Pour décoloniser l’art et les regards : on vous conseille l’expo Présences arabes au Musée d’Art Moderne de Paris

Pour décoloniser l’art et les regards : on vous conseille l’expo Présences arabes au Musée d’Art Moderne de Paris

Image :

© Baya/LaM, Villeneuve d’Ascq/Othmane Mahieddine

photo de profil

Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Ce qu’on a aimé, ce qu’on a moins aimé, ce qui nous a bouleversées et quelques recommandations en plus : notre chronique de l’exposition Brancusi au Centre Pompidou.

“Il y a quoi à voir en ce moment ?”, “Vous avez une expo à me conseiller ?”, “Vous avez vu quelles expos récemment ?”… Chaque mois, nous tâcherons de répondre à ces questions existentielles qu’on nous pose tout le temps et qui vous font vivre les pires insomnies. Ces recommandations auront le mérite, on l’espère, d’adoucir vos week-ends, de remplir vos cerveaux de belles images et de projets touchants.

À voir aussi sur Konbini

Qui, quoi, où, quand…

Se concentrant sur l’art moderne arabe du XXe siècle, le Musée d’Art Moderne de Paris (MAM) expose “Présences arabes” jusqu’au 25 août 2024, afin de “renouveler le regard historique sur des scènes artistiques encore peu connues en Europe”. Ce sont plus de 200 œuvres, dont des photographies, affiches, peintures, sculptures, archives vidéo et sonores, de 130 artistes qui font état des luttes indépendantistes nées au moment des décolonisations.

Ces projets s’axent autour de Paris et s’étalent de 1908, “année de l’arrivée du poète et artiste libanais Khalil Gibran” dans la capitale et de “l’ouverture de l’école des Beaux-Arts du Caire”, à 1988, “avec la première exposition consacrée à des artistes contemporain·e·s arabes à l’Institut du Monde Arabe (inauguré quelques mois plus tôt) et l’exposition ‘Singuliers : bruts ou naïfs’, avec entre autres l’artiste marocaine Chaïbia Tallal et l’artiste tunisien Jaber Al-Mahjoub, présentée au musée des enfants du Musée d’Art Moderne de Paris”.

Baya, Femme en robe orange et cheval bleu, vers 1947, LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’Art contemporain et d’Art brut, Villeneuve d’Ascq, donation de L’Aracine en 1999. (© Othmane Mahieddine)

Ce qu’on a le plus aimé…

L’exposition “dit les termes” et ne mâche pas son engagement, n’use pas de détours et de pirouettes. Il est très courageux d’assumer une telle exposition, aujourd’hui, à un moment où l’actualité est brûlante et où le Palais de Tokyo, situé juste en face, est la cible de l’extrême droite qui trouve sa programmation trop “woke”. Cette exposition a été très bien pensée : elle regorge d’œuvres et de documents précieux. Il est impressionnant d’avoir accès à une sélection d’œuvres d’une si grande ampleur : vous ne resterez pas sur votre faim.

Nous avons également apprécié l’articulation des différents chapitres du parcours ; l’attention portée au vocabulaire (mis entre guillemets quand il peut être débattu ou offensant) ; le petit avertissement du début, qui alerte sur les images violentes pouvant choquer le public ; ainsi que le verbatim qui explique pourquoi le terme “arabe” (et non “maghrébin” ou “amazigh”) a été choisi pour unir tou·te·s ces artistes.

Jamil Hamoudi, Dorival, 1951, Centre Pompidou, Paris – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle. (© Centre Pompidou, MNAM–CCI/Dist. RMN–Grand Palais/Bertrand Prévost)

Les œuvres qui nous ont le plus touchées…

Plusieurs artistes et œuvres ont retenu notre attention à l’instar des peintures de Salah Yousry ; de Rabah Mellal et sa Femme kabyle sculptée ; d’Ammar Farhat et sa Mariée tunisienne ; de Fahrelnissa Zeid et sa Composition kaléidoscopique ; d’Ahmed Cherkaoui et son Couronnement adoubé d’un yaz ; et de Safia Farhat et son Enfant aux héliotropes.

Il y a aussi André Fougeron et les Nord-Africains aux portes de la ville (La Zone) ; Djamila Bent Mohamed et son tableau intitulé Palestine ; la photo historique de Jean Texier, “Ici on noie les Algériens”, exposée sous un mur entier consacré aux affiches pro et anticoloniales de l’époque ; le livre Ratonnades à Paris, de François Maspéro ; et enfin, des affichages dénonçant les violences policières envers les immigré·e·s, les droits des travailleur·se·s et la Nakba en Palestine.

Amy Nimr, Femmes et enfants aux poissons, vers 1926, collection particulière. (© Juan Cruz Ibáñez)

Ce qu’on a moins aimé…

Il y a beaucoup à lire, donc l’exposition peut être très longue à faire si, comme nous, vous voulez prendre le temps de tout lire et tout regarder. Ne faites pas comme nous, ne débarquez pas une heure et quart avant la fermeture du musée : comptez bien deux heures pour tout parcourir et prendre le temps. Les agent·e·s sur place sont très bienveillant·e·s, ne vous arracheront pas à votre cartel et vous tiendront au courant à plusieurs reprises de la fermeture imminente du musée, histoire que cela ne vous surprenne pas.

Pour aller plus loin…

Étant donné que c’est juste en face, passez au Palais de Tokyo, qui déborde d’œuvres “wokes” et décoloniales, dans le cadre de “Dislocations”, “Signal – Mohamed Bourouissa”, “Passé inquiet : musées, exil et solidarité”. On vous conseille également l’exposition “Arabofuturs” de l’Institut du monde arabe, dans le Ve arrondissement parisien.

L’exposition “Présences arabes” est à voir jusqu’au 25 août 2024, au Musée d’Art Moderne de Paris.