L’album commun résulte d’une envie de la part de plusieurs artistes de s’associer sur un projet et de créer comme une parenthèse, enchantée ou non, dans leur carrière solo respective. Pendant longtemps, les projets communs entre rappeurs ont manqué en France, les quelques sorties du genre ne voyant que rarement la lumière du grand public, restant peu exposées, sans pour autant être dénuées de qualités, vous le verrez. Mais depuis peu, le challenge s’est fait plus régulier, porté par plusieurs têtes du game ayant permis sa démocratisation, sans pour autant être complètement couronné de succès.
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Vendredi 25 octobre, deux goats du rap FR s’allient pour un nouveau projet commun, Niska et Ninho. Dans un autre registre, Dafliky et Keeqaid, deux rappeurs de la nouvelle génération, s’apprêtent également à dévoiler leur disque commun, preuve que l’exercice continue de plaire ici, se calquant sur le modèle américain plus enclin à développer ce genre de projet collaboratif.
Au vu du nombre grandissant de projets entre rappeurs et producteurs, nous allons nous focaliser ici sur les disques communs entre deux (ou plus) interprètes. Et dieu sait qu’on aime Kosei, Skuna, JeanJass, Binks Beatz, Blasé ou encore Hologram Lo’.
#29. Digital Night – Laylow & Wit. (2015)
Globalement passé sous les radars, cet EP sorti en 2015 est ce qu’on appelle une expérience. Et comme toute expérience, il n’y a pas que des réussites. Il reste malgré tout intéressant de l’analyser avec l’œil bienveillant du recul afin d’y apposer une vision plus globale prenant en compte les collaborations futures entre Laylow et son acolyte Wit., des featurings découlant directement de ce qu’on peut observer dans cet EP, indisponible sur les plateformes de streaming. On y voit des tentatives, les prémices d’une ambiance digitale qui suivra les deux artistes ensuite pendant de belles années.
#28. 2 Lions – Sasso & L’Allemand (2022)
Un 16 titres que l’on sent fait avec la pure volonté de s’amuser. Les deux Lyonnais se sont fait kiffer, ça se voit, mais la dimension de 2 Lions reste malgré tout locale, sans avoir été plus marquante que cela, que ce soit dans les textes, l’émotion transmise ou les prods dont les choix sont parfois discutables.
#27. Frères Ennemis – Koba LaD & Zola (2024)
Produit d’une des réconciliations les plus culte du rap FR, le projet était attendu comme un évènement. Il l’a été durant quelque temps, créant un bel arc de l’année 2024 avec deux morceaux forts “Aller sans retour” et “Temps en temps”. On doute un peu de sa durée dans le temps même si certains morceaux ne sont pas à jeter, loin de là.
#26. E=2MC’s – Soprano & R.E.D.K. (2012)
La patte marseillaise est ici représentée dans cette alliance de style, de groupe, entre Soprano pour les Psy 4 De La Rime et R.E.D.K. pour Carpe Diem, mais aussi de notoriété. Ici, Soprano revient principalement à des bases plus rap avec un des piliers de la ville dans ce style. Malgré tout, le manque de cohérence globale est trop visible pour un album réalisé en trois semaines seulement, ajouté à cela quelques difficultés de réécoute sur certains flows utilisés. R.E.D.K. se distingue par son écriture et plusieurs morceaux se détachent, notamment l’excellente outro “À plumes ouvertes”.
#25. ANGILINAZULI – Angie & Lazuli (2023)
Avec six titres efficaces et Sutus à la prod, ANGILINAZULI est un projet réconfortant, où les deux artistes se sont laissées porter en appuyant sur leurs influences respectives. Amour et respect pour les morceaux “Nintendo” et “Booty Applaudit”. On aurait aimé en avoir un peu plus dans l’assiette pour pouvoir juger pleinement cette collaboration pourtant pleine de belles promesses.
#24. Cullinan : Gelée Royale (Partie 1) – Dadju & PLK (2022)
Il faut avouer que ce n’est pas le premier projet commun qui nous est venu en tête à l’écriture de cet article. On pourrait se dire que la collaboration n’est pas la plus naturelle possible mais on avoue que ce trois titres sonne bien malgré tout. Il reste très ouvert commercialement avec un penchant non-dissimulé pour la mélodie. Vous le verrez, le format 3 tracks revient souvent dans ce classement, idéal pour un projet commun ? Ou trop peu pour vraiment se défendre ?
#23. Mauvaise Musique – Beamer & H JeuneCrack (2022)
Adeptes des projets courts, Beamer et H JeuneCrack proposent cinq morceaux de rap où plus que l’alchimie, c’est l’art de la rime, des assonances et allitérations sur fond d’egotrip renouvelé qui fait office de colonne vertébrale. Si H JeuneCrack est déjà impressionnant et complètement au fait de son talent naturel, on sent une légère différence de niveau qui nous sort quelque peu de l’écoute.
#22. RIYAD SADIO – Freeze corleone & ASHE 22 (2022)
Un projet commun résulte souvent d’une volonté amicale et artistique, plus que d’une envie de casser la baraque des chiffres. C’est le cas ici entre Freeze et ASHE, deux rappeurs qui s’affectionnent et qui comptent plusieurs collaborations à leur actif. Malgré cette première entente, cela ne fait pas tout. Et sur RIYAD SADIO, l’entente forte n’aura pas pris le pas sur l’attente, qui elle l’était sûrement un peu trop.
#21. Dystopia – Beamer & winnterzuko (2021)
Encore un cinq titres pour Beamer, et encore un rappeur talentueux et atypique à ces côtés, le génial winnterzuko. Déjà affûté en 2021, ce dernier apparaît très puissant, dans les flows comme dans les textes. “J’espère briller comme une deepstar” rappe winter au début de “Raisin Boy”, phrase pleine d’ambition qui commence à devenir réalité au moment de la sortie du projet en 2021. L’EP est plus qu’intéressant et malgré un résultat quelque peu inégal, on reste conquis, surtout par la petite dinguerie visuelle, auditive, matrixante, de fin d’EP, “Utopia Pt. 1”.
#20. Cesium – Dinos & Dosseh (2023)
Mués en pères Noël (coucou Mariah Carey), Dinos et Dosseh se font kiffer avec un trois titres juste… sympa. La cohérence n’est pas le mot d’ordre et on sent que les morceaux fonctionnent tous indépendamment comme des singles assemblés dans une volonté de sceller à jamais la carrière de ces deux artistes aux styles proches, à l’entente forte (musicale et dans la vie) et signés dans le même label. À la prod, Tarik Azzouz et Amine Farsi. Au final, le tout est bon mais pas assez assumé pour véritablement s’y replonger férocement.
#19. Mariah – Alkpote & Luv Resval (2018)
C’est sur ce projet de cinq titres dévoilé aux alentours de Noël (encore coucou M.C) que le rappeur et mentor de Luv Resval, Alkpote, révèle son diamant brut aux yeux du monde. Luv est déjà bien en jambes, surveillé du coin de l’œil par celui qui ne sera pas passé à côté de ce talent indéniable, Alk qui n’a jamais rechigné à l’exercice du projet commun.
#18. En Sous-Marin – Nekfeu & Alpha Wann (2011)
Alors en crew avec 1995, Nekfeu et Alpha Wann se permettent une virée en solitaire, comme une prémonition de la suite de leur carrière. Cet EP, à l’époque plus que rafraîchissant, est déjà attendu par une petite partie du public rap qui se mange “Monsieur Sable”. Multisyllabiques, flows et prods old-school, samples, cet EP plein de bonnes choses souffre tout de même de l’épreuve du temps qui passe. Quelques morceaux pas complètement réussis, des approximations, certains refrains caducs, on sent que c’est encore le début (ça lui donne aussi un petit charme !). Cela n’empêchera pas un paquet de monde d’avoir été marqué par cette pièce et d’attendre avec une impatience non dissimulée que Ken et Alpha remettent le couvert comme c’est prévu depuiiiiis.
#17. We Luv New York – Akhenaton & Faf Larage (2011)
Comme son nom l’indique, ce projet collaboratif entre les deux rappeurs marseillais est un hommage direct à la musique new-yorkaise dont les deux MCs n’ont jamais caché l’admiration et l’inspiration. Instru, flow, technique, c’est là que réside la force de ce disque conceptualisé comme un voyage à NY (clip tourné à New York à checker juste ici), le tout avec de l’humour, du second degré et la passion indéniable dont ils font preuve pour cette discipline qu’est le rap.
#16. AVANT LES YEUX – HOUDI & Stony Stone (2023)
Un projet commun pourvu de très bons morceaux. La collab’ entre les deux a surpris au départ avant de mettre tout le monde d’accord. Les univers d’HOUDI et Stony sont assez proches et permettent d’avoir des titres cohérents, avec, presque, une ambiance de groupe. Niveau ambiance toujours, les rythmiques du projet nous permettent de le définir comme un disque léger, globalement tourné vers la fête avec une légère pointe de chaleur marseillaise, ville d’origine d’un de nos deux héros. Le résultat est plus que digeste, contenant une bonne et entraînante collaboration avec Ghost Killer Track, “HNINA”. 15e place bien méritée.
#15. La solution – Mairo & H JeuneCrack (2024)
Entre les deux, c’est une formule qui roule. Éloigné géographiquement, on ne peut pas dire de même pour leur style très complémentaire qui prend tout son sens ici. Un trois titres efficaces pour nos deux découpeurs/rimeurs/techniciens et on en passe.
#14. Private Club – Jazzy Bazz, EDGE & Esso Luxueux (2021)
Private Club est un assemblage de trois entités marquées, des fortes personnalités, que ce soit dans la voix comme dans l’identité artistique, qui se partagent onze morceaux à l’ambiance nocturne sans que cela soit un problème. Cette bande de potes fonctionne à l’énergie et c’est une réussite. On ressent une belle et plaisante harmonie musicale qui nous emmène sans forcer avec eux, au bout de la nuit.
#13. Soyons fous – Ol Kainry & Jango Jack (2011)
Le titre de l’album reflète ce que l’on y trouve en son sein. Deux artistes qui se laissent porter par leur folie sans se poser de questions. Enfin si, les questions se posent mais en laissant la place à la drôlerie, à l’amitié et au naturel. Ce qui donne un produit auditif agréable, fait avec minutie, respect et bon goût. Les styles de Ol Kainry et Jango Jack se complètent car diamétralement opposés et on vous laisse vous faire votre avis si ce n’est pas déjà fait avec “Pavanons nous”, remix de “Kush” de Dr. Dre, Snoop Dogg et Akon. Régalade.
#12. EN LESSGUILL – EDGE & Ratu$ (2022)
Le 15 juillet 2022 sortait EN LESSGUILL, et comme en témoigne la date ou encore la pochette, on est face à un projet d’été. Un projet d’été, certes, mais lorsque c’est interprété par EDGE et Ratu$, on sait que cela va un peu plus loin que ça. Les deux artistes se complètent plus que bien sur des prods qui sont à la hauteur du talent et l’alchimie du duo.
#11. SVR – Kaaris & Kalash Criminel (2022)
“Tchalla”, “Shooter”, “Apocalypse”. SVR pour Sevran, ville d’origine de nos deux protagonistes, est un projet commun qui contient plusieurs pépites. Il ne réinvente pas le genre mais il reste bon, malgré quelques longueurs, comme cela est souvent le cas dans ce genre de projets. Il aura également déçu une partie du public par ses ouvertures musicales surprenantes au vu des collaborations passées entre les deux K (“Arrêt du cœur”). Mais un projet commun reste malgré tout un projet à défendre, et comme chaque projet, il faut réussir à le vendre pour ne pas faire face à… l’apocalypse, ou aux shooters, c’est au choix. SVR reste un projet commun phare du rap FR car plus qu’évident au vu de la combinaison des deux rappeurs, sur le plan amical comme musical, et dont on se remémore encore sa sortie.
#10. Néochrome Hall Stars Game – Seth Gueko, Alkpote et Zekwe Ramos (2012)
Ce projet libéré en 2012 réunit trois rappeurs du label Néochrome, Seth Gueko, Alkpote et Zekwe Ramos. Un trio infernal qui se lance dans un 17 titres en ramenant plusieurs featurings comme Sofiane, Dinos ou encore Niro (un super casting). Et malgré ce que le casting de base pourrait laisser penser à l’auditeur, le projet est plaisant, aux ambiances variées, ne stagnant pas dans les thématiques graveleuses qu’on adore, mais à petite dose. Assurément trop peu connu.
Bon ce morceau n’image pas complètement (voire pas du tout) ce qu’on dit juste au-dessus mais écoutez le projet, vous verrez.
#9. QUI A VOLÉ LE SOLEIL ? – Mairo & Slimka (2023)
QUI A VOLÉ LE SOLEIL ? est loin d’être le projet le plus long de ce classement, comme le plus français d’ailleurs, puisque ce sont deux suisses, Slimka et Mairo qui sont aux manettes. Ce court EP est pourvu de très bons morceaux qui nous font nous rappeler que la qualité prévaut souvent sur la quantité. Un projet dont on avait déjà démontré l’attachement en classant “Zepe & Zada” à la 88e place des meilleurs morceaux de 2023.
#8. Jusqu’aux étoiles – Leto & Guy2Bezbar (2022)
Si on peut lui reprocher certaines longueurs, Jusqu’aux étoiles n’en reste pas moins qualitatif, contenant le célèbre “Sosa” ou encore le titre “Décisions”, vrai p’tit bonbon. Ce projet est l’exemple parfait de ce qu’on recherche dans une collaboration comme celle-ci, de la communion et du lâcher prise. On n’en attendait pas moins de ces deux-là.
#7. 8GANG – JMK$ & 8ruki (2021)
Le duo JMK$ et 8ruki ne ressemble à aucun autre, entre Paris et Marseille, proposant une musique tout à fait nouvelle, dans l’air du temps, voire plus précurseuse. Les deux artistes sont les visages d’une scène émergente et, après plusieurs collaborations remarquées, décident de passer le cap, offrant aux fans le projet commun tant attendu. Cohérent, aux influences plugg, trap et plus encore, 8GANG est un 13 titres réussi et fondateur pour toute une nouvelle scène, des tracks aux producteurs présents sur ceux-ci en passant par les invités et la couleur des morceaux, très marqués pour une belle impression de travail bien fait.
#6. Monopolium – VEUST & Akhenaton (2023)
L’amour de la rime dicte ce doux projet commun entre deux rappeurs du sud qui s’apprécient et se connaissent depuis longtemps. Déjà à l’origine de plusieurs collaborations dont “Highlander”, Akhenaton et VEUST se décident à sauter le pas, dévoilant 45 minutes de rap bienvenues, et le tout produit par AKH en personne. Pièce de collection pour les puristes archi-kiffeurs de barz, Monopolium est malheureusement resté dans l’ombre, mais tant qu’il fait bon sans les rayons du soleil, c’est le principal.
#5. LA MELO EST GANGX – Tiakola & Gazo (2023)
Malgré des critiques en dents de scie, le projet est bon, loin d’être flemmard et dévoilé quasiment au pic de la carrière des deux artistes. On aurait pu s’attendre à un nombre plus important de hits mais on le martèle, ce n’est pas une déception. Le résultat est intéressant et pourrait permettre aux projets communs de se démocratiser encore plus au vu de la popularité des deux artistes.
#4. Horizon vertical – Vald & Heuss L’enfoiré (2020)
À sa sortie, le projet entre ces deux grosses pointures a pu être considéré comme un flop (toutes proportions gardées), ne parvenant pas à réunir les deux communautés des artistes pourtant très puissantes individuellement. Mais force est de constater que c’est un beau projet qui se déguste dans le temps et que l’on considère sans trop de problèmes comme l’un des meilleurs du rap français.
#3. Rue – Lim & Alibi Montana (2006)
Marqueur d’une époque, Rue est un pur condensé de revendications où la dimension sociale est omniprésente. Les interludes géniaux viennent poser le contexte et apporter du relief, et dès “Traffic” le ton est donné, un ton dur, poétique avec un mot d’ordre, la véracité. Dévoilé en 2006, on dirait bien que les projets sortis au milieu des années 2000 sont dotés d’un secret bien gardé, ou pas tellement en fait. Sincérité déconcertante et besoin imminent de s’exprimer, voici certains des ingrédients utilisés. Rue sera ensuite rejoint, en 2013, par Rue 2 des mêmes Lim et Alibi Montana. Le média Mouv revient en profondeur sur ce projet qui se place sur la troisième marche de notre podium.
#2. Ol kainry & dany dan – Dany Dan & Ol Kainry (2005)
Nous avons devant les yeux une référence dans le genre du projet commun, l’un des premiers véritablement identifiés comme tel et rien que pour ça, il fallait le placer sur le podium en hommage à cette période fondatrice. Plein de justesse et baignant dans le jus de son époque, il donne une agréable sensation de bond dans le temps, sans paraître dépassé.
#1. Bitume Caviar (Vol.1) – ISHA & Limsa d’Aulnay (2023)
L’un des projets communs les plus récents de ce classement, et pourtant on ose sans vergogne placer Bitume Caviar tout en haut de cette liste. Sa sincérité et sa sensibilité dissimulée, son amour pour le genre, les performances, l’alliage des forces entre Isha et Limsa. Le duo est au sommet de son art et on se demande si l’on n’aurait pas trouvé LE projet commun s’approchant le plus de la perfection. En tout cas, cet album était attendu et n’a pas déçu, se hissant même au-delà des espérances, chose rare à souligner pour un disque du genre.