Le concours Miss France ne doit pas être une “excuse” au sexisme

Le concours Miss France ne doit pas être une “excuse” au sexisme

Image :

© ARNAUD FINISTRE/AFP

La Miss France 2024, cheveux courts, revendique la "diversité" de la femme. Mais cela n'a pas empêché les commentaires sur son physique.

Les cheveux courts, Miss Nord-Pas-de-Calais, élue Miss France 2024 à Dijon, a fait de sa candidature le symbole de la diversité féminine lors de ce concours de beauté entaché par une récente condamnation en justice pour des images de candidates les seins nus. “Personne ne doit vous dicter qui vous êtes”, a déclaré Eve Gilles, 20 ans, lors de la compétition, faisant de son seul choix de garder les cheveux courts une différence par rapport aux autres Miss, toutes à la chevelure longue.

À voir aussi sur Konbini

Originaire de Quaëdypre, un village proche de Dunkerque, Eve Gilles, a promis de “défendre les valeurs des femmes fortes”. “Le body shaming, on le subit au quotidien, peu importe. On a tous nos imperfections. Chaque femme est différente, nous sommes tous uniques”, a-t-elle expliqué en conférence de presse. La nouvelle Miss France, étudiante en deuxième année de licence mathématiques et informatique, n’a pour autant pas précisé sa position sur le concours de “beauté” auquel elle a participé et qui est largement contesté par les féministes.

Succédant à Indira Ampiot, Miss Guadeloupe et France 2023, Eve Gilles a été sélectionnée au terme d’un grand “show”, selon les mots de Jean-Pierre Foucault, 76 ans et présentateur depuis 1995. Une moitié de la note est délivrée par les téléspectateurs et l’autre par un jury de sept femmes. Sur les réseaux sociaux, des internautes se félicitent du choix d’une femme “sublime” et fustigent les critiques apparues sur la toile après le résultat du concours.

Comparée à des célébrités

“Peut-être que la nouvelle #MissFrance n’est pas superbe à vos yeux, mais voir en elle du wokisme parce qu’elle a les cheveux courts…. C’est juste ridicule”, affirme sur X un fan de la nouvelle Miss. “Eve Gilles est la nouvelle miss France 2024, vos critiques malveillantes et inutiles ne changeront rien à cela, elle est sublime”, lance un autre sur X.

Ses cheveux courts et bruns, son teint mat valent à la nouvelle Miss France, originaire de l’île de La Réunion, d’être comparée à des célébrités telles que l’actrice américaine Halle Berry, la mannequin Linda Evangelista, l’actrice espagnole Ursula Corbero ou même “Rihanna à l’ancienne”, comme le dit un internaute.

Désormais centenaire, Miss France est un symbole de “réussite”, assure la Société Miss France. “C’est un ascenseur social”, affirme sa présidente Alexia Laroche-Joubert, évoquant des Miss devenues “femmes d’affaires, médecins ou encore réalisatrices”. Les critères ont de plus été “modernisés”, assure-t-elle. Une candidate n’a désormais plus de limite d’âge et peut être transgenre, mariée, mère… et même tatouée. Une seule candidate trans s’est jusqu’à présent présentée. Elle a échoué à l’élection de Miss Paris, en 2022.

“Hate watching”

Ces petites révolutions avaient fait vaciller le célèbre chapeau de Geneviève de Fontenay, figure historique du concours de beauté. Décédée en août à 90 ans, un hommage lui sera rendu samedi soir, jetant un voile pudique sur les relations houleuses qu’elle entretenait avec l’organisation actuelle des Miss.

Cette “évolution” est cependant encore loin de satisfaire les féministes. “C’est du ‘feminist-washing’ : on reste dans une élection très misogyne”, estime Mélinda Bizri, de la Ligue des droits de l’Homme à Dijon, qui appelle au boycott de la cérémonie avec de nombreuses autres associations. “Les femmes se violentent toute leur vie pour atteindre ces critères fantasmagoriques, selon des schémas qui mettent très longtemps à se déconstruire“, souligne-t-elle.

“Miss France est toujours aussi sexiste dans le principe de classer les femmes sur des critères de beauté”, renchérit Violaine de Filippis, porte-parole d’Osez le féminisme! Pour autant, chaque cérémonie compte parmi les audiences les plus élevées de TF1 (7,1 millions de téléspectateurs l’an dernier). La soirée des Miss “est toujours un succès car c’est tout d’abord un divertissement”, explique Virginie Spies, analyste des médias à l’Université d’Avignon. Mais ce succès est en partie dû au “hate-watching”, c’est-à-dire “regarder ce que l’on n’apprécie pas forcément pour pouvoir le critiquer”, définit Mme Spies.