles sur Internet. Mais étant donné la chaîne de diffusion et le fait que presque personne ne s’en souvient, on aura tendance à dire que le succès a été modeste. Pour rester gentil.

Les seuls chiffres qu’on trouve viennent d’un article du Parisien du 13 janvier 2001. D’après le producteur, “la bonne surprise vient des 94 000 pages lues quotidiennement sur notre site web”. Et les équipes d’Aventures sur le net reçoivent “entre 500 et 800 e-mails d’encouragement pour les différentes équipes”. Sans doute grâce aux imitations de phoques.

La preuve la plus solide du succès de l’émission reste sans doute l’existence d’un groupe Facebook, répondant au doux nom de “remettez nous ‘Aventures sur le net’ sur TF6” et comptant 11 membres ! La description est un véritable cri du cœur : “La star’ac, c’est de la daube. La seule émission de téléréalité sympa, c’était asln (aventures sur le net) sur TF6… Alors TF6, si tu me lis, tu reprends Jérôme Bertin, tu loues 3 studios et tu remets cette émission à l’antenne !” Un rêve compliqué puisque, malheureusement, TF6 a disparu en 2014.

TF1 et M6 brisent le pacte

Aventures sur le net n’aura évidemment pas de suite. Tout comme le pacte entre TF1 et M6 contre la télé-poubelle. Qui a trahi qui ? Qui a déclenché la guerre des chaînes sur fond de téléréalité ? Alexia Laroche-Joubert, la mère de Loft Story et de Star Academy, donnait une explication sur Europe 1, en 2015 : “En 2001, TF1 rompt le pacte en lançant la production de Koh-Lanta. Nicolas de Tavernost (l’ancien directeur de M6) dit alors : ‘J’ai promis de ne pas faire Big Brother, je n’ai pas dit que je ne ferais pas Big Sister. Donc il lance Loft Story.

La suite, on la connaît. “Lofteurs up and down”, “La sentence est irrévocable”, et plus de 20 ans de téléréalité dans la foulée. Mais n’oublions jamais que les pionniers commandaient des pizzas avec un forfait AOL 25 h/mois.