Cannes : le palmarès de cœur 2024 d’une rédaction au bout du rouleau

Cannes : le palmarès de cœur 2024 d’une rédaction au bout du rouleau

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© Working Title/Ad Vitam/Pyramide Films/Pathé Films

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Par Konbini

Publié le , modifié le

On fait le bilan du 77e Festival de Cannes avant le verdict officiel du jury présidé par Greta Gerwig.

À la veille du palmarès du 77e Festival de Cannes, les yeux fatigués et la tête à l’envers, on fait le bilan de ces dix jours. Voici donc le palmarès de cœur de la rédaction de Konbini, en attendant le verdict du jury présidé par Greta Gerwig.

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Arthur

© Ad Vitam

On a pu lire ici et là que c’était une compétition faible, sans temps forts. C’est compter sans les ratés qui ont fait réagir (type Megalopolis, ou d’une tout autre manière L’Amour ouf), mais surtout les nombreux coups de force. Il s’agirait de ne pas oublier la puissance de la séance de The Substance, le film turbo-gore jouissif de Coralie Fargeat qui mérite d’être haut dans le palmarès. Tout comme le geste politique d’une puissance rare qu’est Les Graines du figuier sauvage, qui mérite d’être récompensé (outre le courage de l’artiste, c’est aussi et avant tout une œuvre cinématographique poignante, tenue, maîtrisée, malgré des conditions terribles). Ou encore la surprise d’Emilia Perez, la comédie musicale de Jacques Audiard que tout le monde pensait a priori détester et qui a pris la Croisette de court – avec une Karla Sofía Gascón magistrale.

Après, les palmarès sont aussi là pour mettre en avant les films qui ont moins fait parler, mais qui demeurent des propositions singulières. Comment passer à côté de l’écriture magistrale de Paul Schrader pour Oh, Canada qui réussit de manière troublante à retranscrire la plume de Russell Banks ? Comment ne pas donner LE prix que Serebrennikov n’a jamais eu, et qu’il mérite à chaque fois qu’il passe par Cannes, à savoir celui de la Mise en scène, pour son incroyable Limonov ? Comment ne pas être ému par la triple prestation d’un acteur trop rarement cité parmi les plus intéressants de notre époque, à savoir Jesse Plemons, dans le triptyque Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos ?

Mais le plus oublié de tous, le moins commenté, parce que programmé au mauvais moment (la projection presse chevauchait celle de Megalopolis, donc vous deviez faire l’impasse dessus pour voir le Coppola), reste Bird. Or, Andrea Arnold a beau être une habituée du Festival, elle est aussi habituée sans Palme. Elle a donc la Palme de mon cœur, et c’est pas grand-chose vu qu’elle mérite bien plus – mais elle l’a.

Palme d’or : Bird d’Andrea Arnold
Grand Prix : The Substance de Coralie Fargeat
Prix du jury : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
Prix d’interprétation masculine : Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos
Prix d’interprétation féminine : Karla Sofía Gascón pour Emilia Perez de Jacques Audiard
Prix de la mise en scène : Limonov: The Ballad of Eddie de Kirill Serebrennikov
Prix du scénario : Oh, Canada de Paul Schrader

Manon

© Pyramide Films

Mon cœur et ma Palme vont à Andrea Arnold, déjà triplement récompensée du Prix du jury et la seule à avoir fait couler mes larmes cette année avec Bird, son récit d’apprentissage très poétique. Le jury 2024 ne pourra décemment pas ne pas récompenser le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof qui a fui clandestinement l’Iran pour échapper à une lourde peine de prison encourue pour son thriller politique et implacable, Les Graines du figuier sauvage, pour lequel j’imagine au moins un Grand Prix.

J’aimerais également que le jury de Greta Gerwig ne manque pas de récompenser, et même doublement, la folie destructrice de The Substance, avec un Prix du jury pour Coralie Fargeat, qui livre un film radical et insensé, mais aussi avec le Prix d’interprétation féminine pour Demi Moore, qui jouait gros dans ce rôle méta et impudique. Côté masculin, il faut saluer la performance du toujours impeccable Jesse Plemons, l’un des meilleurs acteurs américains du moment, dans son premier rôle principal au cinéma et que l’on attendait, dans Kinds of Kindness.

Enfin, côté Mise en scène, je récompenserais le Suédois Magnus von Horn pour La Jeune Femme à l’aiguille, un drame filmé dans un somptueux noir et blanc et une mise en scène référencée et léchée malgré l’austérité du sujet, tandis que côté Meilleur scénario, c’est Jacques Audiard qui m’a cueillie avec Emilia Perez, sa comédie musicale imparfaite, audacieuse et over-the-top qui m’a régalé les yeux, les oreilles et le cœur.

Palme d’or : Bird d’Andrea Arnold
Grand Prix : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
Prix du jury : The Substance de Coralie Fargeat
Prix d’interprétation masculine : Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos
Prix d’interprétation féminine : Demi Moore pour The Substance de Coralie Fargeat
Prix de la mise en scène : La Jeune Femme à l’aiguille de Magnus von Horn
Prix du scénario : Emilia Perez de Jacques Audiard

Adrien

© Pathé Films

Malgré six sélections en compétition officielle au cours de sa carrière, Paolo Sorrentino n’a jamais accédé à la prestigieuse Palme d’or, même pour La grande bellezza en 2013. Et si la septième était la bonne ? Je suis clairement à contre-courant de l’avis général, mais Parthenope m’a subjugué avec sa mise en scène picturale et grandiose, son exploration poétique du caractère éphémère de la jeunesse et de l’amour et la sensualité hypnotique qui traverse tout le film, lorsque le réalisateur italien érige sa sirène comme une divinité grecque dans une Naples fantasmée.

Pour le Grand Prix, je mise sur le long-métrage qui a le plus surpris, choqué et amusé les festivaliers cette année : The Substance. Un body horror féministe signé Coralie Fargeat, irrévérencieux, ultra-gore et jouissif, qui se permet en plus de critiquer les dérives du star-system à l’égard des femmes vieillissantes dans cette industrie. Logiquement, Demi Moore devrait aussi repartir avec le Prix d’interprétation féminine, tant elle s’est (littéralement) donnée corps et âme pour incarner cette reine déchue du fitness, prête à se cloner pour retrouver sa jeunesse d’antan.

Pour son équivalent masculin, je pense tout de suite à Jesse Plemons, habitué aux seconds rôles sur le grand écran, qui peut enfin exposer son talent de jeu à trois reprises dans le triptyque de Yórgos Lánthimos, Kinds of Kindness. L’acteur découvert dans la série Breaking Bad profite de cette comédie noire et jubilatoire pour rivaliser de talent et former un duo renversant avec Emma Stone. Enfin, et parce que l’animation, c’est aussi du grand, voire du très grand cinéma, j’accorde le Prix du Meilleur scénario à Michel Hazanavicius pour La Plus Précieuse des marchandises, un conte dur mais bouleversant sur fond de Seconde Guerre mondiale.

Palme d’or : Parthenope de Paolo Sorrentino
Grand Prix : The Substance de Coralie Fargeat
Prix du jury : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
Prix d’interprétation masculine : Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos
Prix d’interprétation féminine : Demi Moore pour The Substance de Coralie Fargeat
Prix de la mise en scène : La Jeune Femme à l’aiguille de Magnus von Horn
Prix du scénario : La Plus Précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius

Flavio

© Working Title

Ce que j’attends d’un film, surtout à Cannes, c’est une expérience qui anime les sens, affole l’intérieur des salles de projection de la Croisette et génère le charivari excitant à l’extérieur. En ce sens, peu de longs-métrages en compétition officielle ont créé autant d’effervescence que The Substance, la chimère body horror sur fond de commentaire féministe audacieusement pilotée par Coralie Fargeat, qui raconte les affres de la condition féminine sous les diktats de la beauté à travers le sang et le pus. Brillamment dégueulasse, je vois bien la réalisatrice repartir avec la Palme, ce qui rendrait une nouvelle fois ses lettres de noblesse au cinéma de genre français, trois ans après Julia Ducournau et son Titane.

Sur le reste du podium, j’espère que le jury de Greta Gerwig accordera le Grand Prix à l’intense Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde d’Emanuel Parvu, qui dépeint la folie et la laideur de l’intolérance et de la haine, sur une toile de fond teintée de soleil et de beauté – le film a remporté la Queer Palm cette année. Pour le Prix du jury, finalement, je croise les doigts pour voir récompensé le surprenant feu d’artifice de Jacques Audiard, Emilia Perez, qui mérite d’ailleurs également le Prix du Scénario pour sa folle épopée mêlant transidentité, cartel mexicain et récit intelligent sur les secondes chances de la vie.

Au niveau des interprétations, je mise sur la captivante actrice danoise Victoria Carmen Sonne, dont le visage et ses multiples facettes m’ont fait frémir dans le glaçant La Jeune Femme à l’aiguille du réalisateur Magnus von Horn, et le grand Jesse Plemons dans Kinds of Kindness, qui incarne tour à tour trois personnages dans le dernier Yórgos Lánthimos, l’occasion pour lui d’étaler toute sa maîtrise du premier rôle, après avoir largement fait ses preuves en tant que second couteau ces dernières années.

Pour le Prix de la Mise en scène, si le scénario de L’Amour ouf de Gilles Lellouche m’a fait piquer du nez au cours de ses laborieuses 2 heures 45 minutes de long, j’ai été bluffé par les idées et les moyens mis en place pour transposer à l’image la passion amoureuse au cœur du film. J’ai ce plan de François Civil et Adèle Exarchopoulos qui se galochent dans le soleil couchant qui passe en boucle dans ma tête depuis que je l’ai vu. Sublime.

Palme d’or : The Substance de Coralie Fargeat
Grand Prix : Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde d’Emanuel Parvu
Prix du jury : Emilia Perez de Jacques Audiard
Prix d’interprétation masculine : Jesse Plemons pour Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos
Prix d’interprétation féminine : Victoria Carmen Sonne pour La Jeune Femme à l’aiguille de Magnus von Horn
Prix de la mise en scène : L’Amour ouf de Gilles Lellouche
Prix du scénario : Emilia Perez de Jacques Audiard