Comment Martin Scorsese, Quentin Tarantino ou encore Céline Sciamma ont pu sauver La Clef, mythique ciné parisien

Comment Martin Scorsese, Quentin Tarantino ou encore Céline Sciamma ont pu sauver La Clef, mythique ciné parisien

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© Loic Venance/AFP

Le collectif La Clef Revival a annoncé mercredi avoir signé le rachat du cinéma.

Les amis de La Clef, dernier cinéma associatif de Paris, ont pu racheter avec le soutien de grands noms du 7e art comme Martin Scorsese les murs de ce haut lieu alternatif, né dans la mouvance de mai 1968, lui offrant l’espoir d’une nouvelle vie. Après un feuilleton qui a duré des années, le collectif La Clef Revival a annoncé mercredi avoir signé le rachat du cinéma, moyennant un total de 2,7 millions d’euros.

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L’aboutissement d’un feuilleton de six ans, pour l’un des rares lieux culturels alternatifs et indépendants à subsister au cœur d’un Quartier latin où le bouillonnement intellectuel des années 1970 a peu à peu laissé place à la spéculation immobilière. Et un symbole pour la Ville Lumière, championne du nombre de salles de cinéma par habitant, une semaine après la fermeture de l’UGC Normandie sur les Champs-Élysées.

À l’écart des grands circuits, La Clef s’est fait une place à part en offrant une visibilité à des cinéastes africains, asiatiques ou sud-américains peu programmés ailleurs. Et compte bien rester un cinéma militant, pas comme les autres, “lieu de diffusion de films rares”.

Ceux “qui le souhaitent pourront rejoindre le collectif (d’usagers), apprendre à organiser une projection et proposer un film”, promettent les repreneurs, qui ont conclu un accord avec le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) pour légaliser leur pratique, hors du commun dans le monde du cinéma, de séances à prix libre.

Un montage complexe inspiré de l’économie coopérative, avec une société foncière spécialisée et deux collèges d’administrateurs, doit permettre de “sortir durablement le cinéma La Clef du marché immobilier”, et d’assurer son indépendance à long terme.

Occupations, bras de fer politiques, pétitions : la mobilisation des amis de La Clef, qui ont su fédérer autour d’eux le gratin du cinéma d’auteur français, d’Olivier Assayas à Agnès Jaoui, en passant par Noémie Lvovsky, a fini par payer.

“Ouverture éclair”

Plus d’une fois ces six dernières années, depuis que le Conseil social et économique (CSE) de la Caisse d’Epargne Île-de-France, propriétaire des murs, a décidé de vendre les lieux, la cause a semblé désespérée.

D’anciens salariés de la salle, entourés de cinéphiles, ont mené la fronde, refusant la vente et finissant par occuper les lieux. Leur mobilisation a triomphé des dissensions internes, des confinements, d’une expulsion par la police et des assignations en justice. Ils avaient même fait barrage à un projet de reprise du Groupe SOS, l’une des plus grosses associations de l’économie sociale et solidaire, qui était prête à y consacrer 4,2 millions d’euros, craignant qu’il ouvre la porte à la spéculation et que le cinéma y perde son âme.

Pendant son combat, La Clef a même reçu le soutien de Martin Scorsese, qui s’était fendu l’an dernier d’une vidéo et d’une tribune dans Libération pour soutenir la reprise de la salle. “L’histoire de La Clef doit être préservée d’autant plus précieusement qu’elle a été ramenée à la vie par des personnes qui se sont réunies pour l’amour du cinéma et la liberté qui en découle. La Clef doit rester une salle de cinéma”, y clamait la légende de Hollywood.

Au total, les amis de La Clef ont pu réunir 2 millions d’euros de dons : 400 000 euros grâce à une campagne de financement participatif réunissant 5 000 donateurs, parmi lesquels les cinéastes Leos Carax, Céline Sciamma ou Mathieu Amalric. Une vente d’œuvres d’art au Palais de Tokyo, à laquelle a contribué notamment David Lynch, a aussi été organisée. Les repreneurs remercient également leurs mécènes, citant La Caisse d’Epargne, Cédric Klapisch et même Quentin Tarantino.

Le parcours d’obstacles n’est toutefois pas terminé. Après une “ouverture éclair” de quatre jours à partir du 27 juin, le lieu aux murs décatis et aux sièges fatigués doit encore réunir 600 000 euros pour des travaux de mise aux normes obligatoires, censés durer un an.