Quand 59 hommes gays, bisexuels et transgenres donnaient leur sang pour l’art afin de lutter pour l’égalité

Quand 59 hommes gays, bisexuels et transgenres donnaient leur sang pour l’art afin de lutter pour l’égalité

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© Jordan Eagles/Leo Herrera/YouTube

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

En 2016, Jordan Eagles révélait sa sculpture Blood Mirror, composée de sang provenant de 59 hommes gays, bisexuels et transgenres. Retour sur son histoire.

C’est une œuvre choc et importante de l’histoire de l’art contemporain occidental. Signée Jordan Eagles, Blood Mirror est une sculpture collaborative constituée de 59 dons de sang provenant d’hommes gays, bisexuels et transgenres. Ces militants plaidaient pour l’égalité et voulaient protester contre l’interdiction discriminatoire du don de sang, imposée en 1983 aux gays et bisexuels par le gouvernement états-unien, face à l’épidémie du VIH.

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Le projet de Jordan Eagles a débuté en 2014, avec la participation de neuf premières personnes qui partageaient leur sang mais aussi des témoignages sur leur parcours, leurs réflexions sur cette interdiction stigmatisante et les répercussions qu’elle engendre sur leur vie. En 2015, la Food and Drug Administration (FDA) a levé cette interdiction, soit trente ans après son instauration, à condition que ces hommes gays et bisexuels attestent d’un célibat d’un an. Les hétérosexuel·le·s, de leur côté, ne sont soumis·es à aucune obligation de célibat concernant le don de leur sang.

Ce projet artistique s’est poursuivi en 2016 avec l’ajout de cinquante hommes au projet, défenseurs de la PrEP (le traitement préventif contre le VIH), qui ont donné un tube de sang chacun. Jordan Eagles a injecté le sang de ces 59 personnes dans de la résine, qui le préservera des effets du passage du temps. Le public est invité à pénétrer dans cette grande sculpture tubulaire et rouge afin de contempler tout ce sang gâché qui aurait pu servir à la médecine.

Ironie du sort, en 2020, la pandémie de Covid-19 provoque des pénuries massives de sang. La FDA est miraculeusement revenue, dans l’urgence, sur cette condition discriminatoire de célibat d’un an, l’abaissant à trois mois, afin de pouvoir profiter du sang gay et bisexuel durant cette période de crise. Malgré de nouvelles recommandations annoncées en 2023 par la FDA, ces discriminations affectent toujours la communauté LGBTQIA+ concernant son sang : une étude du UCLA Williams Institute nous apprend que si cette limitation venait à être levée totalement, un million de vies supplémentaires pourrait être sauvé chaque année.