Fin mai 2021, une sculpture invisible intitulée Io Sono (“Je suis”) se vendait 15 000 euros. Pas de sens caché à cette phrase : on parle bien d’une sculpture invisible, intangible, bref, qui n’existe pas, vendue 15 000 euros (contre un certificat d’authenticité uniquement, donc).
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L’affaire semblait déjà assez incongrue jusqu’à ce qu’elle connaisse un rebondissement : l’artiste Tom Miller menace l’artiste italien Salvatore Garau de lui intenter un procès, affirmant être à l’origine du concept de “sculpture de rien”.
Habitant en Floride, Tom Miller raconte avoir installé sa propre sculpture invisible dès 2016. Dans un documentaire parodique dédié à ce projet et diffusé sur YouTube en 2020, il présentait son œuvre Nothing comme “la meilleure et la première sculpture du monde faite à partir de rien”. “J’ai vérifié sur Google”, ajoutait-il, non sans humour. Dans la vidéo, on voit l’artiste états-unien déplacer, avec une équipe, de gros blocs de pierre invisibles à Gainesville, en Floride.
Interrogé par la chaîne d’infos floridienne WCJB-TV, Tom Miller a affirmé que Io Sono était “exactement [son] idée”. “Les idées sont importantes et être reconnu pour ses idées l’est aussi. Je voulais simplement cette reconnaissance. J’ai contacté [Salvatore Garau], il a tout ignoré donc j’ai embauché un avocat italien.”
Selon l’avocat, interrogé par Artnet, Salvatore Garau a été prévenu du litige par courrier et Tom Miller et son représentant juridique sont “prêts à lancer une action en justice si un accord à l’amiable ne peut être trouvé”. “Nous pensons qu’il est clair que M. Miller a créé son œuvre avant M. Garau et nous savons que M. Garau connaissait l’existence de cette œuvre. M. Miller mérite clairement que son travail soit reconnu et il mérite de profiter de tous les droits et bénéfices qu’une telle reconnaissance apporte.”
Tom Miller présente son œuvre “Nothing”, dans son documentaire éponyme. (© Capture d’écran YouTube)
Les 15 000 euros récoltés par Salvatore Garau semblent donc avoir suscité bien des convoitises. On ne peut cependant mettre de côté le fait que des œuvres invisibles existaient bien avant 2016 et Tom Miller.
En 1958, Artnet rappelle qu’Yves Klein avait exposé une galerie vide tandis que, 34 ans plus tard, Tom Friedman exposait une plinthe nue, sur laquelle était posé un objet invisible ensorcelé. Dès 1952, le compositeur expérimental John Cage proposait quant à lui 4’33”, un morceau de piano complètement silencieux.
Difficile donc de revendiquer la paternité d’un tel concept d’autant que nombre d’artistes se réveilleraient désormais pour affirmer être les premiers à avoir imaginé des sculptures invisibles.