Les visites au musée avec une lampe torche offrent un nouvel éclairage sur l’art

Les visites au musée avec une lampe torche offrent un nouvel éclairage sur l’art

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© Sébastien Saugues/AFPTV/AFP

"Une visite hors norme".

À la lumière de lampes torches, une vingtaine de curieux·ses arpentent de nuit le musée Unterlinden à Colmar, l’occasion de jeter une lumière différente et “un nouveau regard” fantomatique sur les œuvres. Un mardi de fin janvier, 18 h 30. La nuit enveloppe Colmar, l’élégante Venise alsacienne, depuis un bon moment. Dans le hall d’accueil du musée célèbre pour abriter le retable d’Issenheim, joyau récemment restauré, le groupe patiente dans la pénombre. Ambiance intimiste, quelques bougies sur le comptoir où des alcôves éclairées de rouge apportent un peu de visibilité. À leur arrivée, les 25 visiteur·se·s se voient remettre une lampe de poche.

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C’est la deuxième soirée de ce type qu’organise Unterlinden, après une première l’an passé pendant la nuit d’Halloween, explique à l’AFP Samuel De Nita, directeur du développement de l’établissement. L’idée, c’est de proposer un “nouveau regard” sur les œuvres, “faire découvrir le musée de manière totalement différente, toucher un public plus large” et montrer que c’est un lieu “accessible à tout le monde”, poursuit M. De Nita.

“Vermine”

Quand tout le monde est équipé, la visite peut commencer. Direction le cloître du musée, construit au XIIIe siècle. Au sol, des bougies balisent le chemin. À l’extérieur, le froid de l’hiver alsacien pique les visages. Dans l’obscurité, une forme encapuchonnée se dessine : c’est la guide de la soirée – en réalité une médiatrice du musée. Elle brosse à grands traits l’histoire des lieux, tour à tour couvent (“entendez les pas des religieuses sur les dalles !”), prison (“les cellules des nonnes remplacées par des geôles putrides où grouille la vermine !”), hôpital, caserne, musée enfin…

Le clic des lampes électriques résonne dans la nuit, les faisceaux balaient les murs. L’assemblée emboîte le pas de la femme en noir qui, lanterne à la main, s’enfonce par un escalier de pierre dans les entrailles du musée pour une visite des collections archéologiques avant de filer vers la salle des sculptures. Chaque étape est prétexte à un commentaire décalé sur une œuvre. Entre deux stations, les lampes se rallument, chacun·e tentant de grappiller un peu de temps pour observer les détails d’une statue ou d’un visage gravé.

Devant des stèles funéraires, musique sépulcrale en arrière-fond, la guide demande au public de saluer la mémoire des défunt·e·s. Devant une “pharmacie”, elle raconte l’histoire d’une “sœur Apolline” qui a concocté pour une femme au cœur brisé un philtre d’amour… à base de digitale, une plante toxique. Le cœur de la malheureuse cessa de battre, “son mal d’amour était résolu”, grince la guide. Vient le moment de contempler le fameux retable d’Issenheim, un polyptyque du XVIe siècle : il évoque la vie du Christ et la résurrection. Au moment d’entrer dans la chapelle l’abritant, on remise les torches et le retable est joliment éclairé par quelques projecteurs.

“Ô mort !”

“Regardez la vierge qui s’évanouit à la vue des souffrances de son fils”, lance la guide devant la crucifixion. “Putréfaction, putréfaction, ô mort, ô mort”, répète-t-elle, alors que des cloches sonnent au loin. La visite, longue d’un peu moins d’une heure, se termine, les applaudissements retentissent. Une expérience “hors norme, dans un lieu hors norme, dans des conditions hors norme”, s’enthousiasme Emmanuel Chapotin, 54 ans.

Cet hôtelier de Bergheim (Haut-Rhin) se dit particulièrement impressionné par “la scénographie qui met vraiment en avant le côté un peu mystique” du musée. Sabrina Reszka, consultante en R&D, s’attendait à quelque chose de “plus classique” mais au final, elle est “impressionnée […], on était en immersion, on est tout de suite emportés par la voix, l’ambiance”, confie cette Colmarienne de 45 ans. Quant à sa fille, Emy, collégienne de 12 ans, elle a tout simplement “adoré” : “Les décors, les lampes torches, que tout soit dans le noir […]. On se concentrait plus sur les éléments, on arrivait mieux à comprendre”.