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Les 23 de 2023 : Kerchak, le petit prince de la jersey drill

Les 23 de 2023 : Kerchak, le petit prince de la jersey drill

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Par Damien Garcia

Publié le

"Avec un peu de confiance, ça va le faire."

Depuis plus de 15 ans, Konbini va à la rencontre des plus grandes stars et personnalités de la pop culture dans le monde entier, celles et ceux qui nous font rêver au quotidien à travers leur passion, leur détermination et leurs talents, afin de vous livrer tous leurs secrets.

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En 2023, la rédaction de Konbini a décidé de faire briller avant tout la jeunesse et la création francophones à travers 23 portraits de jeunes talents en pleine bourre, à suivre dès maintenant et dans les prochaines années. Des acteur·rice·s prometteur·se·s aux chanteur·se·s émergent·e·s, des chefs qui montent aux sportif·ve·s en pleine éclosion en passant par des artistes engagées de tout horizon, Konbini vous présente sa liste des 23 personnalités qui vont exploser en 2023.

La fiche d’identité de Kerchak, rappeur, 19 ans

  • Son meilleur moment de l’année 2022 ? Toute la fin de l’année, le dernier trimestre.
  • S’il devait garder qu’un seul morceau de la mixtape Confiance ? “Temps”, parce qu’il ouvre sur la suite.
  • 2023, ça représente quoi pour lui ? Certifications, certifications et… certifications.
  • L’autre personne qui fera 2023 selon Kerchak ? SHK, son beatmaker, parce qu’il est trop fort.
  • Et en dehors de la musique ? Ilyes Housni, le petit prodige du Paris Saint-Germain.

“Je suis une étoile, partout où je passe, ça brille.”

Portrait. Kerchak, c’est le représentant le plus légitime de la jersey drill en France. Un style de musique au rythme effréné, dans lequel tout peut être samplé. À seulement 19 ans, et après une ascension fulgurante l’année passée, le rappeur semble avoir toutes les cartes en main pour s’imposer en 2023.

Kerchak, à première vue, c’est une cagoule, de la violence et beaucoup de confiance. Mais en s’y intéressant, on découvre quelqu’un de simple et je dirais même d’accessible. Arrivé à 18 heures 30 dans nos locaux, l’artiste m’a consacré une grosse demi-heure au cours de laquelle nous avons abordé un tas de sujets. Pendant l’interview, son téléphone a vibré et il m’a demandé s’il pouvait répondre à sa mère. C’est ça, Kerchak : de la simplicité, de la spontanéité et, surtout, de la bonne musique.

“Moi, quand j’étais petit, j’écoutais les trucs de ma sœur.”

Petit dernier de la famille, Kerchak découvre la musique au contact de ses aînés. Enfant, c’est l’univers musical de sa sœur qu’il préfère. “Elle écoutait les trucs Disney Channel, Hannah Montana etc.”, mais aussi Black Eyed Peas et les Pussycat Dolls. Il délaissait parfois la playlist de sa frangine pour les inspirations zouloues des parents. Et quand sa tante était de passage, c’est du coupé-décalé qui résonnait dans la maison. Ces souvenirs d’enfant font partie intégrante de l’univers musical de Kerchak.

Dans la deuxième partie du titre “Tarzan”, l’artiste amène la Côte d’Ivoire de ses parents à Paris en samplant le “Djolo National”, un morceau populaire et typique du pays. On imagine également sans trop de difficultés que le morceau “Obsessed With Me”, dans lequel il reprend le tube de Mariah Carey, est inspiré du répertoire musical de sa sœur. Enfin, pour ce qui est du coupé-décalé, Kerchak a eu l’audace de sampler “Elle danse sexy”, du Logobi GT :

Vous vous demandez sûrement où se trouve le rap dans tout ça. Et vous avez raison, Kerchak n’est pas devenu Kerchak en écoutant les Black Eyed Peas. Âgé d’à peine neuf ans, il tombe dans la marmite Kaaris. La faute du grand frère qui écoutait l’album Or noir à la maison. Envoûté par ce nouvel univers musical, mais jugé encore trop jeune par sa famille, le petit Kerchak doit se familiariser au rap en cachette, à coup de “Bizon”, de “Zoo” et de “63”. Dans le morceau “Percer”, il dit d’ailleurs : “C’est Or noir qui m’a bercé donc j’ai de la haine à déverser”.

En rentrant au collège, il se met à écouter de nouveaux artistes et achève sa transition vers le rap. C’est d’ailleurs de Bosh qu’il s’est inspiré pour le surnom Kerchak, qui est roi des gorilles dans Tarzan. À cette époque, l’univers musical de Bosh était rempli d’allusions à l’animal. (Freestyles “Mal Dominant”, l’album Dos argenté.)

“Quand tu es le plus petit, tout le monde voit ce que tu fais, j’ai grandi dans ça.”

Pour Kerchak, être entouré de sa famille, c’est primordial. De ses débuts à maintenant, ses proches n’ont jamais été très loin. Quand, à ses 13 ans, il commence à rapper, c’est au côté de son cousin, avec qui il forme le duo Erkos Squaad. Plus tard, au lycée, il rappera sous le pseudonyme Zolal, surnom trouvé par son grand frère (Kerchak était nul à FIFA et Zolal, à l’envers, ça fait “La loose”).

Aujourd’hui, ils ont encore une place importante dans sa vie musicale. “J’ai besoin de l’approbation de mes grands cousins et de mes grands frères avant de faire un truc. C’était logique qu’ils me suivent dans la musique. Et tu vois, ils sont là.” dit-il en montrant du doigt les trois proches avec qui il est venu pour l’interview.

Malgré son apparence menaçante et ses textes violents, ses parents aussi le soutiennent. “Au début, ils étaient contre, ils disaient : ‘On dirait un bandit, on dirait un voyou.’ Mais au fur et à mesure, ils ont compris la démarche et sont passés au-dessus de la cagoule.”L’air de rien, c’est cette cagoule qui offre une tranquillité et un plein contrôle de sa vie privée à Kerchak.

Si vous vous demandiez, non, je n’ai pas pu voir son visage, et tant mieux. “Je peux sortir avec mes parents, il y a de la tranquillité. Ils savent que si je n’avais pas rappé cagoulé, ça serait horrible pour eux comme pour moi, c’est archi-important de garder sa vie privée.”

“Un son de deux minutes avec la même prod, s’il n’y a pas de refrain, c’est chiant.”

C’est peut-être pour ça que la jersey drill lui va si bien. Avec Kerchak, on n’a pas le temps de s’ennuyer, les changements de prod sont fréquents et les sons rarement trop longs. C’est en posant avec aisance sur ces instrumentales venues d’ailleurs que Kerchak s’est imposé comme le représentant français de ce nouveau style musical.

Je ne vais pas vous refaire l’histoire de la jersey drill, le Captain s’en est déjà chargé. Mais concrètement, c’est la rencontre entre la drill et les breakbeats de Jersey club (logique). Si tu ajoutes à ça un sample populaire sur lequel tu poses un kicker versatile, tu obtiens un banger, exemple :

Bien qu’il soit excellent dans le domaine, Kerchak ne se cantonne pas à ce nouveau style musical. Régulièrement, il pose sur de la drill, et plus rarement sur de la trap. Cette agilité musicale est le fruit de sa précocité, de son talent, mais également de la crainte de s’ennuyer ou d’ennuyer son public. Auparavant, dans plusieurs entretiens, il s’est exprimé sur la péremption d’un style musical, qui force l’artiste à se renouveler.

Heureusement, selon lui, la jersey drill est moins sujette à cela. “Pile comme tu as dit, comme on peut tout sampler, ça va se renouveler tout seul. Aujourd’hui, Gambi il ne fait pas la même jersey que Favé qui ne fait pas la même jersey que moi.” Ouf, on est sauvés, le petit prince de la jersey y croit encore.

Petite exclu : Fan du morceau “Flynt et Mungo”, et notamment de son intro, j’ai abordé le sujet durant l’interview. Il m’a révélé qu’il se voyait faire des sons entièrement dans ce style-là : “Ouais, je suis dans ce mood en ce moment. Parce que trop de trop, au bout d’un moment ça casse la tête.”

“Si je vois que je prends trop de temps sur un texte, c’est mort”

Hyper-productif, Kerchak nous a habitués à sortir plusieurs sons par mois. Et cela s’explique par l’efficacité de sa plume. Comme il l’a rappelé à plusieurs reprises, un verre de jus, c’est le temps qu’il lui faut pour écrire un texte. Avec un tel procédé, sur le long terme, ses textes pourraient devenir répétitifs et perdre en qualité. Mais ça n’inquiète pas Kerchak, qui a déjà commencé à se réguler : “Je me suis forcé à arrêter d’écrire quand je ne suis pas au studio, même si j’en ai envie.”

Parce que sinon, l’inspiration de l’artiste est sans limite : “Tout à l’heure quand on montait les escaliers, j’avais envie d’écrire“, explique-t-il. En respectant un tel procédé, l’artiste souhaite minimiser l’influence de la musique sur sa vie privée, et il le résume bien : “Si tu travailles quand tu dois travailler et que tu vis le reste du temps, au final, t’écris ce que tu vis.”

Il ne faut pas se méprendre, bien que Kerchak écrive rapidement, son univers est bien léché. Il s’amuse à contraster la violence de ses textes par de l’autodérision, des références à l’enfance (par exemple les Totally Spies ou l’univers de Tarzan) et l’incontournable “Bisous !” qu’il utilise régulièrement à la fin de ses morceaux.

Ces touches subtiles et paradoxales permettent aux textes de Kerchak de se démarquer quelque peu de ceux de la drill ordinaire, bien qu’on ressente évidemment l’influence de cette dernière. Cependant, ces petits pas de côtés effectués par l’artiste nous permettent de rentrer pleinement dans son ego trip. “Quand j’ai vu que ça créait le contraste, je m’en suis servi, mais de base, c’est grave spontané.”

“Avec un peu de confiance, ça va le faire.”

Confiance, c’est le nom de sa première mixtape, et à force de trop parler de cette qualité, on pourrait finir par le trouver arrogant. Pourtant, c’est en véhiculant un tel message qu’on donne de l’espoir aux gens. En jouant de sa réussite, Kerchak incite indirectement ses fans à croire en eux. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Même si je crois en moi, je ne deviendrai pas Kylian Mbappé. En revanche, j’aurais appris et c’est cette confiance qui me guidera à terme vers la réussite.

Kerchak rappe depuis l’âge de 13 ans et n’a percé que lorsqu’il en avait 18. S’il n’avait pas cru en lui, le rappeur n’aurait sûrement pas persévéré jusqu’au succès. “En ce moment, je dis ‘Je fais le mec, j’ai mes raisons’, les gens ils kiffent. À un moment je me suis demandé si ça pouvait poser un problème, mais en vrai, il faut y aller au culot.”

“L’école, ça t’instaure un cadre qu’il n’y a pas dans la musique.”

Bon élève, Kerchak saute la classe de CP. Une décennie plus tard, alors qu’une carrière musicale s’offre à lui, il décide de continuer ses études en parallèle. “C’est trop important les études”, justifie-t-il. Actuellement en BTS MCO, le rappeur ne regrette pas son choix, puisque ce sont les études qui lui permettent de couper du reste. Là-bas, il redevient lui-même, plus de musique, plus de cagoule, plus de Kerchak, juste un élève comme les autres.

Un jour, l’école prendra fin, et cela ne semble pas l’inquiéter. “Il faut juste savoir faire la part des choses, être assez mature pour instaurer ce cadre soi-même, et faire des activités qui remplaceront l’école entre guillemets.”

École, musique, interview, ça fait beaucoup à seulement 19 ans. On se demande tous comment Kerchak investit le temps qu’il lui reste. “Moi, je dors, je passe mon temps à dormir, je me repose au maximum. Eh, le repos, c’est trop important.”

En insistant un peu, il me révèle qu’il joue de temps en temps et qu’il aime regarder des vidéos sur YouTube ou des rediffusions de stream. “Les youtubeurs, tout ça, j’aime trop leur délire, ils s’en foutent de tout.” Par le passé, Kerchak est déjà apparu aux côtés d’Inoxtag. Des collaborations futures avec des personnalités de ce milieu ne déplairaient pas à l’artiste.

“Le premier album, je le vois comme la classe de seconde.”

2023 devrait être une année charnière pour Kerchak. Après sa mixtape prometteuse, le public attend la confirmation. Quoi de mieux qu’un premier album pour transformer l’essai. Une échéance capitale qui ne semble pas angoisser l’artiste : “Un premier album, ça doit être plus spontané que réfléchi. C’est au bout du deuxième que tu dois réfléchir à des stratégies. […] Le premier, je le vois vraiment comme la classe de seconde, il n’y a pas de trucs à la fin, tu sors le projet, tu n’as pas d’attente de chiffres, tu t’en fous, en vrai.”

Hyper-productif, Kerchak nous régale quasi chaque semaine. D’ailleurs, ce vendredi, il sort un featuring avec Kaaris. Pour l’album, il va falloir faire des sacrifices, ou alors sortir un projet de 60 morceaux. “C’est vrai que ça rend la sélection beaucoup plus complexe, parce que j’aime tous les sons, en vrai.” Je vous rassure, Kerchak ne semblait pas plus inquiet que ça au moment de la réponse. Il ne ressent d’ailleurs pas le besoin de faire des séances studio consacrées uniquement à l’album. “Je ne me dis jamais : ‘Là, je travaille pour l’album, là je travaille pour ça.’ Comme je travaille toujours de la même manière, la qualité de mes sons elle ne diffère pas d’une séance à l’autre.”

Kerchak est une personnalité prometteuse dont le style unique et les inspirations n’ont pas fini de marquer l’industrie musicale. “Je suis encore grave jeune, j’irais ou le vent me porte.” 2023 sera une année importante pour l’artiste. Chez Konbini, on n’est pas vraiment inquiets pour lui, parce qu’avec un peu de confiance, ça devrait le faire.

C’est l’heure du rab !

Si tu as lu jusqu’ici, Kerchak t’intéresse vraiment et tu mérites un peu de rab. Personnellement, je me suis toujours demandé s’il arrivait aux artistes d’écouter leurs morceaux par pur plaisir. Je vous laisse avec cette réponse honnête de Kerchak. “En vrai, ouais. J’écoute mes sons, mais c’est dans un but purement professionnel, pour savoir ce que je pourrais faire de mieux.” Il éclate de rire et poursuit : “Non je suis un menteur en fait, j’écoute tout le temps mes sons. Carrément, parfois, je réécoute un morceau que je n’ai pas écouté depuis longtemps, et je vais me dire ‘mais putain, je suis trop fort’.”

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Les recos de Kerchak

  • Un streamer : Amine.
  • Un jeu : Grand Theft Auto V.
  • Un film : Simone, le voyage du siècle d’Olivier Dahan.
  • Un album pour commencer le rap : Or noir de Kaaris, sans hésitation.
  • Un morceau du moment : “Illico presto” de Kodes.

Vous pouvez retrouver Kerchak sur Instagram et l’écouter ici.