Jusqu’au 9 février 2025, l’artiste états-unienne et réalisatrice de The African Desperate Martine Syms transforme Lafayette Anticipations en boutique hybride d’un nouveau genre. L’ensemble des étages de la galerie parisienne participent à créer une œuvre d’art totale qui explore le “théâtre du quotidien” et les mécanismes de contrôle, pour la première rétrospective de l’artiste en France.
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Née en 1988, Martine Syms est incontestablement une artiste engagée, prolifique et touche-à-tout. Celle qui se présente comme une “entrepreneure conceptuelle” aime être sur tous les fronts. Elle a co-fondé une librairie appelée Golden Age ; publié The Mundane Afrofuturist Manifesto, un essai qui veut réinventer l’horizon de la production artistique de la diaspora noire ; participé à l’écriture du speech de Kanye West aux MTV Video Music Awards de 2015 lors duquel il a annoncé sa candidature aux présidentielles ; réalisé et co-produit The African Desperate sur son expérience de femme noire aux Beaux-Arts ; écrit une sitcom…
La liste est longue, donc arrêtons-nous là pour revenir sur DED, une œuvre vidéo dans laquelle l’artiste, matérialisée par un avatar 3D, met en scène sa propre mort. Ou plutôt ses propres morts, qui partagent toutes un point commun : la violence.
Vue d’installation, Martine Syms, Grio College, Hessel Museum of Art, CCS Bard, New York (© Martine Syms/Sadie Coles HQ, Londres/Photo : Olympia Shannon)
Quinze minutes de morts et de renaissances
DED commence sur une surface lisse où l’avatar de Martine Syms, créé à partir d’un scan 3D de son corps, est en morceaux. Mais si les parties de son corps se rejoignent doucement, ce n’est que pour lui permettre de mourir de nouveau. D’une balle dans la tête, d’une diarrhée explosive qui la fait s’envoler pour faire une chute mortelle, d’un vomi si violent qu’il la tue…
Pendant plus de quinze minutes, l’avatar meurt et ressuscite. “Je trouve ça plutôt drôle”, commente l’artiste lorsqu’elle envoie un extrait du film à un ami. “Mais je tiens à préciser que je comprends les gens qui n’apprécient pas. Certains disaient : ‘C’est quoi ce truc ? C’est vraiment violent. Je n’aime pas te voir mourir’.” À la différence du film Happy Birthdead où le personnage principal revit chaque jour sa mort et cherche à y échapper, l’avatar de Martine Syms endure tout sans broncher, pour finalement terminer en morceaux… et se reconstituer au redémarrage de la vidéo, diffusée en boucle.
“J’utilise un signifiant, la noirceur, qui, pour certaines personnes, peut évoquer une souffrance intense. Mais je le vois comme un véritable espace de joie et de liberté”, déclare Martine Syms au New York Times au sujet du sérieux de ses œuvres et de leur dimension raciale. La bande-son pop de DED aborde quant à elle les relations interpersonnelles, la vie et ses défis, pendant qu’une Martine Syms en 3D continue de tomber et de se relever, coincée dans une boucle temporelle où les blessures sont invisibles. Si l’œuvre de Martine Syms vous passionne et si vous voulez en découvrir un peu plus sur son travail, on vous invite à faire un tour à Lafayette Anticipations.
Martine Syms, This Is A Studio/Aunty (35), 2022-23, video still. (© Sprüth Magers)
Martine Syms, Loser Back Home. (© Sprüth Magers/Photo : Robert Wedemeyer)
L’exposition “Total” de Martine Syms est à découvrir à Lafayette Anticipations jusqu’au 9 février 2025.
Konbini, partenaire de Lafayette Anticipations.