Immortalisant ses modèles sur de longues périodes, Rineke Dijkstra questionne la construction de l’identité

Immortalisant ses modèles sur de longues périodes, Rineke Dijkstra questionne la construction de l’identité

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© Rineke Dijkstra/Marian Goodman Gallery, Paris et New York

Focus sur l’œuvre de l’une des artistes néerlandaises les plus prolifiques de sa génération.

Dans sa série d’installations vidéo I See You, Rineke Dijkstra pose son objectif sur de jeunes écolier·ère·s, des artistes et performeur·se·s en apprentissage ou des visiteur·se·s d’exposition. Comment se construisent ces sujets, comment se présentent-ils aux autres et comment se regardent-ils ?

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C’est autour de cette question centrale et plurielle du regard que s’articule l’exposition à la Maison européenne de la photographie (MEP), visible jusqu’au 1er octobre 2023, qui présente quatre œuvres majeures de son projet I See You. Retour sur l’œuvre et la carrière de la célèbre photographe, réputée pour ses portraits contemporains et sa fine aptitude à capturer les émotions.

Un univers visuel sensible

Née en 1959 aux Pays-Bas, Rineke Dijkstra se découvre rapidement une sensibilité artistique et étudie à la Gerrit Rietveld Academie d’Amsterdam, une école spécialisée dans les arts visuels et le design. Étudiante de 1981 à 1986, elle inaugure sa première exposition solo en 1984, dans une galerie de la capitale, avant de choisir une carrière de photographe indépendante au cours de laquelle elle collabore avec des agences de publicité, des entreprises et des magazines.

Image de Ruth Drawing Picasso, 2009, 6’33”. (© Rineke Dijkstra/Marian Goodman Gallery, Paris et New York)

En 2017, la Néerlandaise remporte le prix international de la Fondation Hasselblad, qui récompense chaque année un·e photographe pour son œuvre remarquable. En une trentaine d’années, la portraitiste aux influences classiques s’est imposée avec son univers visuel qui sublime la sensibilité et la construction identitaire.

Identité, vérité et intimité

La question de l’authenticité et de la capture d’instants de vérité dans le travail de Dijkstra survient au début des années 1990. Souffrant d’une fracture de la hanche, elle se choisit alors pour sujet et se photographie durant sa rééducation : sur les photos, Rineke Dijkstra se découvre sans filtre et sans contrôle sur sa propre image, et se met en quête d’instants fugaces et authentiques.

On retrouve cette volonté dans sa série Portraits de plage, ou Beach, dans laquelle la photographe réalise des portraits d’ados sur les plages d’Ukraine, de Pologne, du Royaume-Uni et des États-Unis. Les sujets, en maillot de bain, braquent leur regard sur l’objectif mais ne s’encombrent pas du traditionnel “sourire photo”. Sur fond d’eau iodée, ces images à la mise en scène discrète revêtent une dimension quasi mystique et valent à Rineke Dijkstra d’entrer dans au MoMA.

Image d’Anna, The Gymschool, 2014, 15’16”. (© Rineke Dijkstra/Marian Goodman Gallery, Paris et New York)

De la peinture classique à la vidéo

Motivée par le désir de saisir le paradoxe entre l’identité et la mise en scène de soi, la photographe s’attarde ensuite sur l’épuisement des toreros à la fin de leurs représentations dans son projet Bull-fighters, puis sur les émotions qui submergent les jeunes mères après l’accouchement en les faisant poser debout contre un mur de la maternité.

À travers ses sujets et ses choix de composition de l’image, la Néerlandaise raconte des histoires de vie, des moments de mutation intimes et le passage du temps sur l’individu, à l’instar de l’adolescence. Influencée par les maîtres de la peinture néerlandaise, Rineke Dijkstra puise son inspiration dans les toiles de Vermeer, Rembrandt ou Verspronck. Une influence que l’on retrouve dans la posture figée et le calme apparent, presque flottant, de ses sujets.

Image d’Eva, The Gymschool, 2014, 15’16”. (© Rineke Dijkstra/Marian Goodman Gallery, Paris et New York)

C’est au milieu des années 1990 que Rineke Dijkstra réalise ses premières œuvres vidéo, notamment The Buzzclub, Liverpool, UK/Mysteryworld, Zaandam, NL, qui suit deux fêtards habitués à sortir en club sur deux ans. À Paris, la MEP expose ainsi une sélection d’installations photo et vidéo de son œuvre I See You, réalisée en 2014, qui questionne et sublime à nouveau l’identité, le contrôle de soi et les bouleversements intimes.

Parallèlement à Rineke Dijkstra, la MEP présente une série d’œuvres de la plasticienne suisse Maya Rochat, dont le travail croise plusieurs médias comme la photographie, la vidéo, la peinture, l’installation et la performance. Pour cette première grande exposition dans l’Hexagone, l’institution parisienne revient sur le parcours artistique de Maya Rochat et dévoile une série de ses montages saturés et expérimentaux, directement inspirés par la nature.

Maya Rochat, Ma tête à couper (Palma), 2012.

L’exposition “I See You” de Rineke Dijkstra est visible jusqu’au 1er octobre 2023 à la Maison européenne de la photographie, à Paris.

Konbini, partenaire de la Maison européenne de la photographie.