La Récupératrice, chapitre 20 : serment

La Récupératrice, chapitre 20 : serment

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©chario spirale

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Par François Faribeault

Publié le

Découvrez la fin de notre saga de science-fiction.

En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).

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Contrairement aux mots de Calice, ceux de Thara faisaient écho à la mémoire d’Ana. Aucun souvenir ne remontait, mais elle les savait vrais. Sous le poids de ces révélations, ses genoux s’étaient plantés dans le sol telles des enclumes.
— Alors… c’est… c’est tout ce que je suis… juste une folle… un monstre. Combien de vies ai-je détruites ? Combien d’âmes d’innocents ai-je emportées ? Je ne mérite pas de vivre.

Ana ne sentait plus son corps. Elle avait l’impression que chacune des vies qu’elle avait enlevées remontait à la surface pour la tirer vers les profondeurs du désespoir.
— Non Ana, intervint Thara. Tu es à mille étoiles de la reine tyrannique que tu fus. Voilà cinquante années que tu fais le bien autour de toi, et tu le fais si bien Ana. Tu l’as peut-être oublié, mais tu es en train de réparer des siècles de destruction. Tu sais, c’est la quatrième fois que je te révèle la vérité. Les trois fois précédentes, tu n’as pu l’encaisser. Tu as choisi de tout oublier, mais cette fois-ci je suis certaine que tu peux vivre avec. Je suis certaine que tu peux faire le bon choix.
— Elle ment, la coupa Clarice. Elle te vomit son baratin pour te garder sous sa coupe. La vérité, c’est qu’elle t’a traitée comme une esclave. Si elle pensait vraiment que tu pouvais vivre avec cette vérité, elle ne t’aurait pas fait le coup du gaz.
— Ana, tu es la Récupératrice.
— Non Ana, tu es la Déesse de la Galaxie.
— Tu es quelqu’un de bien.
— Tu es l’être ultime.

Cependant, Ana n’écoutait plus. Aucun mot ne lui parvenait. Aucun mot n’aurait pu la sortir de l’abîme dans lequel elle se trouvait. Ana blottit sa tête dans ses bras et posa son front à terre. Les larmes ne cessaient de couler le long de ses joues.

Thara s’avança vers son amie. Calice fit de même. Leurs attentions quittèrent Ana pour se porter l’une sur l’autre.
— Calice, tu l’accompagnes depuis un moment maintenant. Tu as vu ce dont elle était capable. Ensemble, nous pouvons lui faire comprendre qui elle est au fond d’elle-même.
— Cesse tes mensonges, Thara. Au fond d’elle-même, elle est notre Déesse. Elle l’a été pendant mille ans, ce n’est pas cinquante années de bonnes actions qui peuvent la changer. Elle devrait régner sur tout ce qui vit et pas répondre aux ordres d’une traîtresse.

Calice tira son épée du fourreau. Elle savait qu’Ana n’était plus en état de l’en empêcher.
— Tu veux te battre Calice ? À quoi bon ? Je ne me bats plus. J’ai abandonné mon serment lorsque j’ai juré fidélité à l’Impératrice.
— Tu n’es plus immortelle ?
— Ça a pris du temps pour mon âme, de la discipline pour mon corps et de la résilience pour mon esprit, mais ça valait le coup. L’éternité ne sert aucun dessein moralement bon. Il était temps que j’offre un début de terme à ma vie.
— Grave erreur.
Calice bondit en avant. L’instant d’après, sa lame transperça le cœur de Thara. Son cri de douleur sortit Ana de sa torpeur.
— Des années que j’attendais ce moment, se délecta Calice. Des années que je désirais abattre celle qui avait tout gâché.
— Non… murmura Ana. Thara…

Ana se releva tant bien que mal. Ses jambes tremblaient, mais elle couvrit la distance qui la séparait de son amie. Elle l’attrapa alors que celle-ci s’écroulait, le corps en sang.
— Non attends, ne meurs pas. Je suis désolée. Attends, je vais te soigner.
Ana posa ses mains sur le torse de Thara, mais rien n’en jaillit. La lumière n’était plus. Ana réessaya à nouveau mais toujours rien. Paniquée, elle secoua ses mains.
— Attends Thara, je vais te soigner. Je vais te soigner. Ne meurs pas.
— Ana, c’est moi qui suis désolée, déclara Thara en saisissant sa main. J’avais peur de toi. Peur de ta puissance. Peur de ta violence. J’aurais dû essayer autre chose que la manipulation. J’aurais dû te faire confiance.
— Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mes pouvoirs ne marchent pas.
— Tu sais Ana, c’était la première fois que tu venais chez moi. J’aurais aimé que ça se passe autrement.
Ana continuait de presser ses mains sur le torse de son amie, mais rien n’y fit. Ses pouvoirs ne fonctionnaient plus, et la lumière présente dans les yeux de Thara disparut.

Quelque chose se brisa.

Ana n’était pas triste, ni en colère d’ailleurs. Elle ne ressentait rien. Plus rien. Tout comme ses pouvoirs, ses émotions semblaient s’être évaporées. Elle était devenue une coquille vide.

Calice n’osa pas s’approcher d’elle et préféra garder une distance de sécurité.
— Thara devait mourir. Sans quoi elle aurait trouvé les mots pour t’endormir.
Ana ne réagit pas. Calice tenta quelques pas vers elle. Ne voyant aucune émotion se dessiner sur son visage, elle posa sa main sur son épaule.
— Suis-moi Ana. Ensemble, nous pouvons reprendre ce qu’on nous a dérobé. Nous pouvons tuer l’Empereur et faire plier l’Empire. La Galaxie est à portée de mains.
Toujours rien. Calice comprit que sa Déesse était ailleurs. Le choc de la révélation et la mort de son amie avaient fini par rompre quelque chose en elle.
— Ana ? Ana, tu m’écoutes ?
— Le fantôme du Comte, lâcha enfin Ana. Il m’a appelée Ana aussi. Il m’avait reconnue.
— Oui. J’ai volontairement apporté l’Unicube sur cette planète. Je devais savoir ce qui était arrivé à notre frère immortel.
— Je crois que… je suis fatiguée.
— Je comprends. Rentrons au vaisseau, tu as bien besoin de rep…
— Je suis fatiguée de me demander si certaines personnes méritent de mourir ou s’il faut prendre le temps de les accompagner vers une rédemption.
— Tu as raison. C’est beaucoup plus simple de les découper.
Ana se leva et s’avança vers Calice. La guerrière resta attentive. Elle s’attendait à toute réaction.

Ana tendit la main pour saisir l’épée de Thara, mais celle-ci recula d’un pas et pointa son arme vers son amie.
— Hey ! Qu’est-ce que tu fais ?
Ana s’avança de nouveau, sans craindre la lame lui faisant obstacle. Calice resta figée, craignant les conséquences de son acte. Elle n’oubliait pas qu’elle venait d’assassiner la seule amie de l’être le plus puissant de la Galaxie.

Ana ne s’arrêta pas. Ses pouvoirs s’activèrent, et l’épée comme le bras de Calice lui pénétrèrent la poitrine. Elle se rapprocha davantage et passa au travers du corps de la guerrière. Puis, une fois derrière elle, elle redevint tangible et enlaça Calice.

Avec force et douceur, elle saisit le bras tenant l’épée et le retourna vers elle. Calice tenta de retenir la lame se rapprochant de son cœur, mais elle était comme une enfant se débattant pour s’évader de l’étreinte de sa mère. C’était peine perdue.

Lentement, Ana referma son étreinte. La lame entra dans le torse de Calice et transperça son cœur avant de ressortir pour terminer sa course dans le corps intangible d’Ana.
— Ton chemin s’arrête ici Gladys.
— Comment savais-tu que mon épée était la seule à pouvoir…, tenta de rétorquer Calice en crachant du sang.
— Endors-toi guerrière. Puisses-tu trouver la paix que je n’ai pu t’offrir.

Pour la plupart, nous ne saurons jamais quels serments octroyaient l’immortalité aux Grand Dieux. Ni pour le Comte, ni pour Thara, ni pour les autres, mais celui de Calice résidait dans son épée. Seule son épée pouvait lui ôter la vie. Ana ne le savait pas, mais peut-être l’avait-elle su à une autre époque ?

Ana ne sut pas combien de temps elle resta sur cette colline de Clairri, entourée des corps sans vie de ses deux amies. Sa conscience revint au moment où elle s’assit sur le siège de pilotage de l’Unicube.

Si son corps paraissait exténué, son esprit, lui, demeurait vide. Ana ne ressentait rien sinon de la fatigue. Toujours pas de colère, de tristesse ou de joie, mais un besoin de repos.

En orbite de la planète, elle dut choisir une destination, mais où aller quand tout ce qui la retenait à la Galaxie n’était plus de ce monde ? Ana se souvint alors d’un détail extrait d’une conversation anodine au détour d’une mission sans importance. Elle se souvint d’une petite planète éloignée de tout conflit qui, malgré son histoire parsemée de chaos et de rebondissements, tenait toujours debout.

La Terre.

L’Unicube ferma ses portes et rétrécit jusqu’à tenir dans la main de sa propriétaire. Ana prit une grande bouffée d’air frais et sentit le vent lui caresser la peau. Elle avait laissé sa combinaison spatiale et son sac à dos dans le vaisseau afin de profiter de vêtements plus classiques. Évidemment, elle avait atterri loin de tout lieu habité. Ce n’était pas le moment d’alerter les Terriens qu’une vie extraterrestre existait.

Blottie dans une montagne et aux abords d’une rivière, Ana décida que ce petit espace vert conviendrait parfaitement à la construction d’un nouveau foyer. Une fois arrêtée sur la forme que prendrait sa maison, Ana observa son Unicube.

Elle le fixa quelques secondes, le tourna dans tous les sens puis, une fois prête, se mit à le résoudre. Elle commença par la face blanche, puis les faces de côté, avant de terminer par la jaune.

Lorsque l’Unicube fut complété, Ana serra le poing. L’Unicube se brisa. C’en était terminé du vaisseau spatial le plus abouti de la Galaxie et de toutes les merveilles qu’il contenait.

Il ne restait qu’une chose à réaliser pour qu’Ana trouve le repos. Elle se fit la promesse de ne plus jamais utiliser ses pouvoirs, ni son intangibilité, ni ses mains divines. Elle devinait qu’il était bien plus compliqué que ça de rompre un serment d’immortalité, mais c’était un début.

FIN

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