Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.
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Asteroid City, c’est quoi ?
Vous connaissez sans doute Wes Anderson. Ce cinéaste américain est connu pour ses films colorés avec un filtre et un grain particulier, très pop, et sa mise en scène exigeante (souvent des plans fixes extrêmement symétriques), utilisant les décors comme un grand théâtre, où le faux carton-pâte est roi, le tout avec un casting souvent XXL et la plupart du temps exceptionnel.
Dans la parfaite continuité de ces derniers longs (notamment depuis Grand Budapest Hotel, donc après L’Île aux Chiens et The French Dispatch), Asteroid City raconte l’histoire d’une famille, un père et ses 4 enfants, qui, de passage à Asteroid City, se retrouve bloquée — par une voiture en panne, puis par un confinement dû à l’apparition d’extraterrestres.
On n’en dit pas plus pour l’instant, mais si vous ne désirez pas en savoir davantage, évitez de lire la suite — on va devoir spoiler un petit peu.
Mais c’est bien ?
Soyons honnêtes : Wes Anderson n’a jamais fait de mauvais films. Certains sont plus sublimes que d’autres, mais jamais le cinéaste n’a raté son coup. Jamais. On peut préférer le début de sa carrière, quand ses productions étaient plus organiques, moins cadrées — on pense à La Famille Tenenbaum ou À bord du Darjeeling Limited. Mais le fait est que depuis son passage à l’animation, Anderson a radicalisé sa vision d’un cadre, d’un plan, d’un décor.
Asteroid City atteint peut-être le paroxysme de cette vision. Sur la forme, mais aussi sur le fond puisque, ce qu’on ne sait pas grâce aux trailers, c’est qu’il s’agit d’une pièce de théâtre. Ce que l’on voit nous paraît artificiel, mais, pour une fois, ce n’est pas justifié par le fait d’être dans un pays imaginaire, mais bien dans les décors d’une histoire. On suit l’auteur et la préparation en même temps que ladite pièce.
Ce geste d’écriture est extrêmement malin, puisqu’il permet certes de comparer cet Ouest américain ensoleillé, vif et coloré, à cet Est maussade, triste et pluvieux (on passe d’un format large et coloré à un format 1:33 et noir et blanc quand on est de retour sur les planches) ; mais également de justifier la petitesse de cette bourgade et de notre décor presque en huis clos (en plein milieu du désert, c’est fort). Il permet d’explorer, pour la première fois, l’Histoire avec un grand H : d’un côté, Broadway, et de l’autre, le wild west, deux parts importantes de ce qu’est la nation américaine et d’étudier avec une légère nostalgie qui émeut.
D’autant plus qu’au milieu, comme toujours avec Anderson, se trament des questions de fond sur la famille et l’amour — comme toujours, avec une mélancolie palpable — à la différence près que le romantisme se veut plus prononcé que jamais, que cela se passe devant ou derrière le rideau ; c’est celui-ci qui nous tirera une larme en réalité.
Le problème de l’artificialité des décors, de la mise en scène si minutieusement amenée et des dialogues théâtraux, jamais grandiloquents mais pas forcément naturels, est que tout ceci devient parfois une mécanique rondement menée, qui n’est, de fait, jamais organique — sauf à la fin, encore une fois, quand on sort de la pièce. C’est décontenançant, mais logique, vu ce qu’entreprend le cinéaste. De par la nature du récit, l’émotion du naturel ne peut jaillir que de l’envers du décor.
Le reste du temps, on voit donc une farce, sublime, mais en carton-pâte, portée par un casting parfait, une direction artistique à tomber par terre. Mais encore faut-il réussir à accepter ce parti pris, plus poussif que jamais chez le cinéaste de la perfection. On a mis du temps à l’accepter, mais les heures ont fait leur travail, et le film a grandi — et continue à grandir.
De là à dire qu’il s’agit de son meilleur, ou de son plus beau ? Sans doute pas. Mais son plus étonnant, son plus exigeant, son plus intéressant depuis 10 ans et son plus réussi formellement ? Sans doute.
On retient quoi ?
L’actrice qui tire son épingle du jeu : C’est un petit rôle, mais clairement Margot Robbie
La principale qualité : la mise en abyme qui justifie la fausse froideur du récit
Le principal défaut : trop mécanique pour que les dialogues nous touchent dans la partie désertique — c’est le but du cinéaste
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : les trois derniers films du réalisateur
Ça aurait pu s’appeler : La Journée de l’astéroïde
La quote pour résumer le film : “Le plus théorique des Wes Anderson, son plus réussi formellement, et pas loin d’être des plus intéressants de sa filmographie récente”