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La douloureuse histoire des pieds bandés, ou quand la Chine aimait les femmes aux pieds minuscules

La douloureuse histoire des pieds bandés, ou quand la Chine aimait les femmes aux pieds minuscules

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Par Coumbis Hope Lowie

Publié le

Pendant près d’un millénaire, des Chinoises se sont mutilées pour trouver un mari et avoir une descendance heureuse. Et ça, malgré la douleur et la mort.

Parfois l’idée de la beauté peut paraître étrange vue de l’extérieur. Comme à l’époque où toute une partie des Japonaises se noircissaient volontairement les dents ou quand, au Moyen Âge, les femmes nobles se rasaient le début du cuir chevelu parce qu’on les aimait au front haut.

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Mais à travers le monde, il y a eu des tendances beaucoup plus difficiles à réaliser, et beaucoup plus douloureuses. Comme celle des pieds bandés en Chine.

Une légende chinoise raconte que cette coutume remonte au Xe siècle, lorsque l’empereur a demandé à sa concubine de se bander les pieds pour exécuter la danse du lotus. Avoir les pieds bandés ne permet pas de faire des mouvements trop brusques ou rapides, alors la danse est lente et délicate. Une véritable parade amoureuse qui ne manquait jamais d’exciter l’empereur. C’était une sorte de préliminaire. Il y a aussi une légende, un peu plus osée, qui dit que les pieds bandés avaient pour but de resserrer les parois du vagin, mais on n’a pas creusé cette théorie plus que ça.

En tout cas, ce qui était au départ un fétichisme sexuel est devenu une vraie tradition et un marqueur d’une haute position dans l’échiquier social. Les hommes riches voulaient des femmes aux petits pieds, les mamans ont donc commencé à bander ceux de leurs filles.

La torture commence à l’âge de 6 ans. Les pieds sont trempés dans de l’eau chaude pour les ramollir et l’emballage commence.
Le but est d’avoir un pied semblable à un bouton de lotus. Alors, on recourbe le gros orteil, on plie la plante (et, parfois, on la brise) et on plaque les autres orteils contre le plat du pied.

À chaque fois qu’on resserre les bandelettes, on se rapproche un peu plus de la forme triangulaire désirée. Cependant, le résultat ne doit pas faire plus de 7 centimètres, parce que plus le pied est petit, plus la jeune femme a des chances de faire un bon et prolifique mariage.

En revanche, avant les noces, il y a les douleurs, qui sont horribles et constantes. Certaines souffrent de nécrose, de lésions, d’infection… Et 10 % d’entre elles meurent de septicémie ou à la suite de fortes fièvres.

Mais pourquoi souffrir autant ? Pour plaire aux hommes, bien sûr ! Dans l’imaginaire masculin de l’époque, la femme chinoise doit être discrète, menue, délicate, et on ne doit pas trop la voir en dehors de la maison. Alors, les mini-souliers, parfois considérés comme des prisons, sont le chic par excellence. Et comme un vrai truc de riches.

Les femmes aux pieds bandés ne peuvent pas rester debout ou dehors trop longtemps. Elles sont donc complètement à la merci de leur mari et elles ne peuvent pas non plus se permettre de faire les tâches ménagères. Et là-bas, c’est tant mieux, parce que les femmes riches ont des domestiques pour ça.

Quand les familles pauvres se sont aussi mises au bandage des pieds, les femmes devaient continuer à rapporter de l’argent. Alors, les mutilées passent leurs journées à coudre des souliers, des vêtements ou des filets de pêche.

Au fil des années, cette tradition est de plus en plus considérée comme de la torture, et des femmes se battent pour l’abolir. Mais comme elle reste la promesse d’un bon mariage, une descendance aisée et un culte pour les ancêtres, les familles s’y accrochent. Alors, quand la pratique des pieds bandés est officiellement interdite en 1912, elle continue, un petit temps, en cachette.

Les survivantes racontent qu’elles ont bravé les interdictions et la douleur parce que, pour elles, ça restait la forme ultime de la féminité et la promesse d’un bonheur éternel. Et, à l’époque, il valait mieux souffrir le martyre que d’être une femme sans mari.