La souffrance liée au deuil nous ôte parfois les mots de la bouche sans que l’on ne sache expliquer ce que l’on ressent. “Un seul être vous manque et tout est dépeuplé”, écrivait le poète et dramaturge romantique Alphonse de Lamartine. Et si, grâce à l’art, il devenait alors possible de traverser ce manque en l’exprimant autrement ? C’est le but même de l’art-thérapie. Celui-ci tente de résoudre et de trouver des clés face à la douleur à travers l’expression artistique.
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Par le biais de représentations métaphoriques ou réalistes, l’artiste tente de surpasser les émotions que provoque la perte d’un être cher en créant, comme une sorte de réalisation cathartique. Une création artistique évoquant le deuil permet de continuer à faire vivre la personne défunte dans notre mémoire, de laisser une trace d’elle en nous pour toujours. L’œuvre d’art agit telle une sorte de devoir de mémoire, dans le but de ne jamais oublier.
Il est aussi possible d’appréhender sa propre mort, à l’instar du projet 7 Deaths of Maria Callas de l’artiste Marina Abramović, à travers lequel l’artiste met en scène son décès au cours d’une performance de 75 minutes. Elle décède donc sept fois pour rendre hommage à la cantatrice grecque Maria Callas, victime d’une crise cardiaque en 1977.
De nombreux·ses artistes ont donc tenté cette approche, celle d’être accompagné·e·s par l’art pour s’en sortir. À l’image du projet bouleversant de Nobuyoshi Araki, qui a documenté la fin de la vie de sa femme, Aoki Yoko, atteinte d’un cancer. Au sein de plusieurs séries photo nommées Sentimental Journey, Winter Journey et Sentimental Sky, Araki fait vivre le fantôme de sa femme en la photographiant continuellement mêlant images de vie commune et post mortem.
On y retrouve des photos de leur mariage, son épouse assise sur un lit ou leur chat dans ses mains. Ces clichés en noir et blanc révèlent la simplicité de la vie, des moments partagés qui prennent toute leur importance une fois la personne disparue. On accompagne le photographe dans son deuil, nous aussi, en nous émouvant face à une photographie de sa femme dans son cercueil.
Sa tête, illuminée, la transforme en figure de pureté. Les mains de ses proches, posées sur son corps couvert de fleurs, apporte un degré d’intimité. Le photographe tente ici de se relever courageusement de son deuil grâce à ses souvenirs figés par ces monochromes. Il ne laisse donc pas sa femme mourir, il la fait vivre à tout jamais à travers son objectif.
Pablo Picasso
La perte d’un proche a poussé Picasso à entrer dans ce qu’on appelle sa période bleue. Affecté par le suicide de son ami Carlos Casagemas, le peintre espagnol se lance dans une série de peintures aux nuances de bleu, imageant sa douleur et mélancolie. C’est le cas d’Autoportrait, réalisé en 1901, dans lequel Picasso se représente âgé alors qu’il n’avait que 20 ans lors de la réalisation de ce tableau.
Pablo Picasso, Autoportrait, 1901. (© Musée national Picasso, Paris)
Il en est de même pour l’artiste Sophie Calle, qui a documenté la fin de vie de sa mère en vidéo. Atteinte d’une maladie incurable, elle est allongée dans un lit, entourée d’une lumière bleutée. Dans Pas pu saisir la mort, Sophie Calle traverse les derniers instants de sa mère avec le monde entier. Cette vidéo de onze minutes nous laisse entendre les derniers mots de la mère de Sophie Calle, qui resteront à jamais gravés dans cette vidéo. Donnant l’impression d’ouvrir un journal intime, l’artiste nous laisse observer la réalité de la vie.
Et bien d’autres…
L’art permet de surpasser les difficultés de la vie. En dehors de ces quelques projets présentés sur le deuil, ces artistes ne sont pas les seul·e·s à avoir eu le besoin de mettre des images sur leur tragédie. On vous propose donc de jeter un œil ici pour contempler des séries photo racontant l’amour et le deuil, là pour découvrir la série photo d’Oleñka Carrasco qui raconte le deuil de son père et son exil, et enfin ici pour découvrir le puissant projet de Lebohang Kganye, qui se projette dans les photos de sa mère disparue.