On a peut-être (déjà) l’album de l’année, et c’est évidemment celui de Kali Uchis

La reina !

On a peut-être (déjà) l’album de l’année, et c’est évidemment celui de Kali Uchis

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© Geffen Records

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Par Flavio Sillitti

Publié le

Sur son quatrième album Orquídeas, Kali Uchis célèbre le plaisir, la force féminine et l’amour sur fond de ballades sensuelles et de reggaeton tapageur.

Une insolation en plein hiver, ça vous dit ? Moins d’un an après son excellent disque Red Moon in Venus, la chanteuse colombienne-américaine Kali Uchis revient déjà donner de ses nouvelles avec un quatrième album qui a tout pour plaire. Aguicheur, séducteur, sensuel, Orquídeas rend hommage aux racines colombiennes de Kali en misant sur un contraste frappant de reggaeton tapageur et de ballades sensuelles aux senteurs de romance, le tout en langue espagnole. Plus que jamais, Kali Uchis est en contrôle.

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Trois ans plus tôt, alors qu’elle s’apprête à sortir Sin Miedo (del Amor y Otros Demonios) ∞, son tout premier album exclusivement chanté en espagnol, son label tente de la convaincre de faire marche arrière et de miser sur les sonorités R&B anglophones qui ont fait la gloire de ses débuts. Heureusement pour nous, la chanteuse n’en démord pas et sort un véritable bijou dans sa langue natale, teinté de cumbia et de boléro, en guise de lettre d’amour à la Colombie. Pour Orquídeas, qui n’invite que peu d’anglais dans l’espagnol, Kali Uchis étend cette lettre pour en faire un manifeste.

Si elle peut déjà compter sur des tubes comme “Telepatía”, sorti en 2020 et cumulant aujourd’hui plus de 18 milliards (!) de streams, c’est surtout grâce à la finesse d’exécution de sa vision et de sa sensibilité que l’artiste a su gagner le cœur des mélomanes des quatre coins de la planète. Pas besoin de comprendre ses hispanismes pour se laisser porter dans son vortex langoureux de lascivité, Kali Uchis saura parler à votre cœur et à votre corps, et ce nouvel album ne déroge pas à la règle.

Alors que Red Moon in Venus, qu’elle a enregistré parallèlement à ce disque, nous invite à ralentir le temps d’un instant suspendu et moelleux, Orquídeas a d’autres intentions, et elles se manifestent clairement dès l’ouverture du disque avec l’enchaînement de “¿Cómo Así?” et “Me Pongo Loca” qui sonnent comme des invitations à la danse et aux roulements de bassin.

“Je veux redéfinir le regard que nous portons sur les chanteuses latines”

Les fans de la première heure seront ravi·e·s de tout de même retrouver des sonorités familières dans le disque, comme sur l’envoûtant “Pensamientos Intrusivos” ou le langoureux “Tu Corazón Es Mío…” qui sert de bande originale au clip d’annonce de sa récente grossesse.

Sur ce disque plus que sur aucun autre, que ce soit dans les cuivres de “Dame Beso // Muévete” ou l’esprit boléro sanguinaire et vengeur de “Te Mata”, Kali Uchis célèbre les cultures latinas les plus traditionnelles. Par la même occasion, et de façon engagée, elle redéfinit les contours de la chanteuse latina, avec l’intention de lui rendre ses lettres de noblesse. Elle l’affirme elle-même dans un communiqué : “Je veux redéfinir le regard que nous portons sur les chanteuses latinas.”

Historiquement, si les chanteuses de boléro ont été réduites au rang de femmes “hystériques”, la nouvelle scène menée par Kali Uchis compte bien se réapproprier le genre et honorer ses icônes féminines invisibilisées (La Lupe, Olga Guillot et Toña la Negra), prouvant que le boléro, trop longtemps réservé aux hommes, peut se révéler être un puissant poison au patriarcat et à l’oppression une fois manipulé par les nouvelles patronnes du registre.

L’esprit de célébration du disque est indéniable et éclate à de nombreuses reprises sur le solaire “Diosa” ou sur ses titres collaboratifs avec les stars du registre hispanique, à savoir Rauw Alejandro sur le très house “No Hay Ley Parte 2”, la sensation Karol G sur le libidineux “Labios Mordidos”, mais aussi El Alfa et JT qui s’invitent sur l’excellent “Muñekita”, titre addictif et véritable démonstration de dembow, qui ouvrait l’ère Orquídeas l’été dernier de la plus belle des manières.

En guise de clôture d’album, Kali Uchis décide tout simplement de nous offrir le soleil et l’allégresse dans un écrin de merengue jubilatoire nommé “Dame Beso // Muévete”. Et vous n’en sortirez pas indemne. Tout du long, les textes expriment autant le désir féminin que son pouvoir, pour nous rappeler qu’aujourd’hui, les héros des glorieuses aventures racontées dans les boléros sont parfois des bad bitches à talons hauts.

L’expression est éculée, mais force est de constater que sur Orquídeas, la chanteuse est au sommet de son art. Plus de dix ans après avoir entamé sa carrière musicale, elle se dévoile ici dans un album qui puise dans les courants hispaniques qu’elle connaît et qu’elle apprécie, et ça s’entend. Le projet est complet, le message est clair : Kali Uchis a bien étudié l’histoire musicale hispanique et compte bien y inscrire son nom.