La peintre Marguerite Piard prône “d’autres représentations de femmes que celles fantasmées par des hommes”

La peintre Marguerite Piard prône “d’autres représentations de femmes que celles fantasmées par des hommes”

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© Marguerite Piard

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Les autoportraits nus de Marguerite Piard zooment sur tous les corps féminins.

Les peintures de Marguerite Piard nous font entrer dans une intimité bienveillante. Des corps nus féminins se rencontrent et dialoguent, avec pudeur, dans des petits formats. Le fait que la peau soit découverte, dénudée, zoomée, n’altère en rien l’anonymat des silhouettes, un anonymat qui vise à l’inclusivité, à la réappropriation et à la représentation des corps de femmes.

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Cette volonté découle d’une colère, d’une “prise de conscience féministe”, nous écrit l’artiste. “J’ai toujours été attirée par les nus féminins en peinture mais j’ai souvent éprouvé un sentiment de malaise, voire de dégoût, face à nombre d’entre eux, quasiment systématiquement peints par des hommes (cis hétéro) pour le regard masculin. Lorsqu’on prend conscience de cela, on ne peut plus ignorer dans les musées l’effervescence de tous ces corps féminins sexualisés, objectifiés, passifs, parfois même violés. Les rapts et les viols mythologiques sont érotisés et les cartels ne les mentionnent quasiment jamais.”

© Marguerite Piard

Son choix d’utiliser son “corps comme messager d’expériences personnelles et fondatrices, des expériences que seuls les hommes cisgenres ne connaissent pas” s’est ainsi “précisé”. Comme dans un désir d’exorcisation concrète de sa colère, dont le “premier élan était cathartique”, Marguerite Piard s’est naturellement mise à peindre son “corps nu, en le montrant avec [son] propre regard féminin, comme une manière de se le réapproprier et de s’émanciper d’un rapport de domination”.

Consciente des enjeux et limites de son travail, elle s’interroge constamment quant à “la légitimité” de ses autoportraits. “Je ne veux pas m’approprier des vécus qui ne sont pas les miens”, souligne-t-elle avant d’expliquer vouloir “à terme […] travailler à des représentations plus inclusives” en montrant par exemple “des corps qui interrogent les normes de beauté et les stéréotypes de genre”. 

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En première étape, la peintre est déjà sortie de sa zone de confort en peignant des amies artistes qui ont accepté de poser pour elle : “Je suis encore assez pudique à l’idée de faire poser d’autres personnes. Il faut qu’il y ait une relation de confiance. En utilisant mon corps, on ne peut me reprocher de le sexualiser, de l’objectifier.”

Sa première exposition personnelle, “J’ai quelquefois des vivants qui me donnent des insomnies”, fait cohabiter des femmes – qui avaient “pour habitude de peupler des espaces seules, ou seules ensemble, entre femmes, dans des espaces oniriques, préservés, surtout des regards masculins auxquels nous sommes habituées en tant que femmes dans l’espace public” – avec des présences suggérées d’hommes.

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Ce sont majoritairement des “relations amoureuses et d’amitié” qui “dialoguent et s’entremêlent” : “Concrètement, ces femmes évoluent systématiquement dans un esprit de sororité. […] Représentées ensemble, dans des positions d’étreintes, elles sont amantes, sœurs, amies. Elles se portent entre elles, connaissent leurs secrets respectifs. Il est nécessaire de proposer d’autres représentations de femmes ensemble que celles fantasmées par des hommes pour des hommes”, analyse Marguerite Piard.

Particulièrement attirée par “les petits formats et les miniatures en général”, “le détail en peinture et le rapprochement physique que cela implique”, l’artiste opère des cadrages serrés, centrés sur des bouts de silhouettes, des morceaux de vie quotidienne comme si on regardait ses modèles “à travers le judas d’une porte”. Elle nous pousse ainsi à interroger “le regard qu’on porte sur ces corps ou parties du corps comme si nous y étions à peine invité·e·s”.

© Marguerite Piard

“J’opère souvent des zooms délibérés sur des parties du corps qui prennent toute la surface du support, celles qui questionnent en tant que femme, quand elles sont systématiquement comparées, jugées, dévaluées. Peindre les seins, les hanches, les plis du ventre comme une manière de les glorifier, de se réconcilier. Je tente de poser sur elles un regard tendre, pour m’en libérer.”

Marguerite Piard travaille la texture des peaux, la façon dont ces dernières attrapent la lumière, touchent et sont touchées. Elle interpelle les sens du public et convoque la mémoire des corps : “La peau enveloppe l’intérieur, protège mais cache aussi. Ce sont des notions qui me sont chères. Par un certain réalisme concernant le traitement de la peau, de sa transparence, je cherche l’effet d’un saisissement. Que le fait de regarder une peinture de mains liées, de caresses, par exemple, puisse nous projeter chacun·e dans nos propres souvenirs des sensations procurées de ces mêmes gestes. Comme ce que peut procurer l’odorat en nous transportant instantanément en un autre temps, en un autre lieu avec un être cher.”

© Marguerite Piard

Un pari réussi puisque, tel que la peintre nous le rapporte, son public lui indique ressentir l’envie de manipuler [les œuvres], de les toucher, de les caresser parfois. Il y a quelque chose de très sensuel.” Diplômée des Beaux-Arts depuis moins de trois ans, l’artiste n’est qu’au début d’un beau parcours bien entamé sur le chemin de l’introspection, du changement des regards et des paradigmes.

Avec son travail, Marguerite Piard espère “questionner la manière dont on regarde les corps féminins, qu’ils soient nus ou non, provoquer des sentiments d’empathie, de bienveillance. Attendrir. Mais surtout initier des dialogues intérieurs chez la personne qui les regarde, quels qu’ils soient, et donner un peu de douceur.”

© Marguerite Piard

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L’exposition de Marguerite Piard, “J’ai quelquefois des vivants qui me donnent des insomnies” est organisée par la galerie Maestria. Elle sera visible du 15 au 27 mars 2023 au 7 rue Saint Claude, Paris 75003 avant d’être visible sur rendez-vous au showroom de la galerie Maestria.