Pourquoi cette reproduction de La Jeune Fille à la perle met un musée dans l’embarras ?

Pourquoi cette reproduction de La Jeune Fille à la perle met un musée dans l’embarras ?

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© Johannes Vermeer/Mauritshuis ; Julian AI art

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Par Lise Lanot

Publié le

Hormis le fait que la reproduction est très laide.

Il est peu dire que le Mauritshuis est fier de sa Jeune Fille à la perle. Obligé de s’en séparer plusieurs semaines à cause d’un prêt au Rijksmuseum – le temps de sa grande rétrospective dédiée à Johannes Vermeer –, le musée amstellodamois célèbre sa Jeune Fille absente grâce à une exposition de copies du tableau.

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L’exposition “My Girl with a Pearl” présente, en physique et en numérique, une sélection de 170 œuvres (parmi les 3 428 envoyées) imaginées par des esprits créatifs du monde entier, inspirés par la toile de Vermeer. Parmi les Jeunes Filles noires, remaquillées, rhabillées, pixélisées, transformées en nature morte, en œuvres pop art ou en dinosaures, certaines versions n’ont pas plu à tout le monde, à l’instar de celle proposée par l’artiste Julian AI art.

Comme son nom l’indique, l’artiste a réimaginé le tableau à l’aide d’une intelligence artificielle. Il a utilisé Midjourney, un programme qui génère des images à partir de descriptions textuelles, pour mettre en exergue les perles portées par le sujet, et rendre hommage à la lumière étincelante qui en émane dans l’œuvre de Vermeer.

Sur son compte Instagram, il explique sa fascination pour “les grands maîtres et leurs techniques pour représenter la lumière” ainsi que sa certitude que les intelligences artificielles représentent un terrain de jeu formidable pour les artistes : “On peut ‘placer la lumière’ où on le souhaite. […] Plus j’expérimente, plus je crois fermement au fait que ce sont des outils que les vrais artistes maîtriseront d’une façon dont on n’a même pas encore idée. C’est comme regarder un tout nouveau genre artistique éclore devant nos yeux en temps réel.”

Cet enthousiasme est loin d’être partagé par tout le monde. Hyperallergic note que de nombreux·ses internautes ont commenté les publications du musée pour affirmer leur mécontentement que “tant d’œuvres générées par intelligence artificielle aient été sélectionnées” par le jury du musée.

Les messages soulignent les “problématiques légales et éthiques de ces technologies”, et interrogent le “désintérêt pour les artistes réels qui nous entourent” de la part du Mauritshuis. “Les prompts IA ne sont pas des artistes et leurs coquilles d’images générées artificiellement ne devraient pas être encensées par la communauté artistique”, ajoute un·e internaute pour qui “les images créées par l’IA sont du plagiat”.

Le musée a réagi par une pirouette, affirmant que le projet n’était de toute façon pas une compétition. Mauvaise réponse selon les internautes, qui rappellent que certaines œuvres ont été choisies pour être exposées en versions physiques et numériques, et qu’il aurait mieux valu mettre en avant des artistes de chair et d’os que des machines.

Ce genre de débat fait légion dans le milieu de l’art. Il y a quelques mois, c’est la remise du premier prix, lors d’une compétition d’art, à une œuvre générée par une intelligence artificielle qui faisait scandale. Les détracteur·rice·s de l’artiste responsable estimaient que ces outils signaient la mort des artistes – tandis que Julian AI art imagine qu’ils permettront leur renaissance. Le débat paraît sans fin, peut-être ChatGPT aura-t-il la réponse ?