Cette artiste brise le béton pour révéler les visages des victimes de la répression en Iran

Cette artiste brise le béton pour révéler les visages des victimes de la répression en Iran

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© Fabien Novial/AFPTV/AFP

L’artiste iranienne Sadaf Ahmadi invite le public à fracturer une couche cimentée recouvrant des photographies.

Une chape de béton à briser : à Forcalquier, dans le Sud de la France, l’artiste iranienne Sadaf Ahmadi invite le public à fracturer une couche cimentée recouvrant des photographies pour laisser apparaître les visages de victimes de la répression iranienne.

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Son exposition “Concrete” (“béton” en français) encourage jusqu’au 8 mars le public “à prendre conscience et soutenir le mouvement de libération des femmes” en cours dans son pays. Debout face à un mur blanc sur lequel sont accrochées des dizaines de tableaux carrés recouverts de béton, le public se voit d’abord remettre un bâton avant d’être invité à taper sur l’une des toiles.

Réticente au premier abord à l’idée de briser une œuvre d’art, une visiteuse se lance après avoir été encouragée. Des brisures de béton se décollent alors et tombent sur le sol pour laisser apparaître petit à petit le portrait de Kia Hannaneh, 23 ans. Sous son visage souriant est inscrit : “Suicidée par la police”.

“Cette jeune manifestante a été abattue par les forces iraniennes qui ont voulu cacher son décès en disant qu’il s’agissait d’un suicide, l’excuse qu’elles donnent pour tous les décès de protestataires. Elle s’était mariée un mois auparavant”, explique Sadaf Ahmadi. Kia Hannaneh, dont la photographie a été récupérée par l’artiste sur Instagram, fait partie de la trentaine de victimes à qui l’artiste rend hommage par ce mémorial ludique mais déconcertant, “rebétonné” chaque nuit.

“Mon travail s’inspire des manifestations des années 1980 en Iran lors desquelles des milliers de personnes ont été exécutées par le régime islamique. Ne sachant que faire des corps, ils les ont jetés dans des fosses communes puis recouverts de béton pour qu’on les oublie”, raconte-t-elle.

“Le régime islamique veut empêcher les citoyens de s’informer, ils sont comme enfermés sous une chape de… béton. Par cette exposition, je veux les aider à la détruire pour que la vérité éclate”, explique l’artiste, alors qu’un tchador doré accroché à une corde, tel une personne pendue, trône au centre de la pièce.

Parmi les martyrs honorés figure Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des mœurs pour infraction au code vestimentaire strict de la République islamique. Sa mort, survenue le 16 septembre 2022, avait déclenché des manifestations qui secouent toujours l’Iran.

Depuis, les actions de défiance envers le régime se sont poursuivies, malgré une répression qui s’est traduite par la mort d’au moins 481 personnes tuées par les forces de sécurité, la pendaison de quatre personnes en lien avec les manifestations et l’arrestation d’environ 14 000 personnes, selon un bilan fourni fin décembre par l’Iran Human Rights (IHR), une ONG basée à Oslo.