Amel ne se souvient plus très bien quand, ni comment, elle s’est mise à dessiner. Tout ce qu’elle sait, c’est que ses camarades du CP ont conservé les dessins qu’elle leur offrait déjà à l’époque. Elle se remémore également qu’en entrant au lycée, elle s’est essayée à la reproduction de photographies en s’inspirant des portraits de Nadine Ijewere.
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“C’est à ce moment-là que j’ai basculé vers ce qui me plaisait, j’aimais dessiner des personnes, j’en faisais des grandes aquarelles”, rembobine auprès de nous la peintre. Il s’avère que ce qui lui plaît, ce sont en majorité “des portraits de femmes”, un attrait que l’artiste lie à son “entourage très féminin”. “Je ne sais pas trop pourquoi, à la base, il n’y a rien de particulièrement engagé ou féministe [dans mon travail], c’est juste que je suis plus proche des femmes, elles m’inspirent plus”, nous dit-elle lors d’un entretien.
© Amel
Après les portraits de Nadine Idjewere et, plus jeune, les films de Hayao Miyazaki, Amel élargit ses “champs de recherche“. Elle se met à peindre des “filles [qu’elle suit] sur les réseaux”, des amies, des femmes qui l’inspirent et qui l’entourent. Lorsqu’elle expose (comme récemment, aux ateliers du 59 Rivoli), le public lui fait souvent la remarque, élogieuse, de la diversité des personnes représentées, comme si cela était un parti pris : “Ça ne m’a pas dérangé qu’on me colle cette étiquette, au contraire, mais ce sont les gens qui m’ont fait cette interprétation, moi, à la base, je peignais surtout ce qui me plaisait.”
Sans se poser de questions, elle raconte simplement son “univers” en peinture : “Qu’il y ait un voile, un collier rose ou un haut turquoise, ce n’est pas ce qui m’importe. Je suis musulmane donc ça me fait plaisir de mettre en avant ma communauté, mais ce n’est pas le but premier.” Son but premier serait plutôt de mettre en lumière des petits moments du quotidien, des arrêts sur image de choses à l’apparence banale : “J’aime peindre des postures, des actions figées où il se passe quelque chose […], des moments de rien. C’est peut-être aussi parce que je suis très lente comme femme, j’aime les temps de pause, quand on bloque sur quelque chose qu’on n’aurait pas forcément peint”, rit la jeune femme.
© Amel
Le travail d’Amel est fait de contrastes : décider de figer l’anodin d’une part et d’autre part, mêler une technique académique à des “filles super actuelles”. Parmi les visages qui peuplent ses œuvres, on retrouve des nouvelles icônes, à l’instar de Taqwa Bintali, Samira Ahmed ou Maria Alia Al-sadek, des consœurs peintres, telles que Sabrina Da Silva, des personnalités ou des amies.
“Dans mes tableaux, je donne des petits bouts de mes modèles, je suis une intermédiaire entre elles et les autres. C’est davantage une esthétique qui me plaît, plutôt qu’une interprétation. Je donne ce que la personne m’a donné […]. À travers une origine, un physique ou une esthétique, on peut voir un petit bout de parcours de vie. […]
J’ai du mal avec ce qui est trop conceptuel, quand l’artiste doit absolument être là pour expliquer son œuvre. Tant que ce que je fais suscite quelque chose, c’est positif. Qu’on aime ou pas. Ce qui m’importe, c’est de retranscrire une émotion, une expression.”
Avec ses peintures, Amel ouvre des fenêtres de vie. Chacun·e peut y imaginer sa propre histoire, sa propre interprétation, ou tout simplement se laisser emporter par ces moments figés avec brio et sensibilité sur toile. Bien décidée à raconter tout ce qui l’inspire, Amel nous a confié se lancer dans des paysages, ceux du Liban, un pays qui l’a particulièrement marquée. Une peintre – et des histoires – à suivre.
© Amel
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Vous pouvez retrouver le travail d’Amel sur son compte Instagram.