Au cinéma, la rupture est un marronnier. Et si les films de divorce — le culte Kramer contre Kramer, l’émouvant Blue Valentine, l’éprouvant Mariage Story — font depuis longtemps recette, plus rares sont ceux qui nous font voir le verre à moitié plein. Pourtant, en 2012, une petite pépite indépendante parvenait à traiter du douloureux sujet du divorce avec justesse et humour, mais sans le happy ending de rigueur.
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Dans Celeste and Jesse forever, premier long-métrage de Lee Toland Krieger, les merveilleux Rashida Jones et Andy Samberg, à l’alchimie évidente, incarnaient le couple fraîchement divorcé du titre en lutte pour conserver la précieuse amitié qui les lie. Jesse et Celeste sont ex-mari et femme, meilleurs amis et partagent tout, leur humour adolescent et le même toit. Prévisionniste de tendances dans une boîte de communication, elle vit dans leur ancienne maison ; artiste fainéant et sans le sou, il vit dans leur garage aménagé.
Leurs amis communs, exaspérés de ne pas les voir changer leurs habitudes malgré leur séparation six mois plus tôt, vont les mettre face à leurs contradictions, tandis que de nouveaux amours mettront à mal leur amitié. S’il y a de la comédie et du romantisme dans Celeste and Jesse forever, il n’est pas ici question de reconquérir l’être qui fut aimé mais de se séparer dans les meilleures conditions possibles.
Toute la tristesse d’une séparation parfaite
L’atout principal du film est son casting qui sait nous convaincre de la beauté son histoire d’amour passée en deux blagues en dessous de la ceinture. À notre droite, Rashida Jones, quintessence du cool, savant mélange de talent, d’humour et de capital sympathie. L’actrice bien trop sous-estimée est un poids lourd des séries et figure notamment au casting de The Office et Parks and Recreation, deux des meilleures comédies de l’histoire du petit écran.
Mais après avoir incarné la meilleure amie ou la petite amie par défaut, l’actrice a décidé de se composer un rôle sur mesure, comme l’avait fait Kristen Wiig l’année d’avant avec l’inégalable Bridesmaids. C’est ainsi qu’elle a coécrit le scénario de Celeste and Jesse Forever avec l’acteur Will McCormack, son partenaire créatif et ex-petit ami, bien que leur “forever” à eux n’ait duré que trois semaines.
À ma gauche, Andy Samberg, le cool kid de la comédie américaine et faux crétin de Hollywood, qui après les parodies de The Lonely Island, les pitreries du SNL et son rôle de sale gosse volontairement provocateur mais appliqué et passionné par son métier de flic dans Brooklyn Nine-Nine, tenait ici son premier rôle “dramatique” mais non sans humour et répartie. Jones et Samberg avait déjà partagé l’affiche dans I Love You, Man, un parfait anti-buddy movie qui renversait les codes de la comédie romantique pour interroger les amitiés masculines.
Car derrière une façade inoffensive, Celeste and Jesse forever soulève des problématiques justes et bien réelles sur les ruptures. Comment se comporter avec l’ex en question quand la cause de la rupture n’est ni une faute impardonnable ni même un manque d’amour, mais plutôt des divergences d’aspirations et de mode de vie ? Comment refaire sa vie quand son ex est son/sa meilleur(e) ami(e) ? Comment faire quand quitter implique de perdre son partenaire de vie et son principal repère ? Car si le film nourrit volontairement l’espoir d’une deuxième chance pour ces deux êtres à la douce alchimie, il n’y aura aucun retour en arrière et Celeste et Jesse finiront par signer les redoutés papiers de divorce.
Sous des airs de comédies romantiques indé, Celeste and Jesse forever est en réalité une très belle œuvre sur la fin du couple qui, sans cris, pleurs et dramatisation excessive, nous fait ressentir toute la tristesse et le gâchis d’une séparation que même les principaux concernés considèrent comme parfaite. Sans révolutionner totalement le genre, le long-métrage de Lee Toland Krieger comble un manque dans la représentation du spectre amoureux à l’écran et nous raconte avant tout l’histoire d’un homme et d’une femme liés par un profond respect mutuel, même quand amour et mariage ne sont plus.