Retraites : 49.3 décidé par Macron, que peut-il désormais se passer ?

Retraites : 49.3 décidé par Macron, que peut-il désormais se passer ?

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Paris, jeudi soir © Photo by OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

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Par Konbini avec AFP

Publié le

Motion de censure, dissolution, référendum d’initiative partagée : on fait le point sur ce qui peut désormais arriver.

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Après le déclenchement du 49.3 décidé par Emmanuel Macron sur la réforme des retraites, le gouvernement doit composer avec une crise politique : les oppositions vont déposer vendredi des motions de censure et de nouvelles manifestations sont annoncées, les leaders syndicaux mettant en garde contre de possibles “débordements”.

Cette procédure, déclenchée pour la 100e fois dans l’histoire de la Ve République (la 11e fois pour Élisabeth Borne), permet l’adoption du texte sans vote à l’Assemblée sauf si une motion de censure venait à renverser le gouvernement.

Motion de censure

Aussitôt le 49.3 dégainé par la Première ministre Élisabeth Borne jeudi, la coalition de gauche Nupes a prévenu qu’elle utiliserait “tous les moyens à sa disposition” pour faire échouer la réforme contestée des retraites, du soutien au mouvement social à un référendum d’initiative partagée.

Le Rassemblement national doit de son côté déposer sa motion vendredi. Le groupe des députés indépendants Liot projette également de déposer une motion de censure “transpartisane”, particulièrement surveillée par l’exécutif, même si la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Jean-Luc Mélenchon a annoncé vendredi que le groupe LFI, et probablement toute la coalition de gauche Nupes, allait soutenir cette motion que déposerait le groupe des indépendants Liot. Il a reconnu que cela “donnait les plus grandes chances possibles à la censure” par rapport à une motion Nupes que rechigneraient à voter ceux des députés de droite défavorables à la réforme.

Les motions de censure doivent être déposées moins de vingt-quatre heures après le déclenchement de l’article 49.3, soit, en l’occurrence, avant vendredi en milieu d’après-midi.

Une fois déposées, elles ne peuvent pas être débattues avant quarante-huit heures, soit, ici, pas avant dimanche. “Un vote aura bien lieu, ce lundi”, a avancé le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance Stéphane Séjourné.

Référendum d’initiative partagée

Les membres de la Nupes évoquent cette option depuis plusieurs jours. Cette procédure complexe “permet de bloquer pendant neuf mois la mise en œuvre de cette réforme”, a souligné la députée socialiste Valérie Rabault, qui “y croit”.

Le référendum d’initiative partagée (RIP) prévoit la possibilité d’organiser une consultation populaire sur une proposition de loi “à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement”, soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). Elle doit aussi être “soutenue par un dixième des électeurs”, soit 4,87 millions de personnes, dont les signatures doivent être recueillies dans un délai de neuf mois. Mais “si un RIP est déclenché sur les retraites, il faut qu’il le soit avant la promulgation de la loi retraite”, a précisé Mme Rabault.

Le député PCF Stéphane Peu a assuré dès mardi avoir les 185 parlementaires nécessaires. Sa proposition de loi proposera que “l’âge de départ à la retraite ne puisse pas excéder 62 ans”, a-t-il précisé. Les Insoumis s’y joindront, mais sont moins persuadés qu’un RIP soit la solution, car ils visent un “retrait de la réforme à court terme”, explique leur coordinateur Manuel Bompard.

Conseil constitutionnel

La cheffe des députés LFI Mathilde Panot a promis que la gauche saisirait le Conseil constitutionnel. La coalition va faire valoir que la réforme, insérée dans un projet rectificatif du budget de la Sécurité sociale, tient du cavalier législatif, puisque les finances ne sont pas le seul aspect abordé dans le texte.

Règlements de comptes

À l’Assemblée, l’heure est aux règlements de comptes. D’abord au sein des Républicains dont les divisions sur ce texte, pourtant façonné par leurs collègues LR du Sénat, ont lourdement pesé sur la décision de l’exécutif, mais aussi au sein de la majorité, où le 49.3 risque de laisser des traces.

Le président du parti Éric Ciotti a assuré jeudi que les députés LR ne s’associeraient à ni ne voteraient “aucune motion de censure”, avant d’être contredit quelques minutes plus tard par le député LR Aurélien Pradié, en pointe parmi les frondeurs sur ce texte.

“Nous avons un problème de démocratie parce que ce texte, qui va changer la vie des Français, va être adopté sans qu’il y ait eu le moindre vote à l’Assemblée nationale”, a déclaré le député LR auprès de BFM TV. “Que chacun mesure la gravité de la situation et le risque de rupture démocratique qu’il y a dans notre pays.”

Dans la majorité, l’amertume était palpable, notamment chez les alliés de Renaissance. “C’était une erreur de faire le 49.3 sur un texte comme ça vu l’état de notre démocratie. Il fallait aller au vote, quitte à perdre. Je suis sous le choc”, a réagi le député MoDem Erwan Balanant. La situation “s’approche de la crise de régime”.

Certains élus macronistes ne cachent pas non plus leur incompréhension. À une réunion Renaissance peu avant l’officialisation du 49.3, les députés étaient “abasourdis”, selon un participant.

Dissolution ?

Pour un responsable du groupe majoritaire, sous couvert d’anonymat, “c’est un crash. Il faut une dissolution”. Une hypothèse évoquée mercredi soir à l’Élysée par le chef de l’État… avant le 49.3.

S’il est plus discret sur ce thème, Jean-Luc Mélenchon pensait encore récemment une dissolution inéluctable. Quand le président Emmanuel Macron a fait planer la menace au début de la bataille des retraites, Manuel Bompard, proche du tribun, a répliqué : “Chiche.”

Trois fois candidat à la présidentielle mais assurant qu’il ne le serait pas une quatrième fois, Jean-Luc Mélenchon a très envie de retourner aux urnes. Il a eu beau jeu vendredi de renvoyer au président : “C’est lui qui a rajouté la dissolution [dans le débat, ndlr] mais ce n’est pas dans la Constitution”, pour le cas d’une motion de censure adoptée.

Des manifestations dans plusieurs villes en France

Jeudi soir, en “colère” ou “révoltés”, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans diverses villes de France, créant des manifestations émaillées de tensions et d’incidents.

L’annonce du 49.3 a ravivé les oppositions mais aussi la contestation dans la rue : les forces de l’ordre sont intervenues jeudi soir pour évacuer la place de la Concorde où s’étaient rassemblés plusieurs milliers de manifestants. À 23 h 30, 217 personnes avaient été interpellées, selon la préfecture de police.

Des incidents ont aussi éclaté à Rennes, Nantes, Amiens, Lille ou encore Grenoble. À Marseille, sur la Canebière, des jeunes masqués ont fracassé la vitrine d’une agence bancaire et un panneau publicitaire tandis que d’autres ont mis le feu à des poubelles en criant : “À bas l’État, les flics et le patronat”, a constaté un journaliste de l’AFP.

La patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a demandé jeudi soir au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de “mobiliser les services de l’État” pour la “protection des parlementaires” de la majorité.

“Je m’étais dit qu’ils respecteraient un peu la démocratie. A priori je suis très naïve donc j’ai été surprise, je croyais qu’ils n’allaient pas oser user du 49.3”, a protesté Karen Mantovani, manifestante à Grenoble. “Tout le monde grogne mais ça manque d’action”, a-t-elle regretté, se disant “révoltée”.

Les syndicats dénoncent un passage “en force”

L’intersyndicale a appelé à “des rassemblements locaux de proximité” ce week-end ainsi qu’à une neuvième journée de grève et de manifestations le jeudi 23 mars.

Les syndicats ont dénoncé un passage “en force” et “mesurent avec gravité la responsabilité que porte l’exécutif dans la crise sociale et politique qui découle de cette décision, véritable déni de démocratie”.

Plusieurs responsables syndicaux dans les secteurs du transport et de l’énergie ont par ailleurs mis en garde contre de possibles “débordements” ou “actions individuelles” de salariés de la base.