On vous dit tout sur cette bizarre affaire de vol de toilettes en or signées de l’artiste Maurizio Cattelan

On vous dit tout sur cette bizarre affaire de vol de toilettes en or signées de l’artiste Maurizio Cattelan

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© Christina Horsten/picture alliance/Getty Images

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Par Lise Lanot

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Pourquoi cette histoire de vol de toilettes en or interroge les rouages du marché de l’art et du capitalisme ?

Après quatre années passées à enquêter sur les auteur·rice·s d’un crime étonnant, il semble que la police britannique a retrouvé la trace de sept personnes suspectées d’avoir orchestré et participé à un vol de belle envergure. Ça a tout l’air d’être une blague, un kamoulox avec des mots-clefs bien sentis pour faire du clic mais c’est bien une sérieuse histoire de cambriolage qui pèse plus de 6 millions de dollars (et près de 25 kilogrammes) dont il s’agit.

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L’affaire remonte à 2019, lorsque l’artiste contemporain Maurizio Cattelan installait au palais de Blenheim, où naquit Winston Churchill, America, une sculpture de toilettes en or 18 carats, tout à fait en état de marche, raccordées à la plomberie du somptueux lieu. En quittant les lieux et en s’emparant de l’œuvre, le lendemain de son installation, le groupe avait inondé la salle de bains.

La police suspectait les six voleurs âgés de 36 à 68 ans et la voleuse de 38 ans d’avoir fondu l’objet afin de mieux se partager et revendre l’or. C’est désormais au Crown Prosecution Service de décider d’engager, ou non, des poursuites contre les sept personnes arrêtées, relate The SunRéalisées un siècle après la Fontaine de Marcel Duchamp, les toilettes de Maurizio Cattelan répondaient au célèbre ready-made de l’artiste français. Tandis que la Fontaine de Duchamp n’était plus fonctionnelle et devenait œuvre d’art par son inutilité et son exposition en galerie, l’America de Cattelan a toujours été ouverte au public (et à ses excréments).

L’artiste souhaitait ainsi souligner “les excès du marché de l’art” tout en proposant “un produit de luxe habituellement réservé au 1 % les plus riches de la planète” aux 99 % restants, explique le Guggenheim. Le musée new-yorkais avait installé la sculpture dans ses toilettes publiques un an durant afin que son public en profite, avant de les proposer ironiquement à Donald Trump, alors même que l’exposition de Cattelan soulignait que “l’esthétique de ce ‘trône’ [rappelait] particulièrement la surabondance de dorure du parc immobilier et des résidences privées de Trump”.

Des œuvres tourbillon

L’affaire prête peut-être à sourire, mais elle donne surtout matière à penser. Difficile de blâmer le vol d’une œuvre estimée à près de 6 millions d’euros qui est supposée souligner et moquer les disparités économiques du monde. À l’époque du vol, Maurizio Cattelan s’interrogeait : “Qui est assez bête pour voler des toilettes ? America, c’était le 1 % pour les 99 %. J’essaie d’être positif et d’imaginer que le cambriolage est une sorte d’action à la Robin des Bois.” Et même si ça ne l’était pas, peut-on vraiment en vouloir à des gens venus croquer un bout du butin plutôt que de laisser 99 % de fesses s’asseoir sur de l’or ?

Quoi qu’on en pense, les œuvres de Maurizio Cattelan vivent des existences faites de rebondissements causés par leur dimension polémique et satirique. En 2019 toujours (année faste apparemment), l’artiste scotchait une banane au mur d’un stand de la foire Art Basel Miami et la vendait 120 000 dollars. Là encore, Maurizio Cattelan commentait la façon dont les êtres humains donnent des valeurs arbitraires à des objets tout en participant aux folles transactions inhérentes au marché de l’art contemporain. Depuis, la banane a été maintes fois mangée puis remplacée et a fait l’objet de contentieux de la part d’artistes estimant qu’ils avaient eu l’idée les premiers. Maurizio Cattelan n’a pas fini de donner le vertige au monde de l’art contemporain.

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