Mardi, deux policiers étaient jugés à Lyon pour “violences volontaires” sur un homme qui avait eu neuf dents cassées, fin 2019. Des faits filmés et photographiés par des témoins mais qui, à l’origine, n’avaient pas été consignés par la police. “Un policier m’a mis un coup de matraque, comme un coup droit de tennis”, racontait Arthur pour Konbini news dans une vidéo où il “demandait justice”.
À voir aussi sur Konbini
Photos, vidéos et témoignages à l’appui pour relancer l’affaire
Le 10 décembre 2019, alors que plus de 10 000 personnes manifestaient à Lyon contre la réforme des retraites, ce saisonnier de passage dans la ville rejoint le cortège par hasard, selon ses dires. L’ambiance se tend autour de la place Bellecour, avec jets de projectiles et tirs de grenades lacrymogènes. Le jeune homme s’en écarte et se retrouve à passer entre des militants de la CGT et des policiers, qui s’invectivent. Sur une vidéo, on le voit applaudir – le propos d’un syndicaliste, précise-t-il – quand un agent de la BAC le tire brutalement par la capuche. Arthur se débat, les policiers s’attroupent, coups de pied et de matraque pleuvent, et il finit au sol entre un arbre et un kiosque à journaux.
“J’ai les dents explosées, je crie de douleur et de peur, et là c’est incompréhensible car ils me lâchent d’un coup“, raconte celui qui dit avoir entendu un fonctionnaire lui lancer : “Bien fait pour ta gueule !“. D’autres images le montrent ensuite debout, la bouche en sang ; il croise le chef d’état-major à la Direction départementale de la sécurité publique, auquel il désigne ceux qui l’ont frappé, sans effet.
“Ce ne sont pas ces deux-là. Il y a un policier qui a tapé et qui se tait”
“On est tous passé à côté“, a reconnu mardi le procureur. Dans son rapport d’enquête remis en avril dernier, l’Inspection générale de la police nationale a pointé la responsabilité de deux des policiers, renvoyés devant le tribunal. “Étant donné la rapidité et la confusion de l’action, il n’est pas possible de voir sur les photos et vidéos collectées le moment précis où M. Naciri a été frappé à la bouche“, ont relevé les enquêteurs en imputant cependant le coup à l’un des prévenus, l’autre se voyant reprocher de s’en être pris initialement à la victime.
Problème. Le père de la victime, à force de visionner les images, a fini par en isoler une qui, grossie, montre le bout d’une matraque sur la mâchoire d’Arthur Naciri. Et que l’auteur de ce coup ne peut être le policier désigné par l’IGPN. Cette photo a été produite tout récemment par la partie civile et la défense s’est engouffrée dans la brèche pour réclamer un supplément d’information, avec expertise des images et expertise médicale, qui manquent à l’appel.
“L’IGPN s’est trompée“, a lancé maître Laurent-Franck Lienard, spécialiste de la défense des forces de l’ordre, en écartant la responsabilité de ses clients. “M. Naciri a pris un coup illégitime mais ce ne sont pas ces deux-là. Il y a un policier qui a tapé et qui se tait, c’est une certitude, désagréable car c’est peut-être un collègue qui travaille avec eux tous les jours“, a ajouté l’avocat en souhaitant que cet “abruti” réponde de ses actes. Il a réclamé pour cela la saisine d’un service d’enquête “compétent” – les gendarmes de l’IRCGN seraient “parfaits” à ses yeux.
Procès renvoyé en septembre prochain
“On a tous les éléments pour débattre, a rétorqué maître Thomas Fourrey, conseil de la victime. L’IGPN a conclu quelque chose, nous on conclut autre chose, on est là pour s’expliquer, je rêve de poser des questions à ces messieurs, mon client aussi.” La partie civile est, elle, convaincue que l’autre prévenu est en réalité l’auteur du coup.
Le parquet a vu dans la photo produite “un élément nouveau des plus intéressants“. Le dossier, jusque-là, ne comportait que des impressions de captures d’écran de mauvaise qualité. Après une heure de délibéré, le tribunal a renvoyé l’affaire au 28 septembre et chargé un juge d’instruction de faire le nécessaire pour “retracer le déroulement de la scène et déterminer les rôles de chacun“. Donnant ainsi l’impression de tout reprendre à zéro, quatorze mois après les faits. Une décision “insupportable” à entendre pour la victime qui a quitté brutalement la salle d’audience.
Konbini news avec AFP