Babygirl, un film sexy qui ne manque pas d’idées

Babygirl, un film sexy qui ne manque pas d’idées

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(©SND)

Dans ce thriller érotique fun et moderne, Nicole Kidman boit du lait et Halina Reijn s’interroge sur les nouveaux rapports de pouvoir entre différentes générations.

Méfiez-vous des apparences. Babygirl, en salles depuis le 15 janvier, s’ouvre sur une longue scène de sexe entre Romy (Nicole Kidman) et son mari (Antonio Banderas). Le climax arrive, et les deux amants, en apparence comblés, se regardent dans les yeux et se disent qu’ils s’aiment. Mais lorsque la séquence s’achève, et que Romy part dans la pièce d’à côté pour se masturber face à son ordinateur, on comprend alors que l’orgasme auquel on vient d’assister était simulé.

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Entre hommage et subversion

Au cours du film, cette puissante chef d’entreprise new yorkaise va risquer sa vie familiale et sa carrière, en entamant un jeu de séduction de plus en plus complexe avec un jeune stagiaire nommé Samuel (Harris Dickinson). Tension sexuelle, alchimie au sommet, triangles amoureux, casting de stars et bande-son bourrée de tubes : Babygirl est un délicieux bonbon cinématographique qui se savoure sans faim. Outre-Atlantique, certaines de ses scènes les plus divertissantes sont même déjà devenues cultes, notamment ce moment où Romy boit d’une traite un grand verre de lait commandé pour elle par Samuel. Mais derrière son extérieur coloré et récréatif, le film de la néerlandaise Halina Reijn est moins superficiel qu’il n’y paraît.

La cinéaste, qui a elle-même tourné en tant que jeune actrice aux côtés de Paul Verhoeven, le réalisateur de Basic Instinct et Showgirls, a toujours été fascinée par le genre du thriller érotique. Babygirl, son deuxième long métrage après la comédie horrifique Bodies Bodies Bodies, est à la fois un hommage affectueux et une subversion des codes de ce genre cinématographique tombé en désuétude. Dans la structure du film, en effet, rien ne vous surprendra, de la rencontre au premier baiser en passant par les complications et autres réconciliations. 

Clash des générations

Contrairement aux classiques du genre, le film propose cependant un regard plus moderne, et moins conventionnellement genré, sur le sexe et l’intimité. En s’éloignant des archétypes attendus (homme dominant et femme soumise), Babygirl brouille les pistes et complexifie les attitudes de ses personnages à chaque détour. Le jeune Samuel, par exemple, est en position d’infériorité hiérarchique, mais c’est lui qui joue le rôle de dominant face à sa patronne. En apparence plein d’assurance, il peut se montrer tour à tour froid, immature et affectueux, parfois en l’espace de quelques minutes. Tout au long du film, on se demande à quel point le stagiaire garde véritablement le contrôle.

La cinéaste, qui se refuse à offrir des réponses trop simples, lance une multitude de pistes sur les rapports de pouvoir et la sexualité moderne, mais aussi la manière dont les différentes générations s’en emparent. Tandis que le personnage d’Antonio Banderas, un mari tendre et sûr de lui, ignore les signaux de rejet de sa femme, celui de Harris Dickinson, plus jeune, se préoccupe beaucoup plus de son consentement.

La jeune employée de Romy, ambitieuse et féministe, voit sa boss comme un modèle de réussite, avant de réaliser qu’une femme PDG n’est pas forcément plus vertueuse qu’un homme. Alors que Romy voit sa propre infidélité comme une transgression impardonnable, sa fille adolescente, elle, entretient une relation amoureuse avec deux filles à la fois, sans éprouver la moindre culpabilité. 

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Portrait féminin

Quant à Romy, lorsqu’on la rencontre, elle croule sous les injonctions contradictoires (mère idéale, épouse aimante en tablier fleuri, PDG ferme mais souriante), jusqu’à en perdre sa propre identité. Si le genre du film érotique a tendance à adopter un regard masculin, et à objectifier ses personnages de femmes fatales, ce n’est pas le cas de Babygirl, qui suit les états d’âme d’une femme frustrée dans sa sexualité et dans sa vie en général. 

Étouffée par sa propre quête de contrôle, dans son travail, Romy fait tout pour renvoyer une image à la fois robotique, lisse et inoffensive. Mais en tournant un spot publicitaire pour son entreprise, une jeune employée lui fait remarquer : “être vulnérable est quelque chose de positif, pas négatif”. En devenant une “babygirl”, cette femme qui a l’habitude de tout maîtriser révèle qu’elle ne désire au fond qu’une chose: abandonner toute prise de décision. Ainsi, son attirance pour Samuel semble au fond refléter un désir, bien plus sombre, d’autodestruction. 

Le film utilise à merveille le physique de Nicole Kidman, reine de beauté qui approche la soixantaine, et semble dialoguer directement avec l’image publique de l’actrice : dans un montage au début du film, on la voit courir après une impossible perfection, à base de chambre cryogéniques, séances d’EMDR, et injections de Botox. Avec sa garde-robe impeccablement beige et sans personnalité, l’héroïne cherche tellement à se soumettre aux attentes de la société qu’elle en finit par se figer.

À travers sa rencontre avec Samuel, elle va réapprendre à accepter ses aspérités, et affirmer ses besoins.

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Nicole Kidman au sommet

Alors que les portraits honnêtes de sexualité féminine restent rares au cinéma, Halina Reijn s’en donne à cœur joie en explorant le désir complexe de son héroïne. Dans une scène particulièrement marquante, Romy se retrouve à plat ventre sur le sol d’une chambre d’hôtel. Tandis que Samuel commence à la toucher, la caméra reste braquée sur le visage convulsé de Nicole Kidman, pendant un long plan séquence qui s’achève avec un orgasme rutilant.

L’actrice australienne, qui n’a jamais reculé devant des rôles subversifs ou très sexualisés (Eyes Wide Shut, Paperboy, Birth) a déjà été récompensée pour son interprétation lors de la Mostra de Venise. Avec ce nouveau tour de force, elle pourrait bien se retrouver nommée aux Oscars pour cette performance audacieuse.