“Nous devons maintenant accomplir la promesse de l’Amérique en faisant confiance à Dieu, en unifiant nos visions et en bâtissant notre avenir. Je suis candidat à la présidence des États-Unis !” Voici le message posté par Kanye West sur son prolifique compte Twitter dimanche 5 juillet. La nouvelle a bien sûr immédiatement fait le tour du monde, et il est encore difficile de juger le sérieux de cette annonce.
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Pourtant, le timing a de quoi surprendre. Si le rappeur originaire de Chicago a toujours fait savoir qu’il aimerait un jour briguer la Maison-Blanche, l’élection présidentielle 2024 paraissait être celle cochée sur son calendrier pour monter une candidature crédible. Il faut dire qu’il est un fervent soutien de Donald Trump, qui a remporté l’élection de 2016 et qui se représente à celle de 2020 – celle à laquelle Kanye West voulait initialement se présenter.
Mais au-delà de ça, le chanteur américain s’y prend un peu tard. Comme nous l’apprend Consequence of Sound, ce sera déjà très compliqué pour Yeezy d’un point de vue simplement technique. Avec cette annonce très tardive, le mari de Kim Kardashian a manqué la date limite pour plusieurs bulletins de vote d’État. C’est-à-dire que, comme l’artiste ne sera ni le candidat du parti démocrate ni celui du parti républicain, il devra se présenter comme candidat indépendant ou tiers.
Techniquement compliqué
Un statut qui ne lui permet pas d’avoir automatiquement son nom sur les bulletins de chaque bureau de vote américain. Chaque État du pays de l’oncle Sam dispose de ses propres règles en la matière, la plupart exigeant un certain nombre de signatures. Avec, bien sûr, une date limite pour chacun d’entre eux. Par exemple, pour l’Indiana, le Nouveau-Mexique, New York, la Caroline du Nord et le Texas, les inscriptions sont déjà finies. Kanye West, s’il va au bout de sa démarche, n’aura pas de bulletin à son nom dans les bureaux de vote de ces différents États.
Comme le précisent de nombreux spécialistes de la politique américaine, obtenir assez de signatures pour être reconnu comme candidat dans un État est une tâche déjà ardue. Mais surtout, cela nécessite beaucoup de temps. Or, le délai, quand il n’est pas déjà passé, est extrêmement court. Pour la Floride, le Michigan, l’Oklahoma et la Caroline du Sud, il ne reste plus que deux semaines avant la date butoir. Si le nom de Kanye West ne figure pas sur le bulletin de vote d’un État, les électeurs devront alors spécifiquement écrire son nom sur un bulletin afin de voter pour lui – ce qui représente logiquement un énorme handicap.
De plus, il faut beaucoup de fonds financiers pour se lancer sérieusement dans une telle démarche politique. Malgré le soutien affiché par Elon Musk, celui qui a sorti son album gospel Jesus Is King en octobre dernier ne dispose officiellement d’aucune équipe et infrastructure nécessaires. Même si le contre-exemple Donald Trump est passé par là entre-temps, cela semble très léger pour rivaliser avec les autres candidats. D’autant plus que l’actuel président des États-Unis avait tout de même, au moment de sa campagne, un squelette de programme politique.
Des projets en pagaille
Cependant, il y a tout de même quelques notes d’optimisme. Avec sa fortune amassée au cours de ses vingt ans de carrière, Kanye West est officiellement milliardaire depuis le début de l’année et peut potentiellement s’autofinancer, un luxe que n’ont pas de nombreux candidats.
Avec sa femme Kim et tout le clan Kardashian, il dispose d’un empire médiatique à sa portée, que ce soit grâce aux réseaux sociaux ou aux relais des médias concernant son actualité. Au cours de sa carrière, le rappeur s’est également fait un bon paquet d’amis influents, ce qui est toujours un point important avant de se lancer en politique. De quoi attirer la curiosité et une potentielle base d’électeurs… Mais est-ce suffisant pour devenir président ? Jusqu’ici, tous les spécialistes de la politique américaine – comme ceux interrogés par 20 minutes – s’accordent sur une réponse claire : non.
De plus, l’artiste multiplie les projets récemment. En l’espace d’une semaine, il a annoncé un nouvel album nommé God’s Country en dévoilant un nouveau single en featuring avec Travis Scott dans le clip survolté de “Wash Us in the Blood”, dévoilé les premières images de sa série animée Kids See Ghosts avec son comparse Kid Cudi, mais surtout signé un contrat de dix ans pour une collaboration exclusive avec la marque de vêtements Gap. La gamme Yeezy de Gap devra être lancée dès début 2021, et l’entreprise espère que les produits designés par Kanye West généreront au moins un milliard de dollars au cours des cinq prochaines années.
Autant dire que, même pour Yeezus, il y a beaucoup de pression derrière cet accord. D’autant plus qu’être le directeur créatif de Gap a toujours été le rêve de Kanye West et il semble inenvisageable de l’imaginer laisser tomber ce projet, même pour devenir président des États-Unis. Pour les mauvaises langues, cette candidature inattendue est aussi un moyen de promouvoir tous ces projets, à commencer par son nouveau disque à venir.
2024 dans le viseur ?
Et puis il y a tout simplement la personnalité de Kanye West qui peut rebuter nombre d’électeurs. Bipolaire notoire et revendiqué, le rappeur est un habitué des contradictions et réagit souvent de façon impulsive. Pas forcément le profil type idéal pour devenir président d’une des nations les plus puissantes au monde, me direz-vous.
De plus, s’il s’est parfois engagé contre le racisme, il a également qualifié l’esclavage de “choix” et s’est souvent affiché avec des personnalités réactionnaires de droite (très) conservatrices. Son positionnement sur l’échiquier politique américain est donc assez flou – un peu comme sa musique qui, fondamentalement, oscille en fonction de ses différentes phases artistiques.
Il est donc fort possible que cette candidature tardive de Kanye West n’aboutisse pas à grand-chose, si ce n’est d’entretenir l’actualité autour de sa personne. Ses chances pour 2020 semblent minimes, mais peut-être est-ce là un moyen de promouvoir massivement ses nouveaux projets extra-politiques, et peut-être, qui sait, de se préparer au mieux pour l’élection présidentielle de 2024.