L’artiste Martin Lever dénonce la répression exercée à Hong Kong grâce à son pop art

L’artiste Martin Lever dénonce la répression exercée à Hong Kong grâce à son pop art

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Hong Kong, le 6 juillet 2020. © ISAAC LAWRENCE / AFP

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Par Konbini avec AFP

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"Ce qu’il se passe est tout simplement surréaliste, et j’ai senti ma colère monter petit à petit."

Dans son exposition qui a ouvert ses portes le temps d’un week-end de décembre à Londres, l’artiste britannique Martin Lever relatait avec une esthétique pop art ludique son départ de Hong Kong face à la répression exercée par la Chine. Après d’importantes manifestations pour réclamer plus de liberté en 2019, Pékin a répondu en imposant une loi drastique sur la sécurité nationale pour écraser toute opposition dans l’ex-colonie britannique.

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Le territoire semi-autonome, qui jouit de plus grandes libertés que la Chine continentale, a vu sa société civile autrefois dynamique de plus en plus contrainte au silence, et Martin Lever a décidé de quitter Hong Kong pour le calme du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre. “Je n’ai jamais vécu un événement historique aussi considérable que la désintégration du principe ‘Un pays, deux systèmes’ et de cinquante années d’autonomie à Hong Kong”, raconte l’artiste de 54 ans à l’AFP.

Jusque-là, Martin Lever peignait des paysages, des portraits, des œuvres abstraites inspirées par l’Asie, sans dimension politique particulière.
Mais comme beaucoup d’autres habitant·e·s de Hong Kong, cet artiste, qui travaillait auparavant dans la publicité, a vu la répression exercée par le gouvernement chinois se renforcer de jour en jour, avec l’interdiction progressive de “certains livres, slogans et chansons”, souligne-t-il.

Il a donc senti qu’il devait tenter de “refléter la situation à Hong Kong” à travers son art. S’inspirant de Keith Haring, son exposition “Silent Protest” (“manifestation silencieuse”) de la Crypt Gallery montrait des personnages avec la bouche fermée ou recouverte par des masques. Sur ses tableaux figurent aussi de nombreux lieux emblématiques de la ville, pour montrer que cette loi “commence à s’infiltrer dans tous les aspects de la vie de Hong Kong, sous des formes différentes”.

Autocensure

Trois ans après la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, les activistes pro-démocratie affirment aussi que la police a renforcé sa surveillance, avec des convocations pour les décourager de manifester ou des visites à domicile à l’approche de journées considérées comme politiquement sensibles. “Ce qu’il se passe est tout simplement surréaliste, et j’ai senti ma colère monter petit à petit”, se souvient Martin Lever, qui a quitté l’ancienne colonie britannique avec sa famille en 2022 après 44 ans de vie sur place. “J’ai grandi à Hong Kong, où les libertés d’expression, de pensée et de créativité allaient de soi. Cela m’a permis de saisir de nombreuses opportunités, […] et voir ces mêmes libertés s’éroder progressivement me rend très triste”, en particulier pour les jeunes de Hong Kong, ajoute-t-il.

Pour l’artiste, la loi sur la sécurité nationale est si ambiguë qu’elle conduit nécessairement à une forme d’autocensure. “Les gens ne savent pas ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Donc forcément, il y a de quoi s’inquiéter en tant qu’artiste”, indique-t-il. Après son départ douloureux, la création de la collection exposée à Londres a été “cathartique” pour l’artiste, mais elle pourrait bien le faire devenir une cible aux yeux des autorités chinoises. “C’est un risque que je suis prêt à prendre”, assure-t-il. “Si je suis banni de Hong Kong pour avoir peint ces œuvres, cela me donne en quelque sorte raison.”