Il a déféqué en public et dénoncé le nazisme : qui est Günter Brus, “l’enfant terrible” de l’art contemporain ?

Il a déféqué en public et dénoncé le nazisme : qui est Günter Brus, “l’enfant terrible” de l’art contemporain ?

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© Imagno/Getty Images

Sa dernière performance aura lieu en 1970 à Munich, quand il se lacère la peau à coups de lame de rasoir.

Deux expositions en Autriche célèbrent les 85 ans de l’enfant terrible de l’art contemporain Günter Brus, dernier membre vivant de l’actionnisme viennois, un mouvement radical et provocateur d’après-guerre, nourri du refoulement du nazisme. “Günter Brus est certainement l’un des rares artistes autrichiens à avoir une telle envergure internationale. Il est impossible d’imaginer l’histoire de l’art sans lui”, résume Roman Grabner, directeur d’un musée consacré à son œuvre à Graz.

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C’est dans cette ville de la région orientale de Styrie que vit aujourd’hui l’octogénaire. Une rétrospective y est présentée à l’occasion de son 85e anniversaire, tout comme des dizaines de ses travaux dans une galerie de Vienne. Né le 27 septembre 1938, Günter Brus est le seul des quatre performeurs de l’actionnisme encore en vie. Avec Otto Mühl, Hermann Nitsch et Rudolf Schwarzkogler, il a fondé dans les années 1960 “le body art, comme on l’a appelé par la suite”, explique M. Grabner. “Il a également franchi une étape plus radicale en renonçant à tous les matériaux de peinture et en ne travaillant qu’avec son propre corps, jusqu’au point de rupture.”

Dans l’une de ses actions les plus marquantes, il a traversé Vienne entièrement recouvert de peinture blanche et coupé en deux par une ligne noire, avant d’être arrêté par la police. “La marche viennoise de Günter Brus, sous les traits d’un homme de porcelaine, est emblématique du fossé de la société autrichienne d’après-guerre”, décrypte l’expert. Il a aussi uriné, déféqué et s’est masturbé en public tout en chantant l’hymne national. C’est une radicalité peu goûtée en son temps, qui lui vaudra une condamnation à six mois de prison pour “outrage aux symboles de l’État”. Pour échapper à cette peine, l’artiste partira en cavale en pleine nuit avec sa femme Anna et leur petite fille, se réfugiant en 1969 à Berlin où il restera quelques années.

“En Autriche, on ne pouvait plus rien faire”, s’est-il justifié lors d’un entretien accordé au musée viennois du Belvédère en 2018. “Le système nous considérait comme des fauteurs de troubles, on était dans le viseur, dévisagés dans le tramway”, “insultés”, regrettera-t-il, visiblement encore marqué. Sa dernière performance aura lieu en 1970 à Munich, quand il se lacère la peau à coups de lame de rasoir. Il trouve ses limites et “se rend compte qu’il ne peut continuer comme ça”. Il se consacre ensuite au dessin et à la peinture, tout en développant une œuvre littéraire tout aussi peu consensuelle.

Les actionnistes, recherchant un effet cathartique, sont aussi des enfants de la guerre qui ne supportent pas la société autrichienne, cachant sous les dorures pour touristes des palais impériaux ses crimes nazis jamais jugés. Selon Günter Brus, “Vienne, comme toute l’Autriche, était contaminée par des Nazis vieillissants”, alors que le pays natal d’Adolf Hitler a longtemps refoulé sa responsabilité, d’où la réaction extrême des actionnistes, aujourd’hui réhabilités par les historien·ne·s de l’art.