Entre BoJack Horseman et Severance, Carol et la fin du monde rend (presque) douce l’apocalypse

Entre BoJack Horseman et Severance, Carol et la fin du monde rend (presque) douce l’apocalypse

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Par Delphine Rivet

Publié le

Une série Netflix pour les introverti·e·s qui fait un gros doigt d’honneur à l’adage “carpe diem”.

Vous feriez quoi, vous, si on vous annonçait qu’il ne restait que quelques mois avant la fin du monde ? Vous vous lanceriez enfin dans un tour du monde ? Tenteriez le trouple sans peur du jugement ? Crameriez tout (oh là, on se calme, on n’est pas dans The Purge !) ? Carol Kohl (doublée par la voix monotone de Martha Kelly), 42 ans, une femme introvertie ordinaire à la vie toute aussi ordinaire, n’en sait foutre rien. Parce que oui, le compte à rebours a commencé : dans sept mois, une mystérieuse planète aux reflets verts du nom de Kepler va entrer en collision avec la Terre et ce sera la fin de tout.

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Pendant que toutes les inhibitions volent en éclats, la population se gave d’hédonisme à la “Eat, pray, love”. Mais Carol n’a faim de rien. Elle ne sait pas du tout quoi faire de cette soudaine liberté illimitée. Elle va essayer de trouver du sens à son existence dans le plus insignifiant des contacts humains dans, paradoxalement, le lieu le plus déshumanisant qui soit : un énorme bâtiment administratif où des employé·e·s travaillent, tapotent sur leur ordinateur, impriment des documents, sous l’œil inquisiteur des managers… mais le silence y est monacal. On se croirait dans Severance.

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Personne ne se parle, si ce n’est pour délivrer des instructions. À l’aube de l’apocalypse, quand tout part à vau-l’eau, ils résistent avec la seule normalité qu’ils connaissent dans un métier qui garde d’ailleurs tout son mystère. Carol se fait immédiatement embaucher, sans rien comprendre au job, si ce n’est qu’elle doit changer le toner d’une imprimante en rade.

En quête de quoi ?

La voilà en mission, et elle va tout donner pour trouver ce foutu machin, chevauchant sa moto de ville en ville, de supermarchés dévalisés en Bricorama à l’abandon. Est-ce ça, le sens de sa vie ? Ou peut-être est-ce ce banana bread qu’elle amène un jour au bureau et dont elle propose une tranche à l’une de ses collègues ? Elle se met à fantasmer une amitié naissante et cette complicité imaginaire lui réchauffe soudain le cœur.

Kepler, plane sur la série comme l’ombre à la fois menaçante de la destruction imminente et une douce délivrance. Chacun sa quête : à poil, en parachute, en plein trip d’ayahuasca, en surf sur la plus pure vague du monde… Carol et la fin du monde propose un autre chemin, une autre vision de l’apocalypse, et donc des instants de vie qui la précèdent. Plus apaisée, entre la lutte absolue pour la survie et un carpe diem à tout prix, c’est la voie du milieu. Ni rage, ni ambition, ni recherche du bonheur absolu, juste une mélancolie enveloppante, à la BoJack Horseman, un ennui presque rassurant.

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La série ne nous demande pas quelles grandes aventures nous serions prêt·e·s à tenter si demain était notre dernier jour, mais nous exhorte à cultiver le peu que l’on a. Pour Carol c’est, par exemple, de fouiller dans les boîtes des objets perdus et s’émouvoir de l’histoire qui peut se cacher derrière. Pour sa collègue Donna, c’est comprendre qu’elle aurait dû passer plus de temps avec ses enfants.

Unique en son genre, cette minisérie en dix épisodes créée par Dan Guterman et animée par Bardel Entertainment (le studio qui nous a pondu Rick et Morty) sait nous faire sourire, bien sûr, mais elle n’a pas peur de sa propre noirceur par moments. Contemplative, elle se refuse à en faire des caisses et à sombrer dans le pathos. De toutes les fins du monde que la réalité ou la fiction ont pu nous prédire, c’est sans aucun doute celle-là que l’on préfère.

Les dix épisodes de Carol et la fin du monde sont disponibles sur Netflix.