Ce mardi 3 décembre, le magazine Têtu organisait la deuxième édition de sa Cérémonie des têtu· au Trianon. Un grand moment de fête et de communion, pop et militant, où l’on regarde autant dans le rétroviseur, pour ne jamais perdre de vue le chemin parcouru, que vers l’horizon, pour célébrer la culture LGBTQIA+ et braver les obstacles qu’il reste à franchir.
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La soirée, animée avec maestria par le drôlissime duo Giulia Foïs et Jessé, a remis plusieurs prix, dont celui de la performance brat de l’année, ou, selon la drag-queen Soa de Muse qui présentait la catégorie, “la performance qui défonce sa mère”. Et ce tout premier têtu· a été décerné à l’artiste et musicienne Rebeka Warrior, qui a notamment cocomposé la bande originale du film Les Reines du drame, d’Alexis Langlois.
Le têtu· de la mémoire LGBTQI+ a salué la persévérance du journaliste Christophe Martet, activiste acharné de la lutte contre le VIH et président de l’association Vers Paris sans sida, qui, dans un discours très émouvant, a raconté qu’il vivait “avec les fantômes des ami·e·s disparu·e·s”, mais a surtout rappelé que le combat devait continuer.
© Jack Tribeca – Coadic Guirec / Bestimage
“Moi, je refuse le silence et la conciliation”
Le prix de la révélation de l’année avait une saveur particulière pour nous, puisqu’il a été donné à Lou Trotignon, un brillant humoriste dont nous avions fait le portrait en tout début d’année et en qui nous croyions très fort. Lui aussi s’est fendu d’un message poignant : “En tant que personne assignée femme à la naissance, on nous apprend le silence et la conciliation. Et moi je refuse le silence et la conciliation.”
Pour nous remettre de toutes ces émotions, La Grande Dame, révélée par la saison 1 de Drag Race France, a performé son tout nouveau single sur la scène du Trianon, “Parfum Orange”. C’est doux, c’est langoureux, ça fleure bon les amours d’été. Retour aux prix, avec le têtu· du cinéma queer, en partenariat avec le festival Écrans Mixtes de Lyon. Et, s’il y a bien un film arc-en-ciel dont tout le monde parle en ce moment, c’est bien Les Reines du drame, d’Alexis Langlois. La·le réalisateur·rice a mis tout le monde d’accord avec son discours : “Ça récompense tout le travail d’une équipe queer, devant et derrière la caméra. On a lutté des années pour le faire”, avant de conclure avec un appel au cessez-le-feu à Gaza. Le Trianon a exulté.
“L’égalité n’est pas une option, et le silence, c’est être complice”
Le têtu· de l’allié·e de l’année est revenu au rugbyman Antoine Dupont, qui avait fait la couverture du magazine en juin dernier. Un prix remis par l’hilarante drag-queen Lova Ladiva, candidate de la saison 1 de Drag Race France, et animatrice du Talon Faible, qui nous a fait crever de rire avant de rappeler très solennellement que “l’égalité n’est pas une option, et le silence, c’est être complice”. BIM.
© Jack Tribeca – Coadic Guirec / Bestimage
Place à la musique ensuite avec le prix de l’album de l’année, remis par Eddy de Pretto à “un artiste qui redéfinit sans cesse les contours de ce que la musique peut-être” : Rahim Redcar. Ce dernier nous a ensuite offert un live électrifiant et habité de “DEEP HOLES”, dont on n’est pas sortis indemnes. Le têtu· de la première création a quant à lui été attribué au Belge Pierre de Maere, pour son album Regarde-moi. Puis ça a été au tour du prix du jeune talent queer, en partenariat avec la plateforme RIFFX du Crédit Mutuel et choisi par le public, qui est revenu à Camion Bip Bip. Avec leur performance live, ces Pussy Riot à la française, pop, punk et féministes, ont retourné le Trianon. Du gros son bien vénère, comme on aime.
Bambi, iconique et immortelle
Le têtu· d’honneur, qui récompense l’engagement pour la visibilité LGBTQI+, nous a rappelé à quel point la mémoire des luttes, et de celles et ceux qui ont ouvert la voie avant nous, est fondamentale. Le prix a été remis à Bambi, alias Marie-Pierre Pruvot, 89 ans, grande dame du cabaret, une femme envers et contre tout, iconique et immortelle. Les larmes sont vite montées lorsqu’elle a tenu à remercier son amie de toujours : “Toutes mes pensées vont vers Coccinelle. Elle qui a fait face aux affronts, elle qui nous a montré qu’il était possible de vivre à notre convenance. C’était les années soixante.”
© Jack Tribeca – Coadic Guirec / Bestimage
Le têtu· de la personnalité de l’année, qui revenait à Eddy de Pretto en 2023, a cette fois-ci été décerné à Thomas Jolly, l’architecte qui a imaginé les folles cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Il a reçu ce prix des mains de Fanny Herrero, brillante scénariste française (Dix pour cent, Drôle), qui l’a accompagné dans cette incroyable création : “Merci pour ce cri du cœur rassembleur dont on ne s’est toujours pas remis”, lui lance-t-elle.
Thomas Jolly a confié, des trémolos dans la voix : “Je ne m’en suis pas remis non plus.” Avant d’admettre : “On a hésité pendant deux ans de savoir si c’était une idée de génie ou une idée de merde.” On confirme, c’était bien du génie. Enfin, toujours sur le thème des JO, la chanteuse Jenifer est venue remettre le têtu· de la représentation grand public à LUCKY LOVE, l’artiste qui avait bouleversé tout le monde lors de l’ouverture des Jeux paralympiques en août dernier, et qui nous a fait décoller de notre siège ce mardi soir.
C’est ainsi que s’est achevée cette deuxième Cérémonie des têtu·, avec des rires, des cris de joie et des cris de rage, beaucoup d’émotions… Les paillettes sont retombées sur la moquette du Trianon. Et, parce que la culture queer ne se célèbre pas qu’en juin au moment du mois des fiertés, continuons de soutenir les artistes, les projets, les associations, les lieux qui permettent à toute la communauté de briller !